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A. G UIDAGE VISUEL INDIRECT D ' UN MOUVEMENT D ' ATTEINTE DE CIBLE

3.3 Adaptation à une perturbation en amplitude

Une autre distorsion de l'espace perceptif reconnue dans les systèmes de guidage visuels chirurgicaux est la distorsion en amplitude entre la scène réelle et la scène perçue sur un écran

d'ordinateur (représentation uniquement de la main et de la cible) ou vidéo (vision de la scène réelle). En microchirurgie par exemple, le grossissement de la scène peut être quatre fois supérieur à la réalité. Dans ce type de traitement spatial, un zoom avant ou arrière de la caméra (écran vidéo) ou un algorithme spécifique (écran d'ordinateur) entraîne un grossissement ou une réduction de la scène perçue sur l'écran. Ainsi, pour un grossissement de 50%, un geste de pointage de 10 cm correspondra à un mouvement de 15 cm d'amplitude sur l'écran. Les expériences sur ce type de décorrélation entre le mouvement ressenti proprioceptivement et les informations visuelles du même mouvement vont être décrites.

3.3.1 Ecran d'ordinateur

Sur un écran d'ordinateur, le changement d'échelle ne peut pas se voir avant le départ du mouvement car la main et la cible sont seulement représentées par des croix ou des points. C'est lorsque le sujet commence son mouvement qu'il découvre l'amplitude de la perturbation. Des recherches ont été menées pour étudier les réactions de sujets face à de telles perturbations en distance. Il apparaît que toute perturbation en amplitude induite sur un écran d'ordinateur provoque une erreur de trajectoire correspondant, sur le premier essai, à la distorsion qui est corrigée après plusieurs essais. En effet, en 1996, Pine et al., montrent lors d'une expérience de pointage sous contrôle visuel indirect que l'erreur en amplitude au premier essai coïncide avec la distorsion introduite visuellement. Pour une augmentation des distances de 35%, l'amplitude du mouvement augmente de 32,5%. Ces résultats ont plus tard été généralisés pour d'autres grossissements et réductions (Krakauer et al., 2000 ; Seidler et al., 2001 ; Krakauer et al., 2004).

Concernant l'adaptation spatiale aux perturbations en amplitude, il apparaît que les erreurs sont corrigées avec une répétition des essais, mais le nombre d'essais nécessaires pour une complète adaptation diffère d'une expérience à l'autre. Pour l'expérience précédente de Pine et al. (1996), l'erreur de pointage diminuait considérablement après dix essais pour disparaître totalement après 70 épreuves. Cependant, Krakauer et al. (2000) montrent que l'adaptation se réalise en huit essais indépendamment de la variation en amplitude. D'autre part, Flach et al. (1990) ont effectué une expérience au cours de laquelle les distorsions en amplitude variaient pendant la réalisation du geste. Les résultats montrent une adaptation sensori-motrice indépendamment de la perturbation avec une réduction du temps de mouvement au cours des essais, les erreurs de pointage diminuant progressivement en se rapprochant de la cible.

Lors d'une expérience de pointage où la main est représentée par un curseur, Bock & Burghoff (1997) ont mis en évidence un transfert d'apprentissage entre des perturbations de distances différentes ainsi qu'une diminution de l'apprentissage proportionnellement à l'éloignement des cibles connues et inconnues. Durant l'apprentissage, les sujets seraient donc capables d'élaborer une sorte d'échelle des amplitudes leur permettant de s'adapter rapidement à d'autres distorsions en distance. Enfin, Bock (1992) a réalisé une expérience au cours de laquelle il introduisait des perturbations en amplitude et en direction. Il montre ainsi que l'adaptation en amplitude serait indépendante de la direction des mouvements.

3.3.2 Ecran vidéo

De même que pour l'étude des perturbations en direction, des travaux ont été effectués sur des gestes réalisés via un écran vidéo, c'est-à-dire en vision complète de la scène sur l'écran (main et objets environnants). Dans ces conditions, un changement d'échelle modifie la taille des éléments de la scène et la distance entre eux. Le sujet peut donc constater la perturbation avant le départ du geste. Les études mettent en évidence qu'au premier essai, l'erreur spatiale correspond à la perturbation et la durée du mouvement augmente (Ferrel et al., 2000, 2001). Cependant, la différence observée entre le mouvement réel et le zoom à l'écran (erreur de 10,7% pour un grossissement de 25%) semble s'expliquer par une anticipation de la perturbation sur la base des éléments contextuels (surtout la taille de la main) avant le mouvement et une correction partielle de la trajectoire pendant le mouvement.

Orliaguet et al. (1989) ont réalisé une expérience en demandant à des sujets d'effectuer des pointages dans cette situation. Dans leur protocole expérimental, trois zooms différents de la caméra était introduits aléatoirement entre les essais avec ou sans vision de main. Il apparaît qu'une capture visuelle se produit sur la proprioception et que les sujets parviennent à s'adapter à ces perturbations, sauf dans le cas où le retour visuel de la main n'est pas disponible : l'adaptation n'est alors que partielle. Par ailleurs, les auteurs ne constatent aucun effet d'apprentissage à une nouvelle distorsion. Dans les expériences de Ferrel et al. (2000, 2001) l'adaptation spatio-temporelle est complète en cinq essais si la perturbation reste constante. Dans le cas contraire, les sujets ne parviennent pas à s'adapter même après une centaine d'essais.

Il semble que, globalement, l'introduction d'un écran vidéo réduise les erreurs observées lors des tâches de pointages via un écran d'ordinateur. Les informations visuelles contextuelles comme la taille de la main ou des objets environnants permettraient aux sujets d'anticiper les changements d'échelle.

3.4

Conclusion

L'intérêt d'un système de guidage visuel passif (chapitre 1) se trouve dans la possibilité de connaitre l'orientation pertinente à donner à l'outil placé à l'intérieur du corps et de voir sa progression par rapport à la cible. Au vu de l'ensemble de ces résultats, il apparaît que le passage d'un contrôle en vision directe du mouvement à un contrôle visuel indirect à distance nécessite une réorganisation complète de l'espace basée principalement sur les informations visuelles. En effet, le contrôle moteur est très affecté par des perturbations visuelles en distance et en direction dont le point de référence reste visuellement perçu sur l'écran.

Par ailleurs, bien que les travaux présentés montrent que les décorrélations introduites sur un écran d'ordinateur ou vidéo provoquent des perturbations sensorimotrices similaires, il apparaît qu'un nombre d'essais moins important est nécessaire à l'adaptation d'une perturbation introduite par un écran vidéo. En effet, la vision de la main et des éléments de la scène apporteraient des informations spatiales supplémentaires qui permettraient de réduire les erreurs de pointage. Les trajectoires en amplitude et en direction sont moins perturbées et les temps de parcours sont plus courts. L'adaptation aux perturbations est également optimisée avec un écran vidéo puisque les erreurs spatiales sont presque totalement corrigées après seulement quelques essais alors qu'une

centaine d'essais est nécessaire pour obtenir des corrections partielles avec un écran d'ordinateur. D'autre part, un apprentissage semble transférable à d'autres paramètres spatiaux dans la mesure où ceux-ci sont proches de la condition d'apprentissage.

Durant la réalisation d'une ponction percutanée, le chirurgien disposant d'une assistance de guidage visuel doit faire face à toutes les perturbations que nous venons de décrire en plus d'une attention visuelle déjà fortement sollicitée par le contexte opératoire. C'est pourquoi, nous avons souhaité proposer une alternative au retour d'information visuelle pour le guidage d'un geste. Le but étant de remplacer ou de suppléer ce retour visuel par des informations d'orientation de l'aiguille transmises via une autre modalité sans perturber le contrôle moteur. Considérant cette problématique, nous proposons d'utiliser la perception tactile qui semble pouvoir transmettre des informations spatiales en amplitude et en direction. Dans la prochaine partie, nous allons présenter les travaux et les données fondamentales qui nous permettent d'envisager un retour d'information tactile comme une solution alternative à la transmission d'informations visuelles spatiales de position. Nous décrirons les mécanismes de la perception tactile et de quelle manière un système de suppléance perceptive permet de transcoder des informations somatosensorielles au cortex visuel. Enfin, nous verrons pourquoi notre recherche a convergé vers la stimulation électrotactile de la langue comme vecteur d'informations spatiales.

B.

G

UIDAGE TACTILE D

'

UN MOUVEMENT

: