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Chapitre 7 : Les stratégies développées au niveau des exploitations agricoles

3- Les stratégies d’évitement/contournement

Ces stratégies permettent aux exploitations de mieux asseoir leurs activités par une bonne maitrise des facteurs de production. Pour ce faire, les producteurs vont à la recherche d’opportunités de financements pour leurs activités agropastorales et vers des opportunités de marché pour garantir l’écoulement de leur production.

3-1- Les crédits

Les besoins de crédit de l’agriculture et du monde rural varient suivant les situations mais ils sont souvent motivés par le souci de disposer de facteurs de production. Pour la zone du Bassin arachidier, l’approvisionnement en facteurs de production, tels que les semences, les engrais chimiques, le matériel agricole, a toujours été basé sur une politique de subvention ou de cession à crédit. Par contre, la main d’œuvre a toujours été prise en charge par l’exploitation à travers des contrats de prestation généralement payés en nature. Toutefois, avec l’évolution des différentes politiques agricoles, les conditions d’accès au crédit sont devenues plus restrictives avec l’exigence d’un apport personnel. La conséquence est la baisse de la production du fait d’une dégradation du capital semencier, de la baisse de l’utilisation des engrais et d’un vieillissement du matériel agricole. Ainsi, dans notre zone d’étude, malgré l’importance du crédit pour l’acquisition des facteurs de production, le niveau d’allocation des crédits reste relativement faible avec 35% des exploitations pour un montant moyen de 192 452 FCFA au niveau de notre échantillon (tableau 57).

Tableau 57 : Nombre et montant des crédits alloués selon les types d’exploitation

Exploitation Nombre de crédit alloué % EAF disposant de crédit Montant crédit contractés

Nord Bassin Type1 7 33% 137 857 Type 2 12 55% 157 333 Type 3 20 43% 84 200 Sud Bassin Type1 15 31% 317 500 Type 2 2 100% 325 000 Type 3 7 18% 328 571 Bassin Arachidier 63 35% 192 452

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Nous constatons que les montants des crédits alloués sont plus importants dans la zone sud du Bassin alors que le nombre d’allocataire est plus important au nord. Les exploitations de type 2 sont celles qui disposent du plus grand nombre d’allocataires de crédit en termes de représentativité par type d’exploitation. Pour ce qui est des montants les plus élevés ce sont les types 2 et 3 qui disposent des montants les plus élevés particulièrement dans le sud du Bassin. Ces crédits sont plus orientés vers la culture de l’arachide et dans une moindre mesure les céréales et l’élevage. Le remboursement de ces crédits est surtout supporté par les revenus tirés de l’activité agricole, de l’embouche et du commerce (tableau 58).

Tableau 58 : Origine des fonds utilisés pour rembourser le crédit

Exploitation Revenu généré par l'activité agricole Embouche Vente céréales Commerce Transformation arachide Salaire pension Nord Bassin Type1 0% 29% 14% 43% 14% 0% Type 2 8% 42% 0% 50% 0% 0% Type 3 5% 47% 0% 47% 0% 0% Sud Bassin Type1 62% 31% 0% 0% 0% 8% Type 2 0% 0% 0% 100% 0% 0% Type 3 57% 14% 0% 29% 0% 0% Bassin Arachidier 23% 35% 2% 37% 2% 2%

Source : Nos enquêtes 2012

Les exploitations de la zone sud, avec des superficies plus grandes et une production d’arachide plus importante, remboursent leur crédit principalement avec les revenus tirés de l’agriculture et dans une moindre mesure avec le commerce. Pour la zone nord, le remboursement est porté par l’embouche et le commerce.

3-2- Les contrats à termes

Le contrat est un moyen pour organiser la production et l'échange. Il constitue un dispositif de coordination des activités et joue ainsi un rôle incitatif pour la production et la commercialisation. Il permet d'accéder au crédit, aux nouvelles technologies et aux marchés, favorisant l’obtention de revenus plus élevés. C’est ainsi que les activités agropastorales qui étaient orientées vers l’autoconsommation sont de plus en plus intégrées aux marchés pour bénéficier des opportunités. De ce fait, les cultures céréalières, qui étaient traditionnellement entièrement autoconsommées, sont de plus en plus destinées au marché du fait d’une demande

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croissante souvent portée par les unités de transformation. Des cultures comme le mil et le maïs font l’objet de contrats particuliers (garantie de marché, mise à disposition de semences améliorées, d’intrants par les unités de transformation ou de commerçants) pour améliorer leur productivité et permettre de dégager un surplus commercialisable. Les contrats rencontrés entre les différents acteurs sont de deux types : les contrats formels (contractualisation avec un cahier de charges souvent entre une unité de transformation de céréales locales et un groupement de producteurs) et les contrats informels (contrats tacites entre un producteur indépendant et un grand commerçant de céréales locales qui dispose d’une assise financière plus importante que le producteur).

La part de la production agricole mise en marché, bien que modeste actuellement pour les céréales sèches, commence à s’accroitre (tableau 59).

Encadré 1 : Exemple de deux contrats formels dans le Bassin arachidier

Le contrat tripartite a regroupé l’Institut de Technologies Alimentaires, l’ASPRODEB (OP) et AGRIDEV (Unité de semi-industriel de transformation) pour permettre un approvisionnement régulier de l’unité de transformation dans le but de produire de la farine composée (blé et céréales locales). Cette formalisation, facilitée par l’ITA et issue des conclusions des discussions entre les différents acteurs, a permis la mise en place d’une base collaborative. Elle a abouti à l’établissement de cahiers de charges pour faciliter une meilleure connaissance entre les deux partenaires. Cette contractualisation n’a pas abouti du fait d’un déficit de communication entre les acteurs, du non-respect des différentes clauses.

Le contrat entre des groupements de producteurs et d’une unité de transformation des céréales locales qui est basé sur la fourniture de céréales locales sur la base d’un prix négocié et d’appuis à la fourniture d’intrants. C’est le cas des contrats liant le groupement de Thiaré avec certains PME transformatrices de céréales. Ainsi, pour l’obtention d’un produit de qualité, les transformateurs ajoutaient 20 FCFA (10 F pour la qualité et 10 F pour le transport) au prix en cours sur le marché hebdomadaire le plus proche. Ce type de contrat, très répandu, présente des limites du fait de la surenchère qui peut avoir sur les céréales locales durant certaines périodes. En effet, le non-respect des termes du contrat (périodes de livraison, quantités à livrer, qualité du produit) est à l’origine du non renouvellement de ces contrats. De plus, le délai de paiement (50% à l’achat, 50% 15 jours ou un mois plus tard) poussent certains producteurs à vendre leur production dans le marché parallèle pour rentrer rapidement dans ses fonds.

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Tableau 59 : Pourcentage des cultures principales vendu

Exploitation % vente par rapport à la production totale

Mil maïs Arachide

Nord Bassin Type1 0,3% 0,0% 40,9% Type 2 0,0% 0,0% 40,1% Type 3 1,4% 0,0% 34,1% Sud Bassin Type1 21,4% 26,9% 78,5% Type 2 0,0% 78,8% 60,6% Type 3 17,1% 40,2% 81,6% Bassin Arachidier 8,6% 31,9% 67,4%

Source : Nos enquêtes 2013

Les exploitations au sud du Bassin, qui bénéficient d’un environnement agro-écologique plus favorable, ont des activités plus orientées vers l’agriculture. Elles commercialisent une part plus importante de leur production céréalière (en moyenne 13% pour le mil et 49% pour le maïs) contrairement à la zone nord où la commercialisation des céréales reste encore très faible.

La pratique de contrat a tendance à se généraliser pour la plupart des spéculations mais elle se heurte à des contraintes liées leur mise en œuvre. Les contrats requièrent des deux parties des règles à respecter (la durée du contrat, la qualité du produit, la quantité à fournir, la date de livraison du produit, le prix de vente et son mécanisme de fixation, les procédures de résolution des conflits). Mais ces dysfonctionnements au niveau de l’application des contrats peuvent être de diverses origines. Le plus souvent, ils portent sur la qualité du produit du fait de la faible technicité ou de la non disponibilité de matériel agricole adéquat et sur le prix de vente fixé au départ qui peut être moins incitatif par rapport au prix du marché observé. C’est pourquoi le nombre de contrats observé dans notre zone d’étude est faible, voire inexistant dans plusieurs localités.

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Synthèse chapitre VII

L’analyse des stratégies montre une capacité d’adaptation des exploitations agricoles du Bassin. Différentes stratégies ont été développées pour améliorer les facteurs et les moyens de productions, l’organisation du travail, la diversification des cultures et des activités, la diversification des revenus par la migration et des activités non agricoles. À côté d’autres stratégies en rapport avec l’amélioration de la productivité et de la commercialisation à travers les contrats à termes, l’acquisition des crédits pour favoriser les investissements ont été développées pour mieux asseoir la base productive des exploitations. L’instabilité climatique a toujours poussé les exploitations du Bassin à opter pour des stratégies de dispersion qui leur permettent de minimiser les risques. Cela passe par l’introduction de nouvelles technologie et la diversification des cultures et des activités mais aussi par l’insertion des membres de l’exploitation dans des réseaux ou par l’émigration afin de favoriser l’obtention d’une diversité de revenus. Les stratégies de protection sont aussi assez présentes dans les exploitations surtout celles en rapport avec la thésaurisation à travers les animaux. Cependant, l’épargne monétaire reste relativement faible et les relations avec les institutions financières sont très limitées. De plus l’assurance agricole traditionnelle portée pour la CNASS ne semble pas capter l’intérêt des exploitations agricoles du fait du coût des produits mais surtout de l’absence de culture de l’assurance dans cette zone et au Sénégal en général. C’est pourquoi, l’assurance indicielle est en train d’être introduite dans la zone pour essayer de toucher la majorité des petites exploitations. L’assurance agricole traditionnelle concerne surtout les cultures à fortes valeur ajoutée dans les filières bien structurées où les différentes parties prenantes ont des relations étroites. Les stratégies d’évitement sont les moins présentes dans les exploitations qui ont une faible viabilité économique et de leur faible capacité de négociation avec les institutions de crédit. Néanmoins, on note une réorientation de leurs activités en relation avec le marché, ce qui favorise une contractualisation avec d’autres corps de métiers (transformation, commerçants) mais cela demeure relativement modeste dans le Bassin arachidier.

Malheureusement, toutes ces actions développées pour améliorer leur résilience dans un contexte de plus en plus instable ont fini par montrer leurs limites. En effet, les exploitations sont toujours dans une situation précaire, caractérisées par une insécurité alimentaire chronique et une instabilité des revenus surtout du fait des systèmes de production fragiles

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fortement dépendants de la variabilité climatique et soumis à des contraintes structurelles croissantes (matériel agricole inadéquat, disponibilité d’intrants aléatoire). Ainsi, les stratégies développées par les producteurs du Bassin arachidier permettent de moins en moins d’atténuer leur vulnérabilité dans le contexte du système pluvial. D’où l’intérêt d’aller vers de nouvelles stratégies comme l’assurance agricole qui peut être considérée comme une stratégie complémentaire. Cette dernière est de plus en plus préconisée pour le monde rural sénégalais et particulièrement dans le Bassin arachidier où plusieurs initiatives sont expérimentées pour une meilleure appropriation des populations dans le souci de faciliter l’acquisition de crédits pour mieux asseoir une base productive durable.

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Chapitre 8 : L’assurance agricole dans le Bassin arachidier