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Impact des changements climatiques sur les exploitations agricoles familiales

Chapitre 2 : Vulnérabilité et changement climatique

4- Impact des changements climatiques sur les exploitations agricoles familiales

Les changements climatiques (CC) constituent l’un des plus grands défis de ce 21ème siècle avec le réchauffement de la terre du fait de l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre. Ils ont des effets sur la santé, les ressources aquatiques, les écosystèmes naturels. La conséquence pour le monde rural est une plus grande fréquence de l’irrégularité des pluies, des inondations, des sécheresses et des feux de brousse.

Selon la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC), il existe neuf caractéristiques qui augmentent la vulnérabilité des pays face aux CC. Parmi celles-ci, le Sénégal en compte quatre : le pays a (1) une zone côtière à faible élévation, (2) des régions arides et semi-arides et des régions forestières fragiles, (3) des régions exposées aux sécheresses et à la désertification et (4) des écosystèmes fragiles, notamment des mangroves (Sarrouy, 2010). En effet, le rapport national sur le développement humain (RNDH, 2010) montre que l’évolution climatique du Sénégal pour les trente dernières années s’est traduite par une diminution de 30% de la pluviométrie, une augmentation de la température de 0,9%, une aridification de plus en plus importante de la partie nord du pays et une tendance à une progression plus ou moins forte de la semi aridité des régions méridionales. En effet, la température pourrait connaitre une hausse de l’ordre de 2 à 4°C selon des recherches menées sur les gaz à effet de serre (GES). Ces mutations devraient se traduire par une baisse de 5 à 10% de la couverture nuageuse et une baisse de la pluviométrie de 5 à 25% (PANA, 2006). Quant à la pluviométrie, elle ne cesse de baisser avec un déplacement dégressif des isohyètes du Nord vers le sud comme le montre Sarrouy (2010) :

« la zone côtière appelée Niayes est passée de 400-800 mm dans les années 60 à 200-400 mm en 90,

 le Saloum de 700-800 mm à 600-700 mm

 et la zone d’expansion agricole entre le Bassin Arachidier et le Saloum de 700-800 mm à 500-600 mm ».

L’augmentation de la température et la baisse de la pluviométrie favorisent la persistance de la sécheresse, de la salinisation et de l’érosion des sols et la disparition des mangroves. La diminution de la pluviométrie se fait ressentir beaucoup plus dans le sud du pays que dans le Nord.

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L’impact des changements climatiques a aussi une incidence sur l’élévation du niveau de la mer particulièrement dans les zones côtières où il y a un fort développement de l’horticulture. Sur l’ensemble des côtes sénégalaises, en cas d’élévation du niveau marin de 1 m, d’ici 2100, Dennis et al. (1995) in PANA (RNDH, 2010), il est prévu que 55 à 86 km² de plages disparaissent à cause de la recrudescence des phénomènes d’érosion côtière. La baisse de la pluviométrie et la hausse des eaux marines pourraient favoriser la diminution des ressources en eau potable du fait de la contamination des nappes phréatiques.

Sur l’agriculture, les variations du climat ont des conséquences immédiates sur les rendements des cultures, la productivité des animaux (diminution de la quantité et de la qualité du pâturage et des points d’eau). Chaque année se produisent des accidents climatiques qui, localement, provoquent, pour certaines cultures, des pertes qui peuvent atteindre des montants considérables et menacer l'équilibre économique des exploitations sinistrées. En effet, l’agriculture, pluviale à 95% et peu utilisatrice d’intrants, est fortement tributaire des conditions climatiques (pluviométrie, température, humidité….) et de la qualité des terres. La vulnérabilité face aux changements climatiques est surtout le fait de la combinaison entre l’augmentation de la température et la diminution de la pluviométrie. Ainsi, Diagne (2000) [in PANA (2006)] montre que « la pluviométrie a globalement baissé de 35% en quantité avec une diminution de la durée de la période pluvieuse et une baisse de la fréquence des jours de pluie entre la période 1950-1965 et la période 1970-1995 ». La distribution et l’intensité des pluies, très irrégulières, sont à l’origine d’inondations (surtout ces dernières années avec le retour d’une bonne pluviométrie), de pauses pluviométriques récurrentes affectant les rendements ou de pluies hors saisons (en 2002) avec des incidences négatives autant sur les cultures que le cheptel. Globalement sur le long terme, la FAO relève que les changements climatiques pourraient affecter l’agriculture de plusieurs façons :

 la prévisibilité générale du temps et du climat diminuerait, rendant plus difficile la planification des opérations agricoles : les agriculteurs doivent de plus en plus s’adapter aux changements de cycle et avoir à leur disposition par exemple plusieurs types de variétés pour anticiper les changements d’une année à l’autre

 la variabilité climatique pourrait augmenter, exerçant une pression supplémentaire sur des systèmes fragiles : avec la forte pression anthropique,

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les écosystèmes sont de plus fragiles surtout avec la déforestation (champs, charbon de bois, bois de chauffe…) et l’augmentation de l’incidence des feux de brousse

 les conditions climatiques extrêmes, qu’il est pratiquement impossible de prévoir, pourraient devenir plus fréquentes : le déroulement de la campagne agricole d’une zone à l’autre est complètement différent du fait de la récurrence des pauses pluviométriques, des pluies hors saison …

 les zones agro-écologiques se déplaceraient, obligeant les agriculteurs à s’adapter et menaçant la végétation naturelle et la faune. On note que le déplacement du Bassin Arachidier vers la zone nord de Kolda favorise ainsi un déséquilibre au niveau des ressources naturelles

 les ravageurs et les maladies vectorielles se diffuseraient dans des zones où ils étaient inconnus auparavant.

Par rapport aux ressources humaines, le nouvel environnement climatique crée des conditions favorables au développement de maladies endémiques telles que le paludisme, la bilharziose, la diarrhée, etc… surtout pour les personnes ayant une faible capacité d’adaptation ou financière. De plus, la variabilité du régime pluviométrique, la multiplication des aménagements hydrauliques (hydro-agricoles) et l’accroissement des cultures irriguées contribuent à l’augmentation à la fois la transmission de parasites et la vulnérabilité des personnes vivant à proximité de ces aménagements (République du Sénégal-PNUD, 2010). Les enjeux et défis posés par les changements climatiques sont multiples pour le monde rural. Les stratégies pour y faire face sont très diversifiées et peuvent provenir de la combinaison de plusieurs secteurs d’activités. La finalité de ces actions est de favoriser la pérennisation de la reproduction de l’exploitation agricole familiale.

Finalement, Le secteur agricole sénégalais est caractérisé à travers sa population active (59,7%) par une importance des exploitations agricoles de type familial. Cependant, il ne participe qu’à hauteur de 10% au PIB du fait d’un système de production largement pluvial et d’un faible niveau d’investissements en facteurs de production. Les exploitations agricoles familiales, disposant en moyenne de moins de cinq hectares, sont de plus en plus fragiles du fait des contingences socioéconomiques et environnementales.

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Pour faire face à cette situation complexe, plusieurs politiques agricoles ont été initiées depuis les indépendances avec plus ou moins de succès selon les périodes. En effet, les politiques dirigistes des indépendances, puis de la Nouvelle Politique Agricole, les ajustements structurels et de la libéralisation ont diminué certaines contraintes. Cependant, ces dernières demeurent malgré tous les programmes et politiques développés. Ainsi, même avec leur forte capacité de résilience, les exploitations agricoles familiales commencent à atteindre leur limite nonobstant la diversité des stratégies d’adaptation endogènes ou exogènes qu’elles ont eu à développer. L’acuité des incidences des contraintes au niveau des EAF, portée un environnement en perpétuelle mutation et particulièrement par l’aléa climatique, a poussé les parties prenantes à proposer de nouvelles stratégies complémentaires qui s’adaptent mieux au contexte actuel du monde rural. Ces stratégies concernent l’adoption de technologies, la diversification des cultures et des activités, la professionnalisation des organisations paysannes, … Toutefois, ces exploitations demeurent dans une situation d’instabilité avec des revenus ténus ne permettant pas d’assurer la sécurité alimentaire, encore moins de faire face aux investissements ou d’être crédible vis-à-vis des financements.

Cette problématique nous amène à nous poser la question de recherche suivante : « quelles

sont les stratégies à développer contre les différents risques au niveau des exploitations agricoles pour faire face à leur insécurité alimentaire dans un cadre environnemental et socioéconomique de plus en plus fragile ? ».

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Synthèse

Le secteur agricole qui mobilise environ 60% de la population active a fini de montrer ses limites avec la récurrence des déficits alimentaires et la vulnérabilité des revenus. Les causes sont multiples (économiques, politiques, organisationnelles…) mais la principale est le faible niveau d’investissements des exploitations agricoles familiales dans leurs outils de production. Les exploitations agricoles, de type familial, sont caractérisées par une autoconsommation de leur production céréalière et une commercialisation des cultures de rente, particulièrement l’arachide. Malgré une augmentation de la superficie cultivée entre 1960 et 1998, on note une baisse de la superficie par actif (0,54 ha en 1998 contre 1,07 ha en 1960). Dans un premier temps, différentes politiques ont été mises en place dans le souci d’améliorer la productivité agricole (terre et travail) par la diversification et l’accompagnement technique rapproché autour des principes directeurs de l’économie de marché. Dans un second temps, avec le retrait de l’État du secteur agricole, il a été noté un développement d’initiatives privées avant d’arriver aux politiques de l’alternance. Elles mettent l’accent sur la dotation du monde rural en infrastructures et la promotion de la diversification agricole à grande valeur ajoutée avec pour socle directeur la loi d’orientation agro-sylvo-pastorale. Nonobstant toutes ces politiques, la production agricole a évolué en dents de scie du fait des risques climatiques, économiques et sanitaires auxquels le monde rural est soumis. En effet, les exploitations agricoles sont particulièrement soumises à une forte vulnérabilité sur le plan agro-environnemental ainsi que sur le plan territorial et économique. La conséquence est que les niveaux de revenus demeurent faibles et très fluctuants. De plus, le taux de couverture en céréales ne cesse de diminuer avec l’augmentation de la demande.

Les enjeux et défis posés par un environnement de plus en plus fragile ne cessent de prendre de l’ampleur. Les stratégies pour y faire face sont très diversifiées et peuvent provenir de la combinaison de plusieurs secteurs d’activités avec pour finalité de favoriser la pérennisation de la reproduction de l’exploitation agricole familiale.

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PARTIE 2 : ÉTAT DE LART, PROBLEMATIQUE ET METHODOLOGIE