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Stratégie de lutte contre la résistance des bactéries face aux antibiotiques :

A. Rappels bibliographiques 1 Antibiotiques et antibiorésistances.

1.5. Stratégie de lutte contre la résistance des bactéries face aux antibiotiques :

En France, depuis les années 2000 nous nous préoccupons de l’impact de l’efficacité des antibiotiques sur les bactéries.[28] Ainsi, il y a eu la mise en place de plans d’action pluriannuels ayant pour but de sensibiliser à la fois les professionnels de santé et les consommateurs sur une utilisation non systématique des antibiotiques.

Le premier plan « antibiotique » fut mis en place de 2001-2005 et s’articule autour de sept axes :[29]

• l’information aux prescripteurs et aux consommateurs pour un usage raisonnable des antibiotiques. • Diffuser des outils pour aider les professionnels de santé. • Améliorer le bon usage des antibiotiques à l’hôpital. • Améliorer les échanges d’information entre la ville et l’hôpital. • Renforcer les actions de formation. • Améliorer la surveillance des consommations et des résistances. • Améliorer la coordination nationale des actions. Ce plan avait pour but de maitriser et de rationnaliser la prescription des antibiotiques et il a inscrit dans les mémoires le fameux slogan « les antibiotiques, c’est pas automatique. »(Figure 6)

Figure 6 : Première campagne sur le bon usage des antibiotiques.

Même si cette campagne a permis de diminuer de 26,5 % les prescriptions d’antibiotiques entre 2001 et 2005, la France reste malgré tout une grande consommatrice en matière d’antibiotiques. [30][15]

C’est pour continuer cet effort qu’un second plan, sur la période 2007-2010, a été élaboré. De nouveaux thèmes y ont été ajoutés comme :[31]

• La qualité des pratiques médicales en matière d’antibiothérapie.

• Des actions en direction du grand public et des professionnels de la petite enfance.

• Etablir un lien entre la politique antibiotique et le risque infectieux. • L’utilisation des antibiotiques dans les établissements de santé.

• Mise en place d’un système d’information spécifique au plan national pour préserver l’efficacité des antibiotiques. Malgré une baisse significative de la consommation des antibiotiques en France sur cette période, le secteur ambulatoire reste un des plus gros prescripteur d’antibiotiques. C’est pour tenter d’enrailler cette dynamique qu’un nouveau Plan national d’alerte sur les antibiotiques 2011-2016 a vu le jour.[32] (figure 7)

Bien qu’il soit dans la continuité des deux précédents, il est placé sous la responsabilité de l’Agence Régionale de Santé afin d’avoir un interlocuteur local. Un nouveau slogan a vu le jour en 2010 « Les antibiotiques, utilisés à tort, ils deviendront moins forts ».[33](figure 8) Figure 8 : Campagne de la CNAM de 2010 sur le mésusage des antibiotiques.[34]

Depuis 2009, il y a une volonté d’échange d’information avec les différents acteurs mondiaux notamment en participant aux échanges dans le cadre de la Transatlantic Task Force on Antimicrobial Resistance, qui est une collaboration entre les Etats Unis et l’Europe pour la prévention de la résistance aux antibiotiques.[35]

2011. Un autre réseau a été mis en place, l’EARS-Net [38], qui lui, collecte des informations sur la résistance de sept principaux agents pathogènes bactériens causant souvent des infections chez l’homme (Enterococcus faecalis, Enterococcus faecium,

Escherichia coli, Klebsiella pneumoniae, Pseudomonas aeruginosa, Staphylococcus aureus, et Streptococcus pneumoniae) dans 30 pays de l’Union Européenne.

Le contrôle de la consommation des antibiotiques ainsi que la surveillance de l’apparition de résistance des bactéries a ses limites, si en parallèle aucune mesure n’est mise en place pour trouver de nouvelles armes. C’est dans cette dynamique qu’un programme européen « New drugs for bad bugs » a été lancé par l’IMI (Innovative Medicines Initiative), en mai 2012, ayant pour objectif le développement de nouveaux antibiotiques. Ce programme s’articule autour de sept projets de recherche. (Figure 9) En mars 2015, une collaboration a été mise en place aux Etats-Unis entre les industries pharmaceutiques et les universités. Figure 9 : Projets du programme ND4BB.[39]

Sont décrits ci-dessous succinctement les différents projets de ce programme :

• Le projet COMBACTE (Combatting Bacterial Resistance in Europe) est une association entre les recherches publiques et privées ayant pour objectif la découverte de nouveaux antibiotiques et la mise en place d’essais cliniques performants.[40]

• TRANSLOCATION est un axe de recherche pour faciliter l’entrée de l’antibiotique au sein de la bactérie afin d’augmenter son efficacité.[41]

• ENABLE (European Gram Negative Antibacterial Engine) est un plan de recherche sur les antibiotiques agissant contre les bactéries Gram négatif telles que Escherichia coli.[42]

• DRIVE-AB, est un partenariat privé/public ayant pour but de mettre en place un système économique afin de stimuler la recherche et le développement de nouveaux antibiotiques.[43]

• COMBACTE-CARE, est un projet qui a pour but de comprendre et de mieux traiter les infections liées aux bactéries GRAM négatif résistantes aux carbapénèmes.[44]

• COMBACTE-MAGNET, est un projet axé sur la prévention et le traitement des infections potentiellement mortelles causées par des bactéries Gram-négatif. Il s’appuie sur un réseau épidémiologique pan-européen (EPI-Net) qui surveille la résistance bactérienne aux antibiotiques et les infections associées aux soins en Europe.[45]

Grace à ces travaux de recherche, ont été ouvertes de nouvelles voies pour lutter contre les bactéries multirésistantes.

Ainsi de nouvelles molécules viennent étoffer l’arsenal antibiotique :

• la Ceftaroline (ZINFORO®), nouvelle céphalosporine active sur les SARM, utilisé dans le traitement des infections compliquées de la peau et des tissus mous (ICPTM) et les pneumonies communautaires. [46]

• la Ceftobiprole (MABELIO®), céphalosporine active sur les SARM, les bactéries à GRAM Négatif et les entérobactéries sauf les BLSE, utilisée pour la prise en charge de pneumopathies. [47]

• L’association Ceftolozane/Tazobactam (ZERBAXA®) active sur les entérobactéries productrices de carbapénèmase et les BLSE, indiquée pour le traitement d’infections intra-abdominales compliquées, les pyélonéphrites aiguës et les infections urinaires compliquées.[48]

• L’association Ceftazidime/Avibactam (ZAVICEFTA®) active sur certaines bactéries Gram négatif (EBLSE). Elle est indiquée pour le traitement des infections intra-abdominales compliquées, des infections urinaires compliquées, des pneumonies nosocomiales ou le traitement des infections dues à des bactéries Gram négatif chez des patients adultes pour lesquels les options thérapeutiques sont limitées.[49]

De nouvelles stratégies apparaissent pour lutter contre la résistance bactérienne comme : (figure 10) [50]

• L’amélioration de la structure des anciens antibiotiques comme par exemple la Ceftaroline qui est une amélioration de la structure du Céfozoprane (ancien antibiotique de la famille des C2G).

• L’association avec des inhibiteurs de bêta-lactamase afin de diminuer la résistance de la bactérie à l’antibiotique, comme c’est le cas pour le ZERBAXA®.

• Le sous citrate de sel de bismuth agit en provoquant une toxicité directe sur la fonction membranaire. Son utilisation est intéressante en association avec des antibiotiques (PYLERA®), comme pour le traitement des infections à H.

pylori.

• L’inhibition du transfert des plasmides pour éviter aux bactéries de se transmettre la résistance aux antibiotiques.

• Les peptides antimicrobiens ont un effet bactéricide soit par insertion dans la membrane des bactéries entrainant une perméabilisation puis la lyse cellulaire, soit en traversant la membrane pour cibler des molécules interférant avec le processus biologique de la bactérie.

• Le contrôle de l’activité du riborégulateur, le but étant de contrôler l’activité des ribosomes impliqués dans la synthèse des protéines de résistance afin de la diminuer.

• L’inhibition de l’ATP synthase mycobactérienne en utilisant une molécule (Bédaquiline) résistante à l’ATP synthase. Une fois fixée à sa cible, elle inhibe ce mécanisme.

Figure 10 : Stratégie et les cibles bactériennes utilisées pour lutter contre la résistance aux antibiotiques.[50] Le chemin pour la découverte de nouveaux antibiotiques est encore long. C’est dans ce contexte que l’ANSM a établi une liste d’antibiotiques critiques. Cette dénomination repose à la fois sur la notion de pression de sélection et sur l’intérêt de l’utilisation des antibiotiques en dernier recours. Il y a deux catégories :[51] (Tableau 2)

• Les antibiotiques particulièrement générateurs de résistances bactériennes.

Sont prises en compte leur action sur les flores commensales ainsi que leur action anti-anaérobie.

Tableau 2 : Les deux catégories d'antibiotiques critiques établis par l'ANSM en 2015. [51]

Cette liste a pour but de préserver les antibiotiques actifs en les utilisant de façon rationnelle et au maximum de leur efficacité. En effet, on constate qu’une surconsommation des antibiotiques provoque bien souvent une baisse de leur efficacité.

La prise de conscience de l’utilisation abusive des antibiotiques est là, de nouveaux projets voient le jour, la recherche avance, mais qu’en est-il réellement de cette consommation à l’échelle mondiale, européenne et française ?

2. Etat des lieux de la consommation

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