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Il existe plusieurs approches pour intégrer l’interaction G×E dans l’analyse de l’architecture des caractères complexes tels que la croissance [212-215]. Elles peuvent être séparées en deux catégories. La première comprend des approches centrées sur le génotype (marqueurs moléculaires), reposant sur l’analyse comparative des QTL détectés dans plusieurs environnements. Pour ces approches, l’interaction QTL x environnement (QTL×E) peut être testée de manière statistique. La seconde rassemble différentes approches basées sur une modélisation du phénotype, pour obtenir des variables synthétiques qui caractérisent le génotype indépendamment de l’environnement. Dans ces différentes approches l’environnement peut alors traduire une variation des conditions du milieu (sites d’étude différents, modification d’une ou plusieurs variables environnementales en milieu contrôlé) ou bien une évolution temporelle (trajectoire de croissance).

Cette partie donne l’éventail des possibilités pour étudier l’interaction QTL×E mais ne se veut pas exhaustive au niveau des modèles statistiques utilisés car ils sont nombreux et pour certains spécifiques à l’espèce ou à l’expérimentation (cas de la modélisation du phénotype). Deux revues de van Eeuwijk et al. [212, 213] fournissent l’écriture formelle et des applications sur un large éventail de modèles.

1.2.3.1 Les approches centrées sur le génotype

La première méthode parmi les approches centrées sur le génotype (QTL) est la comparaison, a posteriori, de la localisation et des effets des QTL détectés dans plusieurs environnements. L’interaction QTL×E n’est alors pas modélisée de manière statistique, c’est

la présence ou l’absence de QTL dans les différents environnements qui nous renseigne indirectement sur l’interaction QTL×E. Deux types de QTL peuvent alors être distingués :

─ Des QTL détectés dans tous les environnements. Il n’y pas donc pas d’interaction QTL×E, ce sont donc des QTL constitutifs car ils sont indépendants des conditions environnementales.

─ Des QTL détectés seulement dans certains environnements. Il y a donc une interaction QTL×E possible.

Cette approche qualitative a été appliquée dans différentes études chez les arbres forestiers, pour caractériser la stabilité de l’architecture génétique de la croissance [189, 193, 195, 200, 216]. Ces études donnent un aperçu de l’effet de l’environnement sur l’architecture génétique de la croissance, mais ne permettent pas de quantifier le niveau d’interaction.

D'autres approches ont été développées pour tester de manière plus formelle l’interaction QTL×E grâce à des modèles statistiques. La méthode la plus simple consiste en une analyse de variance à partir des QTL obtenus dans différents environnements. Elle a notamment été employée dans une étude sur Pseudotsuga menziesii [217] et une plus récente sur E. globulus [201]. L’avantage de cette méthode est sa simplicité de mise en œuvre, mais elle ne met pas à profit les répétitions fournies par les différents environnements. Afin d’utiliser l’ensemble de l’information fournie par les différents environnements, de nombreuses méthodes d’analyse QTL ont été proposées [218-226]. En plus de tester l'hypothèse d’interactions QTL×E, le traitement simultané des données provenant de plusieurs environnements peut augmenter significativement la puissance de détection des QTL, avec une meilleure estimation des positions et des effets. Ces différentes méthodes se différencient notamment par le cadre statistique choisi et les limites qu’il implique. Certaines sont basées sur l’utilisation de modèles de mélange [218, 219], d’autres sur des méthodes de régression [220, 222], l’utilisation de modèles mixtes [221, 223-225] ou sur une approche bayésienne [226]. D’abord développée pour les espèces de grandes culture [227-229], pour lesquelles les expérimentations multi-site sont courantes, ces approches ont également été utilisées chez les arbres forestiers, surtout dans le cadre d’approche pluriannuelle [230] plutôt que multi-site. Le faible nombre d’études utilisant ces méthodes reflète la difficulté de mise en place et de suivi expérimental multi-environnement chez ces espèces pérennes.

1.2.3.2 Les approches basées sur la modélisation du phénotype

La prise en compte de l’interaction G×E pour l’étude de l’architecture génétique de caractères complexes a également été abordée sous l’angle du phénotype. Ces approches utilisent la modélisation du phénotype afin de minimiser ou d’intégrer l’effet de l’environnement sur le caractère étudié. Elles peuvent être conduites en deux étapes : la modélisation du phénotype puis la détection de QTL conventionnelle, ou en une seule étape dans un même cadre statistique qui combine la modélisation du phénotype et la détection de QTL. Dans les deux cas, les modèles utilisés pour décrire le phénotype sont du même type.

La modélisation du phénotype

L’objectif de la modélisation du phénotype est d’obtenir une ou plusieurs variables synthétiques, propres à chaque génotype, à partir de l’ensemble des données phénotypiques obtenues dans différents environnements. Deux types d’approches sont principalement utilisés.

La première approche de modélisation se base sur des modèles linéaires à effets fixes ou mixtes, qui intègrent l’ensemble du plan d’expérience pour modéliser l’interaction G×E. Elle comprend de nombreuses méthodes, qui diffèrent par la modélisation de l’interaction G×E [231]. Les méthodes les plus courantes sont :

─ La décomposition en valeurs singulières, comme les modèles AMMI (additive main effects and multiplicative interaction, [232]) qui modélisent l’interaction G×E de façon multiplicative grâce à une analyse en composantes principales.

─ La régression factorielle, qui utilise directement des données environnementales pour caractériser l’interaction G×E. Un cas particulier est la régression de Finlay et Wilkinson [233].

─ Le modèle mixte qui contrairement aux deux premières méthodes, modélise l’interaction G×E en effet aléatoire. Cette méthode peut aussi intégrer les deux précédentes.

À partir de ces différentes méthodes on peut donc estimer (ou prédire dans le cadre du modèle mixte : BLUP) des paramètres de l’interaction G×E ou des effets génétiques pour chaque génotype. Ces différents paramètres sont ensuite utilisés en analyse QTL classique.

Figure 1.13 : Réponse de l’élongation foliaire chez le maïs à la température (a, d), au déficit de pression de vapeur (b, e) et au contenu en eau du sol (c, f) pour deux génotypes (RILs). Les cercles représentent une expérimentation en serre sans déficit hydrique du sol (symbole plein : nuit, symbole ouvert : jour), les losanges une expérimentation au champ, les triangles une expérimentation en serre avec un déficit hydrique du sol faible, les carrés une expérimentation en serre avec un déficit hydrique du sol modéré. D’après [234].

Figure 1.14 : Exemple de résultat d’analyse QTL avec l’approche de « functional mapping » sur la croissance en hauteur du soja. Les courbes de croissance pour les deux classes de génotype (ligne pleine et ligne pointillée) sont représentées au niveau d’un QTL. Les deux années de mesure sont représentées en bleu et en rose. Les barres verticales indiquent le point d’inflexion de la courbe. D’après [235].

Les travaux de Rae et al. [198] sur peuplier sont un exemple d'utilisation des modèles AMMI pour étudier l'architecture génétique de l'interaction G×E.

La seconde approche consiste à modéliser le phénotype en fonction d’une variation environnementale (température, luminosité, contenu en eau du sol) ou temporelle pour obtenir des courbes de réponse, des normes de réaction ou des trajectoires de croissance. Cette approche utilise des modèles linéaire, non-linéaire ou non-paramétrique pour ajuster les données phénotypiques. Les courbes obtenues sont définies par un nombre réduit de paramètres qui ont une signification biologique (la sensibilité au déficit hydrique, la vitesse de croissance etc.) et qui caractérisent les génotypes. En général, les courbes de réponse fondées sur des relations empiriques sont établies dans différentes conditions expérimentales (conditions contrôlées, au champ) et sont valables sur une large gamme de conditions environnementales pour un génotype donné (Figure 1.13). Par conséquent, elles peuvent être considérées comme une caractéristique stable d'un génotype. Cette approche a été appliquée dans le cadre d’analyses QTL sur différentes espèces : Arabidopsis thaliana [236], Zea mays [234, 237], Hordeum vulgare [238].

Les approches combinées

Aussi appelées « functional mapping » [239], ces approches font la synthèse entre la modélisation du phénotype et l’analyse QTL. Elles ont été développées plus particulièrement pour l’analyse des courbes de réponse [235, 240-246]. Bien que plus difficiles à implémenter, ces approches apportent plusieurs avantages, comme la prise en compte de l’incertitude sur les paramètres du modèle de croissance dans l’analyse QTL. Ces approches ont été appliquées pour décrire l’architecture génétique de la dynamique de croissance chez le peuplier [239, 247, 248] et le soja (Figure 1.14, [235]), ainsi que la sénescence foliaire chez la pomme de terre [246]. Malgré la puissance de ce type d’approche pour l’étude de la croissance et de sa dynamique, elle reste encore peu utilisée.

Figure 1.15 : Échelles d’étude de la croissance utilisées au cours de cette thèse. De la trajectoire de croissance globale jusqu’à la caractérisation en continu des micro-variations du rayon.

Figure 1.16 : Représentation schématique de la mise en évidence de l’interaction G×E grâce à la prise en compte de la trajectoire de croissance à une échelle plus fine. À gauche, les génotypes (gris et vert) ont le même phénotype quel que soit le temps (ou l’environnement) il n’y donc pas d’interaction G×E. À droite, les trajectoires de croissance sont différentes entre génotypes en fonction des différents environnements traversés, (E1 à E4) ce qui permet de mettre en évidence une interaction G×E Croissance Réponses D iamè tr e Temps E2 E3 E1 E2 E3 E1 E2 E3 E4 T1 D2 D1 T2 T1 D2 D1 T2 diam ètre