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Chapitre 4 : Les stratégies des ONG pour une meilleure prise en compte des droits de

B) La stratégie d’information

« Le succès du lobbying [dépend] d’une anticipation très en amont du processus

décisionnel »80. Cette affirmation illustre parfaitement l’un des enjeux majeurs des ONG de plaidoyer. En effet, il est capital pour elles de savoir en aval les décisions et sujets à l’ordre du jour de l’UE pour pouvoir réagir au bon moment et envoyer leurs demandes au moment approprié. Il est également toujours fondamental pour les ONG de plaidoyer de bien connaître le discours, les arguments, la vision, de l’acteur à influencer, pour ré-utiliser ses engagements, arguments et possibilités du moment. Ainsi, pour que les recommandations des ONG aient le maximum d’impact, il faut saisir les opportunités de l’actualité et trouver les échelons de pouvoir les plus appropriés, pour les diffuser convenablement et au bon moment. De plus des réseaux comme le REMDH ou Aprodev ont également un mandat de veille communautaire au bénéfice leurs membres, ils rassemblent l’information intéressante pour les membres et leur transmettent régulièrement.

Ce travail de renseignement, d’intelligence est donc un travail fondamental, mais qui demande beaucoup de temps pour être vraiment efficace. Or les ONG ont des ressources limitées à accorder à ce travail de veille, par rapport à d’autres lobbies (comme les groupes industriels, cabinets de consultants ou think-tanks), il leur est donc très utile voire nécessaire de mettre leurs informations en commun, pour se tenir au courant, pouvoir réagir et saisir les opportunités, et pouvoir diffuser leurs propres analyses et recommandations au moment approprié pour un impact optimum.

Les ONG ont à leur disposition trois canaux principaux d’information :

79 Entretien avec Cidse, 25/08/09.

80 MASSIGNON (B.), « Les ONG confessionnelles à Bruxelles : une analyse en termes de lobbying »,

Communication au Colloque de l’Association Française de Sociologie religieuse (AFSR) sur Les ONG

Elles peuvent recourir tout d’abord aux moyens classiques de recherche d’informations, comme la veille sur internet (notamment des sites des institutions européennes), les abonnements à des newsletters et des revues spécialisées. Ce type d’informations constitue une bonne base, mais reste limité, et pour une organisation seule cela demande une disponibilité considérable.

Elles peuvent ensuite obtenir de l’information auprès d’autres ONG, d’où l’importance des réseaux et plateformes européens. Le partage des informations récoltées individuellement est une ressource très appréciée par les membres de la coalition sur Israël/Palestine, si ce n’est la ressource la plus appréciée. Outre le fait que cette mise en commun des informations permet aux ONG d’obtenir des informations qu’elles n’auraient pas pu obtenir par leurs propres moyens, le partage des informations permet un gain de temps substantiel à chacune, puisqu’elles ont accès à un grand nombre d’informations sans avoir à les chercher par leurs propres moyens.

L’intelligence récoltée au sein de la coalition consiste en plusieurs types d’informations ; d’abord des informations issues de la presse, à travers 1) l’envoi régulier (tous les 2-3 jours) d’une revue de presse intitulée « Gaza press review », préparée par Crisis Action, portant sur l’actualité pertinente concernant Israël, la Palestine, et les initiatives intéressantes de l’UE et la communauté internationale sur le dossier, et 2) l’envoi réguliers d’autres articles intéressants complémentaires par les membres de la coalition. Ensuite l’autre volet des informations diffusées est non public, et consiste en des informations plus ou moins confidentielles obtenues par les contacts personnels de chacun. Sur ce plan, le travail de Crisis Action est extrêmement intéressant et approprié, car cette organisation a un carnet d’adresses impressionnant, et son caractère non public fait que les officiels régulièrement contactés par les responsables de Crisis Action leur confie un grand nombre d’informations confidentielles et des analyses politiques très pertinentes. Autrement les membres de la coalition reçoivent des informations régulièrement par un représentant d’Oxfam très impliqué dans le plaidoyer auprès du ministère des Affaires étrangères britannique, des informations plus ponctuelles de différentes ONG nationales sur l’avancée de la campagne dans leurs pays et les positions de leurs décideurs nationaux, et des informations régulières sur l’actualité de l’UE par les réseaux de Bruxelles.

Enfin, les ONG peuvent aussi obtenir des informations sur les positions européennes, le prochain ordre du jour ou sur la date de la prochaine réunion de tel groupe de travail, en se

renseignant directement auprès d’officiels des institutions européennes. Souvent les représentants d’ONG à Bruxelles ont deux où trois contacts privilégiés, qu’ils connaissent bien, appellent régulièrement, et avec qui ils peuvent même parfois aller boire un café ou organiser un « déjeuner d’information » à l’occasion. Ces sources sont le plus souvent des membres de la Commission ou des conseillers des représentations permanentes des Etats membres.

Certains Etats membres, notamment d’Europe du Nord, ont une grande tradition de transparence et sont donc plus enclins à transmettre des informations informelles ou même confidentielles (des drafts de position commune par exemple). En cela, la présidence suédoise, débutée le 1er juillet 2009, est une aubaine pour les ONG. la Suède est en effet marquée par une grande tradition de transparence, par conséquent la représentation permanente suédoise est souvent très ouverte aux ONG, et le site web de la présidence suédoise de l’UE est une véritable mine d’informations sur les différentes réunions en cours (même celles des groupes de travail et du Coreper, qui ne sont par ailleurs jamais disponibles sur le site web du Conseil), les ordres du jour, les décisions, les projets, ce qui facilite grandement leur travail de surveillance de l’actualité européenne.