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Chapitre 4 Stimulation cérébrale profonde dans la DGI : impact sur la voix et la parole

1. Stimulation cérébrale profonde : impact sur la parole

1.3. Stimulation cérébrale profonde du GPi : impact sur la parole

1.3.1. Améliorations

Les effets de la SCP du GPi sur la parole ont principalement été rapportés dans la dystonie (tableau 4.3). La SCP du GPi semblerait avoir des effets positifs sur les dystonies focales telles que la dystonie cervicale et la dysphonie spasmodique (Ghang et al., 2010; Risch et al., 2015). Dans ce sens, l’étude de Risch et al., (2015) montre que les patients atteints de dystonie DYT6 ont une amélioration de la parole et de la motricité globale (score moteur total de la BFMDRS). De même, plusieurs études rapportent que le sous-item « parole et déglutition » de la BFMDRS est amélioré chez 19% à 80 % des patients (Chung et al., 2014; Sobstyl et al., 2017;

Ghang et al., 2010; Keen et al., 2014; Sensi et al., 2009). Plus particulièrement, chez des patients qui avaient des troubles articulatoires et/ou une parole inintelligible avant l’opération (Sensi et al., 2009). Les caractéristiques propres à la dysarthrie hyperkinétique telles que les spasmes des muscles orofaciaux et les mouvements de langue typiques d’une dystonie oromandibulaire ont tendance à diminuer (Chung et al., 2014; Robertson et al., 2011). Ces résultats sont confirmés par le sous-item

« bouche » de la BFMDRS qui s’améliore chez 50% à 80% des patients (Jeong et al., 2009; Reese et al., 2011; Sobstyl et al., 2017).

Cependant, il est important de prendre en compte le profil des patients. L’étiologie de la dystonie est un facteur important à considérer puisque les troubles de la parole aggravés ou induits par la SCP ne sont pas nécessairement un effet secondaire de la SCP du GPi (Risch et al., 2015). L’étude de Risch et al., (2015) montre que les patients atteints de dysphonie spasmodique (SD) peuvent bénéficier d’une amélioration de la parole, alors que les patients atteints de dystonie cervicale (DC) peuvent avoir un bégaiement et une dysarthrie induite avec une aggravation du contrôle pneumophonatoire, du rythme de la parole et du contrôle laryngé (Risch et al., 2015). Dans ce sens, une étude montre que la SCP du GPi dans la dystonie améliore les caractéristiques de la dysarthrie hyperkinétique, et à l’inverse, elle a tendance à

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induire des symptômes caractéristiques de la dysarthrie hypokinétique (Rusz et al., 2018a).

1.3.2. Dégradations

Un déclin important du contrôle moteur de la parole a été observé 7 mois après la SCP du GPi (Timmermann et al., 2010). Les patients dystoniques traités par la SCP du GPi peuvent avoir une diminution de l'intelligibilité de la parole, une dégradation des mouvements orofaciaux, une protrusion de la langue avec des grimaces faciales (Limotai et al., 2011; Miquel et al., 2013; Sensi et al., 2009). La dysarthrie peut aussi être associée à des difficultés de déglutition et de communication (Jeong et al., 2009). Enfin, les aspects cognitivo-linguistiques de plus haut niveau peuvent être impactés par la stimulation du GPi. Par exemple, plusieurs études rapportent un bégaiement induit chez des patients dystoniques (Limotai et al., 2011; Nebel et al., 2009).

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Tableau 4.3 récapitulatif des études rapportant des données sur les effets de la SCP du GPi dans la parole.

Auteur, année Cibles de stimulation Patients Durée SCP (mois) Effet de la SCP

(Ghika et al., 1998) GPi-BI 6 MP 24 (--)

(--) : dégradation, (++) : amélioration ; DGI : dystonie généralisée isolée, Ds : dystonie segmentaire, DC : dystonie cervicale, DS : dysphonie spasmodique, DF : dystonie focale, DI : dystonie isolée, MS : syndrome de Meige, OMD : dystonie oromandibulaire, MH : maladie de Huntington, MP : maladie de Parkinson, TS : syndrome de Gilles de la Tourette, PC : participants contrôle; UNI : unilatéral, BI :bilatéral ; NST : noyau sous-thalamique, GPi : Globus pallidus interne, PPNa : noyau pédonculopontin, cZi : caudal zona incerta, PSA : aire postérieure sous-thalamique

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1.4. Problématique

L’étiologie de la dystonie semble conditionner la réponse thérapeutique sur les symptômes, probablement due à l'hétérogénéité intra- et inter- individuelle (Groen et al., 2010; Jinnah, 2019). Même si la SCP du GPi est le traitement de référence dans la dystonie, les effets sont parfois nuls et insuffisants pour environ 20% des patients (Kiss et al., 2007; Kupsch et al., 2006; Vidailhet et al., 2005). Par conséquent, d’autres cibles comme le thalamus et le noyau sous-thalamique (NST) peuvent être une alternative et une option de traitement pour certains patients atteints de DGI (Jinnah, 2019; Pauls et al., 2014). La SCP du NST, par exemple, s'est également avérée efficace dans des études pilotes pour la dystonie isolée (Pastor-Gómez et al., 2003; Sun et al., 2007). L’avantage de stimuler cette cible plutôt que le GPi est qu’elle offre une réponse plus rapide avec une meilleure optimisation des paramètres de stimulation (Sun et al., 2007). Bien que les études sur la thalamotomie ont montré des bénéfices pour la dystonie généralisée, à notre connaissance, très peu d’étude ont montré les effets de la SCP du thalamus dans la DGI, peut-être en raison du succès du GPi et du NST (Wichmann & DeLong, 2016). Cependant, la cible thalamique (Vim ou Voa) est particulièrement efficace pour certaines formes de dystonie focales, telles que la crampe de l'écrivain (Cho et al., 2009; Fukaya et al., 2007). La seule étude sur la lésion du noyau centromédian (CM) du thalamus montre une amélioration des mouvements hyperkinétiques axiaux tels que le tronc et le cou (Adams & Rutkin, 1965). Ainsi, la combinaison de deux cibles aurait pour but d’optimiser le résultat thérapeutique et d’offrir une alternative immédiate en cas d’efficacité incomplète de la cible pallidale seule. En effet, l'objectif est de trouver le site de stimulation optimal, c’est-à-dire la « bonne » cible pour le « bon » patient (Vidailhet et al., 2013). Ainsi, cette étude a pour objectif de montrer l’impact de la SCP du GPi associé à une autre cible (le CM ou le NST) dans la dysarthrie hyperkinétique de la DGI; et de mieux comprendre la participation des NGC dans la production de la parole associée à la DGI.

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1.5. Hypothèses

La SCP du GPi pourrait contribuer au relâchement des muscles orolaryngés et orofaciaux impliqués dans la production de la parole et de la voix (Chung et al., 2014;

Sensi et al., 2009). De même, un rétablissement des postures cervicales et du tronc pourrait participer à une amélioration du contrôle respiratoire et de la qualité de la voix. Les caractéristiques hyperkinétiques de la dysarthrie pourront être améliorées, mais des caractéristiques hypokinétiques pourront être induites (figure 4.1) (Rusz et al., 2018a).

Figure 4.1 Représentation schématique des hypothèses sur la SCP du GPi et du réseau cortico-sous-cortical (partie 1.2, chapitre 1). GPe, globus pallidus externe ; GPi, globus pallidus interne ; NST, noyau sous-thalamique ; SNr, Substance noire pars réticula ; SNc, substance noire pars compacta ; CM, noyau centromédian ; VLa, noyau ventrolatéral ; RT, noyau réticulaire ; PPN, pédonculopontin nucleus ; MEA, midbrain extrapyramidal area. Les récepteurs striataux de la dopamine sont D1 et D2 ; lignes vertes : projections inhibitrices ; lignes orange : projections excitatrices. Flèche large verte : amélioration ; flèche large rouge : dégradation ; encadré rouge transparent : voie directe ; ellipse rouge : stimulation du GPi.

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L’ajout du NST au GPi pourrait éviter que les caractéristiques hypokinétiques induites par la stimulation pallidale se développent. De plus, la réponse thérapeutique de la SCP du NST pourrait être favorable sur les symptômes dystoniques et de manière plus rapide que le GPi seul (Sun et al., 2007). Ainsi, l’ajout de la stimulation du NST au GPi pourrait améliorer les troubles de la parole hypokinétiques (figure 4.2).

Figure 4.2 Représentation schématique des hypothèses sur la SCP du GPi et du réseau cortico-sous-cortical (partie 1.2, chapitre 1). GPe, globus pallidus externe ; GPi, globus pallidus interne ; NST, noyau sous-thalamique ; SNr, Substance noire pars réticula ; SNc, substance noire pars compacta ; CM, noyau centromédian ; VLa, noyau ventrolatéral ; RT, noyau réticulaire ; PPN, pédonculopontin nucleus ; MEA, midbrain extrapyramidal area. Les récepteurs striataux de la dopamine sont D1 et D2 ; lignes vertes : projections inhibitrices ; lignes orange : projections excitatrices. Flèche large verte : amélioration ; encadré rouge transparent : voie directe ; ellipse rouge : stimulation du GPi.

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Concernant l’ajout du CM au GPi, nous nous attendons à une amélioration des mouvements hyperkinétiques axiaux tels que le tronc et le cou (Adams & Rutkin, 1965). Il existe très peu d’études sur les effets du CM dans la parole, mais il semblerait que le CM n’induise pas de troubles supplémentaires (figure 4.3) (Andy

& Bhatnagar, 1991).

Figure 4.3 Représentation schématique des hypothèses sur la SCP du GPi et du réseau cortico-sous-cortical (partie 1.2, chapitre 1). GPe, globus pallidus externe ; GPi, globus pallidus interne ; NST, noyau sous-thalamique ; SNr, Substance noire pars réticula ; SNc, substance noire pars compacta ; CM, noyau centromédian ; VLa, noyau ventrolatéral ; RT, noyau réticulaire ; PPN, pédonculopontin nucleus ; MEA, midbrain extrapyramidal area. Les récepteurs striataux de la dopamine sont D1 et D2 ; lignes vertes : projections inhibitrices ; lignes orange : projections excitatrices. Flèche large verte : amélioration ; flèche large grise : aucun effet ; encadré rouge transparent : voie directe ; ellipse rouge : stimulation du GPi.

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La dysarthrie étant qualifiée de « stimulation induite », il est possible qu’elle soit aggravée par la SCP du GPi (Rusz et al., 2018; Tripoliti et al., 2011; Pinto et al., 2010, 2005). Aucune étude nous renseigne sur les effets de la SCP du GPi associé à une seconde cible sur la parole. En dépit des résultats pas toujours encourageants sur les effets de la SCP sur la voix et la parole, il peut y avoir des avantages à une double stimulation du GPi et du CM ou du GPi et du NST, puisque les effets secondaires trouvés avec la stimulation pallidale peuvent être contrebalancés par l’ajout d’une seconde cible. Enfin, l’intérêt de cette investigation est double, c’est une opportunité : (1) de mieux comprendre l’impact de la SCP sur la dysarthrie hyperkinétique dans la DGI ; (2) de mieux comprendre la participation des NGC dans les troubles de la parole et de la voix associé à la DGI. Ainsi, cette étude novatrice apportera autant de réponses d’ordre fondamental que clinique.

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