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Chapitre 3 Production de la parole dans la dystonie généralisée isolée

2. Caractérisation de la voix et de la parole dans la DGI (étude 1)

2.1. Études acoustiques sur la parole dans la dystonie

Un recensement de 8101 personnes avec des troubles moteurs de la parole a été réalisé entre 1993 et 2008 par la Mayo clinic Rochester dans le département d’orthophonie sur la base des diagnostiques réalisés (Duffy, 2013a). Les données montrent que 19% des patients ont une dysarthrie de type hyperkinétique toutes pathologies confondues (e.g maladie de Huntington, dystonie…) (figure 3.7).

Figure 3.7 : Recensement des troubles moteurs de la parole par la Mayo clinic Rochester de 1993 à 2008 (traduction et adaptation de Duffy, (2013a).

La dysarthrie hyperkinétique a été étudiée dans diverses dystonies focales et plus particulièrement dans la dystonie cervicale, spasmodique et oromandibulaire (Barkmeier-Kraemer & Clark, 2017). Dans la dystonie cervicale, les analyses acoustiques montrent que la qualité de la voix et la coordination supralaryngée sont dysfonctionnelles. Il y a une réduction de la répétition de syllabe seule (AMR) et de la répétition de séquences de syllabes (SMR), de la durée maximale du rapport des

Apraxie 7%

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tenues du / s / et / z /, du temps maximal de phonation (TMP) et du HNR. Il y a également une augmentation du jitter, du shimmer, de la durée des voyelles ; une réduction des modulations de la fréquence fondamentale (F0) et une augmentation de la gamme fréquentielle chez les femmes uniquement (La Pointe et al., 1994 dans Duffy, 2013b).

Nous rappelons qu’il existe deux types de dysphonie spasmodique (e.g. chapitre 1) : (1) La dysphonie spasmodique en adduction (ADSD, adduction spasmodic dysphonia), caractérisée par une hyperadduction des muscles laryngés adducteurs causant une voix forcée et/ou des arrêts vocaux (Barkmeier-Kraemer & Clark, 2017) ;

(2) La dysphonie spasmodique en abduction (ABSD, abduction spasmodic dysphonia), caractérisée par une hyperadduction des muscles laryngés abducteurs causant des intermittences ou une aphonie.

Les données acoustiques montrent que dans la ADSD, il y a des ruptures phonatoires, une apériodicité, une rupture des structures des formants, une forte variabilité de la F0, des fluctuations de l'intensité sonore, une augmentation du jitter et du shimmer, un débit de parole ralenti et une tendance à la réduction de la F0 et de l’intensité (Duffy, 2013b). Dans la ABSD, il y a des périodes d’aphonie sur les phonèmes et de longues pauses associées à des difficultés respiratoires (Barkmeier-Kraemer & Clark, 2017). L'apériodicité, les ruptures phonatoires et les changements de fréquence trouvés dans l’ADSD peuvent également être observés dans l’ABSD (Edgar et al., 2001). Des caractéristiques acoustiques sont ainsi comparables, telles qu'une perte d'énergie et une dégradation de la structure des formants, des fluctuations de l'intensité sonore, une prolongation du temps de production de la voix pour les consonnes non voisées, une augmentation de la moyenne de F0 et du temps d'articulation pendant la production de phrase (Duffy, 2013b).

Enfin, la dystonie oromandibulaire (OMD, oromandibular dystonia) affecte les muscles de la mâchoire, avec des mouvements anormaux de la langue, des lèvres ou du palais. L’OMD accompagnée de blépharospasme peut être appelée syndrome de Meige. L’étude multiparamétrique de Kreisler et al., (2016) montre que la dysarthrie est souvent présente dans l’OMD. Elle se manifeste par des consonnes imprécises avec une altération de la co-articulation, une voix dure, des fluctuations d'intensité,

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une hypernasalité et une respiration perturbée (Kreisler et al., 2016). La parole dans la dystonie oromandibulaire est hétérogène et il est intéressant de constater qu'une dysphonie spasmodique associée est fréquente (Kreisler et al., 2016).

2.1.1. Problématique

Si les études cliniques sont fréquentes dans la dystonie, on ne recense qu’une seule étude acoustico-physiologique dans la DGI qui montrent une fréquence respiratoire plus rapide, une diminution du volume pulmonaire, des périodes d’apnée avec une diminution du débit sanguin artériel lors de la respiration et de la parole spontanée(LaBlance & Rutherford, 1991). Ces manifestations physiologiques sont corrélées à une parole inintelligible (LaBlance & Rutherford, 1991).

Les études clinico-perceptuelles de la parole dans la dystonie sont courantes dans la littérature scientifique, quelle que soit la phénoménologie ou l'étiologie de la maladie. Cependant, les études perceptives ne sont pas suffisantes pour caractériser la parole. En effet, la dysarthrie hyperkinétique dans la dystonie peut parfois être difficilement distinguable d’autre dysarthrie d’un point de vue perceptif (Zyski &

Weisiger, 1987). Les études acoustiques sont essentielles pour mieux identifier, objectivement, les caractéristiques déviantes de la dysarthrie dans la dystonie (Kent et al., 1999). Par conséquent, il a été montré que les études sur la dysphonie spasmodique et le tremblement essentiel de la voix nécessitaient des évaluations supplémentaires pour mieux caractériser les troubles de la parole afin d’éclairer le diagnostic différentiel (Barkmeier-Kraemer & Clark, 2017). Comme mentionné récemment par Kreisler et al., (2016), très peu d'études acoustiques ont été menées sur la parole chez les patients dystoniques, et particulièrement dans la DGI.

Dans ce contexte, notre première étude a pour objectif de décrire de manière qualitative et quantitative, les déficits de la parole et de la voix chez les patients atteints de DGI à l’aide d’analyses perceptives et acoustiques. Ainsi, l’intérêt de cette investigation est double, c’est une opportunité : (1) pour caractériser objectivement la dysarthrie hyperkinétique dans la DGI ; (2) pour mieux comprendre la physiopathologie des troubles de la parole et de la voix associé à la DGI. Pour ce faire, les 11 participants avec une DGI et les 11 participants contrôles décrits dans la

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partie « participants » du chapitre 2 ont été enregistrés sur cinq tâches de production de parole (partie 1.3.1, chapitre 2).

2.1.2. Hypothèses

En se basant sur les clusters « imprécision articulatoire, sténose phonatoire, insuffisance et excès prosodique » de l’analyse perceptive de Darley et ses collaborateurs dans la dystonie, nous nous attendons à trouver (Darley et al., 1969b;

Kreisler et al., 2016) :

- Un déficit de coordination articulatoire ;

- Une réduction du temps maximal de phonation ; - Une variation excessive de l’intensité et de la F0 ; - Une augmentation des arrêts vocaux ;

- Une réduction de la fluctuation de hauteur et d’intensité ; - Un allongement des pauses ;

- Un débit lent.