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Liste des abréviations

Chapitre 1 : État des connaissances

1.1 Obésité et préoccupation à l’égard du poids corporel 1 Obésité et risques pour la santé

1.1.3 Stigmatisation et discrimination

Le corps est soutenu par les aliments, et l’âme se soutient par les bonnes actions. – Proverbe oriental « Ceux qui ne sont pas concernés [qui ne sont pas obèses], s’ils connaissent une personne qui souffre d’obésité dans leur entourage, il faut, de quelque manière que ce soit, la soutenir dans sa démarche. Quelle que soit sa démarche, la soutenir psychologiquement. S’il y a des résultats il faut les noter, et faire le parcours ensemble. Ça c’est pour un mari, pour une mère. Il faut éviter le côté accusateur, le côté jugement. Parce que ça, ça n’aide pas du tout. Mais alors pas du tout, du tout »28.

Ces propos exprimés par une personne obèse reflètent la stigmatisation dont sont souvent victimes les personnes obèses. La stigmatisation réfère aux attitudes et croyances négatives à propos du poids corporel et s’exprime sous forme de stéréotypes, de préjugés et de traitements injustes64, 65.

Par exemple, les personnes ayant un excès de poids sont souvent perçues comme étant paresseuses et moins disciplinées, comparativement aux personnes de poids normal. Quant à la discrimination, elle implique un traitement inégalitaire en raison de l’excès de poids, comme recevoir des soins médicaux de moindre qualité ou être traité avec moins de courtoisie dans un lieu public,

comparativement à une personne de poids normal14. Les résultats d’une enquête réalisée par

Andreyeva et coll. (2008) aux États-Unis et incluant 2962 répondants ont montré que la prévalence de la discrimination a augmenté de 66 % entre 1995-1996 et 2004-2006 et que cette hausse peut difficilement être justifiée par l’augmentation des niveaux d’obésité14. Les résultats d’une autre étude

de la même équipe de recherche portant sur la prévalence de la discrimination liée au poids corporel et incluant 2290 adultes américains, ont montré que 10,3% des femmes de poids variés rapportent être victimes de discrimination quotidiennement, comparativement à 4,9% pour les hommes66. Cette

prévalence augmente à 40% auprès des personnes avec un IMC de 35 (obésité classe II) ou plus66.

La façon dont les personnes obèses sont souvent représentées dans les médias peut contribuer à favoriser et à maintenir la stigmatisation et la discrimination liées à l’obésité. Les personnes obèses sont injustement représentées comme étant paresseuses, indisciplinées, peu attirantes ou étant la cible de mauvaises plaisanteries, alors qu’elles sont souvent montrées sans tête et dans des vêtements trop petits15, 64, 67-69. La popularité des émissions télévisées, des films et des publicités

reflétant la stigmatisation liée au poids corporel laisse croire que cette dernière est socialement acceptée64. L’essai clinique randomisé de Domoff et coll. (2012) a examiné comment le visionnement

de l’émission américaine de télé-réalité de perte de poids Qui perd gagne (note 3) pouvait influencer les

préjugés liés au poids auprès de 59 étudiants70. Les étudiants ont été assignés aléatoirement à

visionner durant 40 minutes, l’une des deux émissions de télé-réalité suivantes : Qui perd gagne ou une émission témoin avec des animaux. Les résultats ont montré que l’émission hebdomadaire Qui perd gagne visionnée par des millions de téléspectateurs contribuait à augmenter l’aversion envers les personnes obèses et à accroître la croyance que le poids corporel est facilement contrôlable70.

Pour limiter la stigmatisation et la discrimination, les chercheurs ont proposé que les médias devraient aussi mentionner les causes de l’excès de poids qui sont plus difficilement contrôlables par les personnes, comme les prédispositions génétiques ou l’environnement.

La stigmatisation et la discrimination liées au poids peuvent avoir des conséquences dommageables pour la santé psychologique et physiologique des personnes obèses15. En plus d’un risque accru de

dépression et d’anxiété, le stress psychologique causé par la stigmatisation liée au poids corporel peut augmenter le risque de maladies associées à l’obésité, comme des états inflammatoires

prédisposant à certaines maladies chroniques71, 72. Le dénigrement de l’excès de poids et les

préjugés entretenus à l’égard des personnes obèses peuvent aussi contribuer à fragiliser leur état psychologique et les rendre moins motivées à adopter des comportements favorables à la santé62.

Par exemple, le discours du médecin peut parfois être un obstacle à bénéficier des soins de santé comme en a témoigné une personne obèse : « Je ne vais pas chez le médecin parce que l’idée de me faire dire : mais madame, si vous n’étiez pas si grosse, vous n’auriez pas mal au dos, je n’ai pas envie de payer pour me faire dire ça, je le sais. Alors du coup, je ne vais pas chez le médecin. J’ai différents petits maux, notamment des maux de dos, mais je ne vois pas pourquoi j’irais chez le médecin parce que je sais que c’est lié à la grosseur. Alors pour m’entendre dire : c’est parce que vous être trop grosse, non, je refuse »28.

Manger pour combler un autre besoin que la faim est aussi un comportement qui n’est pas lié à la santé. L’essai clinique randomisé de Schvey et coll. (2011) a évalué l’influence de l’exposition à la stigmatisation liée au poids sur la prise alimentaire subséquente de 73 femmes âgées en moyenne

de 32 ans et présentant un poids normal ou de l’embonpoint73. Les femmes étaient assignées

aléatoirement à visionner l’une des deux émissions suivantes : une émission véhiculant des croyances et des préjugés négatifs à l’égard des personnes obèses ou une émission témoin dont le contenu était neutre. Après le visionnement, les participantes étaient invitées à remplir des questionnaires et à consommer une collation ad libitum (à volonté). Les résultats ont montré que la prise alimentaire des femmes en surpoids assignées à l’émission incluant des préjugés était trois fois plus élevée que celle des femmes en surpoids qui ont visionné l’émission neutre (301 vs 89 calories, respectivement)73. Ces données suggèrent que la pression pour maigrir ressentie par les personnes

en surpoids peut avoir des effets négatifs sur leur santé. L’article « Stigmatisation liée au poids corporel : quoi? pourquoi? comment? » présenté à l’annexe A de cette thèse documente les raisons et les conséquences de la stigmatisation liée au poids corporel, de même que certaines considérations pratiques visant à limiter cette attitude négative.

En résumé, le contenu de la section 1.1 a montré que la prévalence de l’obésité a rapidement augmenté au courant des dernières années mais la relation entre l’obésité, la santé et les maladies est complexe et encore mal comprise, notamment en raison de l’hétérogénéité observée auprès des personnes obèses. Alors que l’environnement est susceptible de favoriser le développement de

l'obésité et que la norme sociale incite à la minceur, cette situation peut contribuer à la préoccupation excessive à l’égard du poids corporel. Enfin, la stigmatisation et la discrimination à l’égard du poids peuvent avoir des conséquences dommageables sur la santé psychologique et physiologique des personnes obèses, comme le fait d’adopter des comportements qui ne sont pas favorables à la santé.

1.2 Perte de poids et comportements alimentaires