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Stau1 est le médiateur d'une nouvelle voie de dégradation d'ARNm

1. Introduction

1.4 Régulation de l’expression génique et cycle cellulaire

1.5.5 Fonctions de Stau1 dans la régulation post-transcriptionnelle de l'expression

1.5.5.3 Stau1 est le médiateur d'une nouvelle voie de dégradation d'ARNm

Stau1 a été identifié dans un essai de double hybride chez la levure ayant pour but de trouver les partenaires protéiques d'UPF1, un des facteurs promouvant le NMD (section 1.1.5.4) (268). Ceci a alors révélé une fonction de Stau1 totalement insoupçonnée. En effet, il a été montré que la liaison de Stau1 sur le SBS d'arf1 qui se situe en aval du codon stop du messager constitue une plate-forme pour le recrutement d'UPF1 (268). Cette interaction impliquant le TBD de Stau1 mène à la dégradation des messagers qui sont associés à la protéine (186, 268, 269). Stau1 est donc le médiateur d'une nouvelle voie de dégradation d'ARNm, nommée "Staufen mediated decay" (SMD).

Le NMD et le SMD nécessitent le recrutement d'UPF1 en 3'UTR d'un transcrit pour entraîner sa déstabilisation et dépendent tous les deux de la traduction du messager en question (268). Les deux processus se distinguent toutefois à plusieurs égards. Alors que le NMD représente une voie de contrôle de la qualité permettant le ciblage de messagers possédant un codon stop prématuré à la dégradation, le SMD constitue plutôt un mécanisme spécialisé de dégradation qui dépend de la liaison de Stau1 à des ARNm spécifiques (237). Aussi, le SMD ne requiert pas la présence de jonctions exon-exon, ni celle des autres facteurs essentiels au NMD, soit UPF2 et UPF3 (268).

Un criblage visant à identifier les ARNm sujets au SMD a été effectué via l'étude des niveaux stationnaires des transcrits présents dans des lysats cellulaires avec des micropuces d'ADN, dans des conditions où l'expression de Stau1 était diminuée ou non par des petits ARN interférents. L'analyse des résultats a permis de montrer une augmentation des niveaux de 1,1% de messagers du transcriptome des cellules HEK293T conséquemment à la déplétion de Stau1, ce qui suggère que ces transcrits sont des cibles endogènes du SMD (269). Cette hypothèse a d'ailleurs été testée et le statut de certains des

substrats potentiels du SMD a été confirmé puisqu'ils remplissent plusieurs conditions. Ainsi, ils sont stabilisés par la déplétion de Stau1 ou d'UPF1. Dans ce sens, la diminution des niveaux de Stau1 ou d'UPF1 augmente la demi-vie de transcrits rapporteurs qui possèdent le 3'UTR de ces messagers. Enfin, leur 3'UTR est lié par Stau1 (269). Il est donc possible que la liste des transcrits qui semblent soumis au SMD fassent partie d'un régulon de dégradation défini par la liaison de Stau1, bien qu'à première vue, les gènes identifiés ne semblent pas nécessairement reliés au niveau de leur fonction (237). Parmi les cibles identifiées on peut noter la présence de l'ARNm du facteur de transcription c-Jun, un proto- oncogène activé en réponse à des signaux mitogéniques (section 1.4.2.2) (269).

Quelques évidences suggèrent que le SMD soit un processus régulé. Entre autres, il a été montré que l'efficacité du SMD augmente lors de la différenciation de la lignée cellulaire myoblastique C2C12 en myotubes, alors que l'efficatité du NMD diminue (186, 269). D'ailleurs, le NMD et le SMD sont des voies qui entrent en compétition pour le recrutement d'UPF1 puisque Stau1 et UPF2 se lient au même endroit sur la protéine et que la diminution de l'expression de l'un de ces médiateurs améliore le processus dans lequel l'autre est impliqué (186). Ainsi, ces mécanismes pourraient être en partie modulés par l'abondance cellulaire des protéines qui y participent (186).

1.5.5.4 Stau1 semble influencer l’épissage alternatif et pourrait de plus favoriser l’export nucléaire

Alors que toutes les fonctions décrites pour Stau1 jusqu’à présent se déroulent dans le cytoplasme, des travaux réalisés par le groupe du Dr Jasmin ont dévoilé que dans le contexte de la dystrophie musculaire myotonique de type 1 ("myotonic dystrophy type 1" ou DM1), Stau1 pourrait aussi exécuter des tâches nucléaires (423). La DM1 est causée par l’expression d’un ARNm codant pour la protéine kinase dystrophia myotonica ("dystrophia myotonica protein kinase" ou DMPK) qui contient un nombre anormalement élevé de répétitions des ribonucléonucléotides CUG dans sa portion 3’UTR. Les transcrits qui

arborent ces répétitions forment des agrégats dans le noyau des cellules qui les expriment et il a été proposé que ces corps nucléaires séquestrent des protéines liant l’ARN qui jouent des rôles importants dans la régulation post-transcritpionnelle. Ceci aurait pour conséquence d’empêcher l’export et la traduction du messager de la DMPK, en plus d’occasionner des anomalies au niveau de l’expression d’autres gènes (302).

À ce sujet, il est connu que l’épissage alternatif du transcrit codant pour le récepteur de l’insuline ("insulin receptor" ou IR) est aberrant dans des cellules de patients affectés par la DM1 (441). Ainsi, l’équipe du Dr Jasmin a montré que la surexpression de Stau1 dans des cellules présentant un phénotype de DM1 restaure le patron normal d’épissage alternatif d’un minigène composé de quelques exons et introns de l’IR. Ce résultat suggère fortement que Stau1 participe au contrôle de l’épissage du pré-messager de l’IR. Même si le mécanisme par lequel Stau1 influence cet événement demeure incompris, il est tout de même intéressant de souligner que Stau1 s’associe avec la forme pré-ARNm du minigène de l’IR utilisé (423).

Cette étude a également révélé que le 3’UTR du transcrit de la DMPK est lié directement par Stau1. D’ailleurs, la surexpression de Stau1 dans des cellules transfectées avec un gène rapporteur fusionné au 3’UTR d’une version de DMPK présentant un nombre élevé de répétitions CUG augmente l’expression du gène rapporteur. Cette activité semble dépendre de la capacité de Stau1 à transiter par le noyau puisque la surexpression d’une forme de Stau1 mutée au niveau du NLS ne stimule presque plus l’expression du rapporteur. Ces données laissent donc présager que Stau1 pourrait en quelque sorte participer à l’export nucléaire de l’ARNm de la DMPK, ce qui permettrait ensuite sa traduction (423).

Toutes ces observations tendent à démontrer que Stau1 est multifonctionel, à l'image de nombreuses protéines liant l'ARN. Il est intéressant de constater que l'influence que Stau1 exerce sur les transcrits dépend en partie de son site de liaison. Par exemple, sa liaison au 5'UTR d'un messager peut dé-réprimer sa traduction alors qu'une association à

son 3'UTR semble promouvoir sa dégradation (131, 268). Aussi, Stau1 semble influencer la localisation dendritique distale d'un rapporteur possédant le signal de localisation du transcrit de la CamKIIα, qui se trouve dans son 3'UTR (248). Il est donc possible que Stau1 transporte des ARNm en s'associant à leur 3'UTR, bien que ce ne soit pas clairement établi. Les différentes fonctions moléculaires de Stau1 sont résumées à la figure 15.

Figure 15: Aperçu des différentes fonctions de Stau1 dans la régulation post- transcriptionnelle de l'expression génique. A) Stau1 est important pour le transport d’ARNm dans les neurones. Dans les dendrites, des granules contenant Stau1-GFP co- localisent avec de l’ARN marqué au SYTO-14. Adapté de (278). B) Stau1 joue un rôle dans le contrôle de l’épissage alternatif. Stau1 favorise l’inclusion de l’exon 11 dans l’ARNm épissé du récepteur de l’insuline (IR). Adapté de (423). C) Stau1 stimule la traduction. La liaison de Stau1 à une structure inhibant la traduction dans le 5’UTR d’un transcrit rapporteur augmente son expression. D) Stau1 est le médiateur d’une voie de dégradation d’ARNm. La liaison de Stau1 en 3’UTR d’un messager et le recrutement d’UPF1 par la protéine provoque la déstabilisation de l’ARNm.