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PARTIE I : Cadre théorique

1.1 Les langues vivantes régionales en France

1.1.4 Le statut sociolinguistique de l’occitan

Actuellement, la langue occitane reste la LVR qui, tant au niveau de l’espace concerné que du nombre de locuteurs, est une des plus importantes d’Europe et la première de France (selon la circulaire rectorale du 3 mai 1999 relative au programme à moyen terme de développement de l’enseignement de la langue et de la culture occitanes). Cette même circulaire reconnait que l’amélioration du statut de l’occitan s’est développée « parallèlement au recul de la pratique et de la transmission familiale de la langue » : paradoxe qui serait dû à une prise de conscience quant à la disparition potentielle de l’occitan.

Ce changement des représentations de l’occitan se ressent également dans la circulaire 2001-106 – relative à au développement de l’enseignement des langues et cultures régionales à l’école, au collège et au lycée – qui évoque la continuité entre l’environnement familial et le système éducatif, par le biais de l’enseignement des LVR, et « contribuant à l’intégration de chacun dans le tissu social de proximité ».

Mais les objectifs de l’enseignement de la langue et de la culture occitanes vont bien au-delà de l’aspect social. Ainsi, selon les deux circulaires de 1999 et de 2001, son enseignement permet de :

22 - préserver et transmettre un héritage historique et culturel reconnu comme partie de la richesse du patrimoine national : « les oublier n’est pas un signe de modernité, mais une perte de substance » ;

- contribuer à la reconnaissance de la diversité culturelle au sein de la communauté nationale ; - s’ouvrir aux communautés linguistiques proches par le développement des relations créées par ces voisinages : « cette perspective (…) s’inscrit (…) dans la volonté de faire de cet enseignement un élément de la construction de l’identité européenne à laquelle le système éducatif a pour mission de préparer les élèves » ;

- construire des compétences de communication dans la langue régionale étudiée, tant en compréhension qu’en production, à l’oral et à l’écrit ;

- acquérir des connaissances culturelles liées au patrimoine dans lequel s’inscrit la langue (telles que l’histoire, la géographie, la littérature et les arts).

Cette vision est également partagée par la FELCO43 qui réaffirme que la langue et la culture occitanes contribuent à l’identité du Pays d’Oc et de la France tout entière.

« Les faire vivre, c’est préserver un outil irremplaçable :

- un outil de connaissance, de création et de dynamisation des régions dont elles sont l’héritage ; - un outil d’éducation à la pluralité linguistique et culturelle, à la responsabilité par rapport à toutes nos langues, la langue française comprise, dans un monde qui les fragilise.

La transmission de la langue et de la culture occitanes aux jeunes générations est un outil de connaissance, de formation intellectuelle, d’éducation linguistique et culturelle » (FELCO, 2007 : 5). D’autre part, les sondages réalisés dans plusieurs régions depuis près de dix ans (Languedoc-Roussillon, Aquitaine, Auvergne), aussi bien que la présence de milliers de personnes rassemblées dans des manifestations pour la langue d’oc (2005 : 10 000 à Carcassonne, 2007 : 20 000 à Béziers), indiquent en effet un désir croissant de mieux prendre en compte l’occitan dans la vie régionale et nationale.

En outre, depuis 2005 les programmes mis en place sont communs aux LVE et LVR. En termes de pédagogie on est sur un apprentissage avec une démarche actionnelle d’enseignement des langues et on peut compter sur le CECRL ; celui-ci permettant de travailler sur des compétences plutôt que sur des contenus.

Aujourd’hui, l’occitan est devenu un moyen d’insertion professionnelle, bien entendu dans le domaine de l’enseignement, mais aussi dans les médias, l’animation culturelle des villes et des territoires et auprès des associations, en partenariat souvent avec des collectivités locales (voir FELCO, 2007 : 5).

Enfin, avec la récente ratification par la France de la Convention de l’UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, on est tout à fait dans l’esprit contemporain de développement de compétences plurilingues et pluriculturelles.

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1.1.4.2 Une vision négative

a) Les attaques récentes

Même si l’enseignement de l’occitan a connu de grandes avancées, actuellement il fait face à un certain nombre de difficultés telles que la baisse des postes au CAPES (les jeunes professeurs sont amenés à travailler sur deux, voire trois ou quatre établissements) ou encore les fermetures d’heures et d’options (dues au rétrécissement des moyens budgétaires des rectorats et des établissements) (voir Verny, 2011 : 433-435).

b) La disparité des sites bilingues

Un autre élément qui doit être pris en compte est la densité très inégale des sites publics bilingues français-occitan. À titre de comparaison, en Corse près d’un élève sur deux a la possibilité d’intégrer un enseignement bilingue, alors qu’on note l’inexistence de sites bilingues publics dans la majorité des départements occitans (notamment au Nord et à l’Est) ; ceux-ci étant concentrés sur le Centre-ouest de l’espace occitan (voir Verny, 2011 : 430- 433)44.

En domaine occitan, la plupart des conventions État-Région favorise le développement de l’enseignement bilingue. Toutefois, et comme le souligne Lespoux (2013 : 381-382), en 2009-2010, moins de 1 % – dont 0,74 % dans l’académie de Toulouse – des élèves étaient scolarisés dans des dispositifs bilingues. Cet auteur fait également remarquer la forte déperdition des effectifs entre le primaire et le secondaire puisqu’on passe de 0,97 % d’élèves scolarisées dans des dispositifs bilingues en primaire à 0,28 % en collège ; et l’enseignement bilingue occitan n’existe pas en lycée. Lespoux (2013 : 381-382) propose alors une triple explication :

- le manque de continuité entre le primaire et le secondaire avec l’impossibilité de poursuivre un cursus bilingue dans un établissement secondaire « proche » ;

- la crainte des parents de voir l’emploi du temps de leurs enfants surchargé ;

- la concurrence dans le secondaire – au collège et plus encore au lycée – d’autres options/ langues jugées plus « utiles » comme les filières bilingues et européennes en espagnol, anglais, allemand ou encore chinois.

c) Le recul de l’occitan face aux langues vivantes étrangères

La reconnaissance de la pluralité linguistique comme richesse est encore loin de faire consensus en France. Et « lorsqu’on y vante les mérites de l’apprentissage des LV, c’est presque toujours aux LVE qu’on pense, plus précisément d’ailleurs à l’anglais » (Verny, 2011 : 430). La difficulté réside dans le fait que l’enseignement des LVE est obligatoire en France alors que l’enseignement des LVR reste basé sur le facultatif et le volontariat. Les

44 Voir carte de la FECLCO pour les données de 2017 qui n’ont guère changé : http://www.felco-creo.org/ou- etudier-loccitan/

24 statuts d’enseignement et l’organisation pratique de ceux-ci (horaires ou bien moyens correspondants) ne sont pas toujours à la hauteur des enjeux.

Dans cette optique, Escudé (2011c : 78) rappelle que « chaque avancée en faveur des LVR se double d’une défense de la langue nationale ou d’une faveur privilégiée envers la LVE », et d’autant plus dans les classes bilingues et immersives qui se tournent presqu’exclusivement vers l’anglais.

En définitive, la forte pression des locuteurs de LVR sur les pouvoirs publics a permis d’autoriser, d’instaurer et de régulariser l’enseignement des LVR en France. Cette légitimation des LVR dans l’enseignement leur a concédé un certain statut sociétal, qui reste néanmoins fragile face aux LVE.

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