3.1.2.2. Eucaryotes
La dégradation directe des phtalates est un processus restreint. En effet, plusieurs réactions sont nécessaires pour une élimination complète des composés initiaux. La capacité de dégradation des phtalates augmente avec le degré de différenciation des organismes et limite l’importance de la bioaccumulation. La première étape qui a lieu dans le tube digestif chez les Mammifères et dans les branchies chez les poissons est la réaction d’hydrolyse. Cette hydrolyse conduit au mono ester et à un alcool libre. Ce produit de dégradation est appelé métabolite. Les premiers métabolites, issus de la dégradation primaire des phtalates par des eucaryotes sont le MEHP pour le DEHP, le MnBP pour le DBP ou encore le MBzP pour le BBP. La suite des transformations a lieu après absorption, essentiellement dans les tissus hépatiques et rénaux. L’alcool libre est oxydé en acétate et en dioxyde de carbone par β oxydation. Le mono ester résultant est quant à lui soit éliminé directement par l’organisme, soit éliminé en suivant une suite de dégradations de phase I. Ces dégradations de phase I consistent en une oxydation de la chaîne carbonée à différents niveaux possibles, soit par la
voie du cytochrome P 450 microsomal (CYP 4A1), soit par des oxydases mitochondriales (palmitate CoA) ou soit par des peroxysomes (un peroxysome est un organite cellulaire entouré par une membrane simple et ne contenant pas de matériel génétique. Par opposition à la mitochondrie, toutes les protéines qui le constituent sont donc codées par des gènes nucléaires et proviennent du cytosol). Ensuite, surviennent des réactions de phase II consistant en une conjugaison, notamment avec l’acide glucuronique, qui représente la phase ultime de la biodégradation (Barron et al. 1995). Les principaux métabolites produits lors de la dégradation secondaire du DEHP sont le 5OH MEHP, le 5oxo MEHP, le 5cx MEPP et enfin le 2cx MMHP (Wittassek et al. 2007). L’acide phtalique est un métabolite mineur et contrairement à ce qui survient chez les microorganismes, le cycle phtalique n’est pas oxydé. De plus, il existe des particularités de catabolisme selon les classes zoologiques considérées. Par ailleurs, la variété de métabolites oxydés en phase I est plus importante chez les Mammifères que chez les poissons. Chez le rat, le DEHP est rapidement absorbé par le système gastro intestinal après une administration orale. Ensuite, il est hydrolysé, pour une grande majorité (90 %), en MEHP avec un relargage de 2 ethylhexanol (EH) avant l’absorption intestinale (Kluwe 1982). Il est important de noter que le phénomène d’absorption est faible chez l’Homme et les Primates. Chez le rat, plus de 90 % est excrété par les urines après administration diététique, alors que seulement 0,9 % est excrété dans les urines par le ouistiti (Albro 1986). Chez l’Homme, entre 11 et 25 % d’une dose ingérée est retrouvée dans les urines (Schmid &Schlater 1985).
3.2. Dégradation des alkylphénols
La biodégradation primaire des NPnEO dans les stations d’épuration est une réaction à haut
rendement. Cependant, la biodégradation générale semble être plus compliquée avec la formation, par raccourcissements des chaînes éthoxylées, de plusieurs métabolites différents tels que les NP2EO, NP1EO, NP, NP1EC et NP2EC, et, par des oxydations non spécifiques, à des métabolites qui
possèdent des alkyles oxydés et des chaînes éthoxylées (CAPnEC) (Di Corcia et al. 1998). La transformation des NPnEO en métabolites des NP2EO et NP1EO est bien un processus bien établi et
les bactéries capable de proliférer en utilisant les NPnEO comme source de carbone sont bien isolées
(John &White 1998, Maki et al. 1994). Quelques bactéries dégradent les NPnEO par exo scission de
simples unités de glycol avec une accumulation de NP2EO et NP1EO comme produits finaux majeurs
de dégradation. Le mécanisme proposé implique un changement de l’hydroxyle de la réaction oxygéno indépendante du dernier vers l’avant dernier carbone de l’unité ethoxylée terminale des NPnEO ainsi qu’une dissociation de l’hémiacétal pour relâcher de l’acétaldéhyde de classe inférieure.
Ce métabolite NP(n 1)EO subit plusieurs cycles de cette même réaction jusqu’à ce que la chaîne
éthoxylée soit réduite à une ou deux unités éthoxylées (John &White 1998). Dans la majorité des cas, c’est la forte sorption des alkylphénols et non l’activité microbienne qui limitera les vitesses de biodégradation de ces contaminants (Bosma et al. 1997). En effet, le NP se lie fortement aux acides humiques de la matière organique dissoute au travers des interactions lipophiles non spécifiques du sol (Höllrigl Rosta et al. 2003, Soares et al. 2008).
3.2.1. Biotransformation des isomères du NP
La première suggestion que les microorganismes capables de métaboliser les alkylphénols tels que le NP, l’OP et les acides octylphenoxy acétiques dans des conditions aérobies vient des études dans lesquelles le 2,4,4 trimethyl 2 pentanol a été détecté comme métabolite de l’OP (Tanghe et al. 1998) et de l’acide octylphenoxy acétique ( Fujita et Reinhard, 1997) par l’action de Sphingomonas TTNP3. De plus, il a été montré que plusieurs souches de Shingomonas étaient capables d’utiliser le NP comme source unique de carbone et énergétique (Fujii et al. 2001, Gabriel et al. 2005a, Tanghe et al. 1998). Dans le milieu aquatique, une rapide diminution de la concentration en nonylphénol est observée dans les cours d’eau, les eaux statiques et l’eau de mer. Ce phénomène est dû à la dilution
avec le courant, l’évaporation de surface, la codistillation et la dégradation (Ekelund et al. 1993, Liber et al. 1999a, Liber et al. 1999b). Cependant, la dissipation du NP est le plus souvent dû à la sorption de ce composé dans les sédiments où il peut s’accumuler dans le biota et la faune ou subir la biodégradation (Ekelund et al. 1993, Hesselsoe et al. 2001, Staples et al. 2001). Un total de 37 souches de bactéries pouvant dégrader le NP a été isolé dans des conditions aérobies et anaérobies (Acinetobacter baumannii, Arthrobacter nicotianae, Bacillus sphaericus, Bacillus cereus,
Sphingomonas sp., …) (Chang et al. 2005, Chang et al. 2004, Yuan et al. 2004). De toutes les souches
bactériennes isolées, Sphingommonas apparaît comme celle qui possède la capacité de dégradation la plus importante avec un taux de dégradation moyen de 100 mg/l/jour (Corvini et al. 2004, Gabriel et al. 2005b). Gabriel et al (2005b), ont également observé une corrélation entre la dégradation du nonylphénol et la turbidité, l’augmentation de la biomasse totale et l’activité respiratoire de
Sphingomonas species. De plus, une étude s’intéressant à Sphingomonas species TTNP3 a fourni la
preuve que l’hydroquinone est le métabolite central de la dégradation des isomères du NP (Corvini et al. 2006). Cette réaction est une réaction de type II nécessitant un groupe hydroxy libre en position
para. D’autres parts, les nonylphénols peuvent être dégradés par des champignons (Corvini et al.
2006). En effet, plusieurs souches de champignons filamenteux du sol ont été isolés (Bjerkandera sp.,
Phanerochaete chysosporium, Pleurotus ostreatus et Trametes versicolor) (Dubroca et al. 2003,
Soares et al. 2005, Soares et al. 2006). Par exemple, en présence de cosubstrat tel que le glucose,
Bjerkandera sp. et Trametes versicolor éliminent respectivement approximativement 99 et 97 % de
100 mg/l de tNP en seulement 25 jours (Soares et al. 2005). Plusieurs études rapportent que la dégradation du p NP débute par la fission du cycle aromatique (De Vries et al. 2001, Fujii et al. 2001). L’élimination initiale de la chaîne alkyle et la division ultérieure de tous les atomes de carbone, couplée à une possible décarboxylation, a été proposée comme processus alternatif à l’attaque du cycle aromatique. Cette voie métabolique implique l’oxydation du carbone tétravalent de la chaîne nonyle (Corvini et al. 2004).
Dans une autre étude de Giger et al. (2009), le même processus de dégradation que chez
Sphingomonas species a été observé chez Sphingobium xenophagum. Les structures des métabolites
1 à 3 (Figure 17), avec un substituant hydroxyle additionnel en position 4 dans le cycle, sont de forts indicateurs de la réaction initiale sur l’atome de carbone de l’alkyle substituant. Cette réaction est appelée hydroxylation (Giger et al. 2009). La dégradation du NP dans les sédiments et les boues d’épuration sous conditions anaérobies a été récemment rapportée par (Chang et al. 2005, Chang et al. 2004). Dans ces études, les bactéries sulfato réductrices pourraient être le composant microbien majeur pour la dégradation anaérobie du NP dans n’importe quel environnement, mais les populations méthanogènes et eubactériennes seraient également impliquées. Néanmoins, des doutes à propos de l’utilisation du 4 t NP subsistent. En effet, dans les tests de dégradation du NP1EO, dans les mêmes conditions expérimentales que précédemment, il y a accumulation de NP et
aucune information n’a été fournie concernant une future dégradation de ce composé. La facile dégradation des alkyls linéaires tel que l’alkylbenzene sulfonate dans les conditions anaérobies fournirait une explication rationnelle de ces cas isolés de dégradation anaérobie du NP (Mogensen et al. 2003).
Figure 17 : Processus de dégradation des NP par Sphingobium xenophagum
D’après Giger et al. (2009)
3.2.2. Biotransformation des acides nonylphénoxy acétiques
Les rapports sur la dégradation des NPE dans des conditions anaérobies sont peu abondants. Cependant, il apparaît que le NP est le produit final de la dégradation. Il ne subit pas de nouvelles transformations et est fortement absorbé sur les particules solides (Ejlertsson &Svensson 1995, Soares et al. 2005). La principale source de nonylphénol dans l’environnement n’est pas sa production industrielle mais sa production due à la dégradation des nonylphénols éthoxylés (Langford &Lester 2002). La biodégradation aérobie des NPEO débute par une diminution de la chaîne éthoxylée, conduisant à la formation de nonylphénol à courtes chaînes éthoxylées contenant seulement une ou deux unités. Des transformations supplémentaires suivent via l’oxydation des chaînes éthoxylées produisant des acides nonylphénoxy acétiques (NP1EC et NP2EC) (Jonkers et al.
Figure 18 : Processus général de dégradation des NPnEO