Chapitre Synthèse bibliographique des méthodes d analyses pour le dosage des phtalates
3. Purification de l’extrait
5.1.2. Détection par spectromètre de masse (MSD)
Cette détection s’effectue par ionisation électronique. La GC/MS permet l’étude et l’analyse des phtalates, OP, NP voire des NPnEO (sous certaines réserves de dérivation de l’échantillon). Par
conséquent, cette méthode est la plus couramment utilisée (Blackburn &Waldock 1995, Ding &Fann 2000, Yuan et al. 2004). Lors de l’analyse par détection par spectromètre de masse, il peut y avoir des ruptures des liaisons chimiques au sein de l'ion moléculaire, formant ainsi des ions fragments caractéristiques. En effet, cette dissociation éventuelle ne se fait pas au hasard mais selon des mécanismes bien déterminés. Ces ions fragments sont ensuite séparés en fonction de leur rapport masse/charge (m/z) par l'application d'un champ magnétique et/ou électrique, puis collectés par un détecteur. L'ensemble de ces ions fragments constitue le spectre de masse dont la lecture permet l'identification de la structure moléculaire. Le Tableau 52 regroupe les masses caractéristiques des principaux phtalates et alkylphénols étudiés par GC/MS dans la littérature. Il est intéressant de noter que si les alkylphénols éthoxylés (NPnEO) peuvent être analysés par GC/MS, après dérivation, il en est tout autrement concernant les alkylphénols carboxylés (NPnEC). En effet, ces derniers seront analysés par chromatographie liquide. Tableau 52 : Masses caractéristiques des principaux phtalates et alkylphénols Composé Masses caractéristiques DMP 133 – 149 – 163 DEP 149 – 177 – 222 DnBP 104 – 149 – 205 – 223 – 278 BBP 91 – 149 – 206 – 238 – 312 DEHP 149 – 167 – 279 – 390 DnOP 149 – 279 4 NP 107 – 135 – 149 – 191 – 220 OP 107 – 135 – 220 NP1EO 107 – 179 – 193 – 235 – 264 NP2EO 107 – 223 – 237 – 251 – 279 – 308
Plusieurs caractéristiques importantes sont à prendre en compte lors de l’optimisation de la méthode d’analyse par chromatographie en phase gazeuse. La première est le type de colonne utilisée lors de la séparation des composés. Les phtalates et les alkylphénols sont des composés peu polaires. Le choix sera donc porté vers une colonne apolaire du type DB 5MS (J&W), ZB 5MS (Zebron) ou RTX 5MS (Restek) dont les caractéristiques sont synthétisées en Tableau 53 (Calafat et al. 2004, Del Carlo et al. 2008, Guo et al. 2010). Cependant, d’autres colonnes sont utilisées dans la littérature où la principale caractéristique qui varie est la longueur de la colonne (Dargnat et al. 2009, Sanchez Avila et al. 2009).
Le mode d’injection de l’échantillon sera un autre paramètre important à choisir lors de l’optimisation de la méthode. Plusieurs modes d’injections sont à disposition tels que les modes split, splitless ou encore plused splitless (Del Carlo et al. 2008, Fromme et al. 2002, Sanchez Avila et al.
2009). En mode split (injection avec division), l’échantillon est vaporisé, mélangé avec le gaz vecteur et divisé en deux parties dont seulement la plus petite est envoyée en tête de colonne. Ce mode d’injection est privilégié lors de l’analyse de composés fortement concentrés et nécessite une température d’injection élevée. Le deuxième mode d’injection, le splitless (injection sans division) vaporise et mélange l’échantillon, avec le gaz vecteur, mais, contrairement au mode split, ne divise pas l’échantillon. De plus, l’échantillon reste quelques secondes dans le liner avant d’être transféré dans la colonne. Il est important de noter que cette méthode permet la concentration de l’échantillon en tête de colonne et a pour objectif d’analyser les composés volatils (ou semi volatils) à l’état de trace.
Tableau 53 : Principales colonnes utilisées en GC MS
Nom de la colonne Fabricant Caractéristiques Référence bibliographique
DB 5MS J&W 30 m x 0,25 mm, 0,25 µm (Guo et al. 2010)
ZB 5MS Zebron 30 m x 0,25 mm, 0,25 µm (Calafat et al. 2004)
TTX 5MS Restech 30 m x 0,25 mm, 0,25 µm (Del Carlo et al. 2008)
HP 5MS HP 15 m x 0,25 mm, 0,25 µm (Sanchez Avila et al. 2009)
HT8 SGE 50 m x 0,22 mm, 0,25 µm (Dargnat et al. 2009)
Dans le cas de l’analyse des phtalates et des alkylphénols, le mode splitless sera donc le mode privilégié (Ballesteros et al. 2006, Calafat et al. 2004, Del Carlo et al. 2008, Guo et al. 2010, Vikelsoe et al. 2002). Ces dernières années, une méthode dérivée de l’injection sans division a été élaborée. Il s’agit du mode pulsed splitless, similaire au mode splitless à l’exception de l’ajout d’une pression accrue au niveau du liner en début d’analyse. L’avantage de cette modification est de maximiser l’introduction de l’échantillon dans la colonne et ainsi éviter les pertes (Del Carlo et al. 2008, Fromme et al. 2002, Sanchez Avila et al. 2009). Cependant, le mode splitless est un mode d’injection très sensible, difficile à optimiser et qui peut être réalisé par deux techniques différentes. La première technique est le piégeage à froid. Elle permet de réduire la migration des constituants possédant des températures d’ébullition élevées sur la colonne. Les produits se déposeront en tête de colonne pendant la période de transfert et seront ensuite analysés pendant la montée en température du four (Grob &Grob 1985). Une différence de température d’environ 60°C entre la température de la colonne pendant l’injection et la température d’élution du premier pic intéressant doit être respectée. En cas contraire, un effet d’étalement de pic est constaté sur le chromatogramme (Fankhauser Noti &Grob 2007, Grob &Grob 1985). Tableau 54 : Températures d'ébulition des principaux solvants utilisés dans l'analyse des phtalates et des alkylphénols en GC MS (à pression atmosphérique) Solvant Température d’ébullition (°C) Acétate d’éthyle 77,0 Toluène 110,6 Méthanol 64,7 Dichlorométhane 39,75 D’après The Merck Index, 14th edition, 2006 La deuxième technique est l’effet solvant. Cette technique a pour but de condenser le solvant en tête de colonne en fixant la température du four 20 à 30°C en dessous de la température d’ébullition du solvant (Grob &Grob 1985). Ce solvant joue le rôle de phase stationnaire vis à vis des différents constituants de l’échantillon. A titre d’exemple, les températures d’ébullition des principaux solvants
utilisés dans l’analyse des phtalates et des alkylphénols seront données en Tableau 54. La présence de solvant condensé dans la colonne peut durer de quelques secondes à quelques minutes en fonction des divers facteurs (temps de purge, température d’ébullition du solvant, pression en tête de colonne…). Le temps de splitless se situe généralement entre 30 et 90 secondes (Fromme et al. 2002, Grob &Grob 1985, Sanchez Avila et al. 2009). Enfin, le temps d’activation de la purge doit être judicieusement choisi. Si ce temps est trop grand, les pics proches du pic du solvant seront masqués dans la traînée du solvant. En revanche, si ce temps est trop court, la sensibilité sera trop faible et la discrimination des pics sera accrue (Grob &Grob 1985).
5.2. Analyse par chromatographie en phase liquide (LC).
Selon la littérature, la chromatographie en phase liquide peut également être utilisée comme méthode de séparation pour le dosage des phtalates et des alkylphénols. La chromatographie haute performance (HPLC) en phase normale ne peut être appliquée qu’à l’étude des NP et NPnEO, parmi
les différents composés des alkylphénols. A contrario, la HPLC en phase inverse permet l’étude et l’analyse des NP, NPnEO mais également des OP. Il est constaté une élution plus rapide de l’OP que
du NP. Enfin, pour l’étude des AP en HPLC, l’étape de dérivation n’est pas nécessaire (Lee et al. 1997). La chromatographie liquide ultra performance (UPLC), introduite dans le domaine de l’analyse depuis 2004, permet un dosage plus efficace que la HPLC en améliorant la résolution chromatographique, la vitesse d’analyse et la sensibilité de la méthode (Société WATERS). Pour l’analyse des NP et OP, l’ionisation par EI est plus sensible que la méthode d’ionisation chimique (APCI) à pression atmosphérique (Schmitz Alonzo et al. 2003). Cette meilleure sensibilité s’explique par un bruit de fond beaucoup moins important en EI qu’en APCI. Enfin, la HPLC en couplage MS/MS en tandem est possible et, d’après Loyo Rosales et al. (2007), la LD obtenue est comparable à celle obtenue en HPLC simple MS, mais avec une sélectivité supérieure.
5.2.1. Détection par spectromètre de masse (MSD).
La détection des alkylphénols et des phtalates par spectrophotomètre de masse, utilisant une ionisation par électrospray (ESI) est une technique couramment utilisée du fait de son très large champ d’application. D’après Ferguson et al. (2001a), la HPLC ESI MS permet d’étudier les NP à partir de matrices complexes (sédiments et eaux de rejets) avec une bonne sensibilité, sélectivité et précision. Pour l’analyse des NP et des OP, l’ionisation par électrospray est plus sensible que la méthode d’ionisation chimique à pression atmosphérique (APCI) (Schmitz Alonzo et al. 2003). Cette meilleure sensibilité s’explique par un bruit de fond beaucoup moins important en ESI qu’en APCI. Enfin, en couplage MS/MS, la HPLC permet d’obtenir des limites de détection (LD) comparables au couplage HPLC et simple MS, cependant la sélectivité est meilleure (Loyo Rosales et al. 2003). Il est important de noter que les masses caractéristiques utilisées en dosage SIM en GC/MS correspondent aux transitions utilisées en HPLC (Tableau 52). 5.2.2. Détection par fluorescence et UV Pour les alkylphénols, la présence du groupe phénol permet d’utiliser la détection par fluorescence, la détection par UV ainsi que la détection par barrette de diodes. Ces deux derniers détecteurs ne sont toutefois plus utilisés pour l’analyse des AP (Lee et al. 1997). L’analyse des AP à partir de matrices environnementales peut être réalisée par HPLC couplée à un détecteur par fluorescence (Ahel et al. 1994a, Ahel et al. 1994b, Fremmersvik &Hansen 2003, Marcomini et al. 1993). Pour ce mode de détection, la longueur d’onde d’excitation est fixée à 230 nm et la longueur d’onde d’émission à 300 nm. Ce type de détecteur permet d’obtenir des LD comprises entre 1 et 40 ng/g de PS pour les boues (Schmitz Alonzo et al. 2003).
Conclusion
L’inventaire des différentes méthodes d’extraction a permis de mettre en évidence un panel très élargi de techniques permettant l’extraction des phtalates et des alkylphénols des matrices solides et liquides. D’autre part, il apparaît que l’extraction sur phase solide (SPE) est la méthode d’extraction la plus adaptée pour l’extraction de ces composés des phases dissoutes des matrices environnementales. Cependant, il apparaît important de combiner l’extraction de la phase dissoute par l’extraction des composés présents sur la phase particulaire (matières en suspension) des échantillons (Vignati et al. 2009).
L’inventaire des différentes méthodes de préparation des échantillons et d’analyse des phtalates et des alkylphénols pour différents types de matrices (eau, sol, sédiment), à partir de la littérature scientifique, nous a permis de mettre en évidence que la GC/MS et la LC/MS étaient les deux méthodes les plus adaptées et les plus couramment utilisés pour l’analyse de ces composés.
Du point de vue analytique, et même si les phtalates et les alkylphénols sont analysés depuis plusieurs dizaines d’années, les méthodes proposées ne sont pas toujours adaptées aux matrices réelles complexes telles que les eaux résiduaires urbaines. Ainsi, plusieurs équipes continuent de quantifier par étalonnage externe. D’autre part, certains travaux ne s’intéressent qu’à la fraction dissoute, alors que plusieurs composés, notamment le DEHP, le BBP et le NP sont majoritairement particulaire.
La première partie des travaux réalisés au sein du Laboratoire Central de la Préfecture de Police (LCPP) a donc consisté à mettre en place une méthode d’analyse par GC/MS et par étalonnage interne des PAE et des AP, appliquée aux phases dissoutes et particulaires des eaux usées.