• Aucun résultat trouvé

La stabilité de la double hélice d’ADN met en jeu les propriétés intrinsèques des groupements et des liaisons qui la composent. La conformation tridimensionnelle de cette molécule joue un rôle fondamental : elle découle en partie de ces propriétés, mais dépend fortement de facteurs physico-chimiques environnementaux (température, composition du solvant) (Naimushin et al., 2000).

Figure II-3 Structure moléculaire d'une région d'ADN double-brin illustrant l’agencement des nucléotides formés par une base azotée (en couleur), un sucre à 5 carbones (en gris), et un groupement phosphate (sphère marron). A gauche : le squelette sucre - phosphate de chaque brin de l'ADN (représenté par deux flèches grises) est agencé de manière antiparallèle (alignement des extrémités 3’OH et 5’OPO3-). A droite : deux liaisons

hydrogènes relient les bases T et A, trois liaisons hydrogènes relient G à C. Les groupements phosphate exposent leur charge négative vers l’extérieur de la double hélice © 2013 Nature Education

2.1.1 Squelette sucre-phosphate

La nature de la liaison phosphodiester 3’–5’ conditionne à elle seule la dépolymérisation des acides nucléiques (Eglinton et al., 1991). Formée par un groupe de liaisons covalentes

100 fortes, sa rupture in vivo (cf. réparation de l’ADN) ou post mortem est essentiellement catalysée par des enzymes.

L’absence du groupement OH libre très réactif en 2’ du pentose est un facteur primordial de stabilité de l’ADN vis-à-vis des dommages hydrolytiques. En effet, ce groupement OH se comporte comme un nucléophile vis-à-vis du phosphate impliqué dans la liaison phosphodiester dans l’ARN (Williams, 2004). En milieu alcalin, l’hydrolyse alcaline de la liaison phosphodiester des ARN est rapidement réalisée au profit de la cyclisation du nucléoside ainsi libéré (2’-3’-phosphonucléoside cyclique) (Williams, 2004). Une autre conséquence de cette caractéristique sera la bonne stabilité de l’ADN en milieu alcalin (Lindahl et Nyberg, 1972) (ex. tampon Tris-EDTA, utilisé en routine pour la conservation de l’ADN, ajusté à pH8).

2.1.2 Bases azotées

La conformation tridimensionnelle de l’ADN double-brin est guidée par les liaisons hydrogènes entre les bases complémentaires (∼1 kcal/mol soit ~4,18 kJ/mol). La dénaturation de l’ADN est ainsi favorisée dans un solvant peu polaire (ex.: éthanol) (Voet et Voet, 2005). Un ADN riche en bases G et C, impliquées dans trois liaisons hydrogènes, sera moins susceptible d’être dénaturé.

L’ADN simple-brin possède une certaine stabilité liée aux forces d’empilement (Chen et

al., 2007). Ces interactions π-π entre les cycles aromatiques des bases empilées adjacentes joueraient un rôle plus important que les liaisons hydrogènes dans la stabilité de l’ADN (Mills et Hagerman, 2004). Il a été observé un empilement spontané des bases en solution (Voet et Voet, 2005). Ces interactions incluent des forces de dispersion de London, des attractions dipôle-dipôle, des effets hydrophobes et des interactions électrostatiques (Acharaya, 2006; Chen et al., 2007).

Les brins complémentaires de l’ADN ont tendance à s’apparier spontanément sous forme de double-hélice, configuration plus stable que l’ADN simple-brin. L’ADN simple-brin est bien moins résistant à la dégradation que l’ADN double-brin, notamment en offrant une meilleure protection des bases vis-à-vis des dommages hydrolytiques (Lindahl, 1993). L’ADN extrait de substrats anciens est classiquement retrouvé sous forme double-brin, comme un substrat d’ADN natif (Orlando et Hänni, 2000). Les bases de l’ADN ancien

101 (ADNa) seront cependant sujettes à des modifications chimiques voire à des excisions (voir Chapitre II.B2).

2.1.3 Histones et autres protéines

La structure tertiaire correspond aux surenroulements de l’ADN nucléaire, que l’on retrouve in vivo, induits par l’action des topoisomérases, qui permettent le conditionnement du génome nucléaire (trois milliards de pb) dans un volume nucléaire moyen de 100-120 µm3.

Dans les cellules eucaryotes, l’ADN nucléaire est protégé et condensé à l’intérieur du noyau par son association avec de nombreuses protéines. Ces particules nucléoprotéiques constituent le premier degré de compaction de la chromatine, illustrée sur la Figure II-4. Les nucléosomes sont ainsi formés par un complexe de huit histones, petites protéines basiques en raison des fonctions amine portées par les résidus arginine et lysine, dont les charges positives interagissent avec les charges négatives des phosphates de l’ADN, sur une longueur de 147 pb au niveau du cœur du nucléosome. La région de liaison entre deux nucléosomes s’étend quant à elle sur environ 50 pb.

Figure II-4 En haut. Représentation schématique de l’enroulement de l'ADN nucléaire autour du nucléosome (d’après Pedersen et al., 2014). En bas. Effet d'une digestion DNasique d'un fragment de chromatine au niveau des sites internucléosomiques (pointés par des flèches) © Creative Commons

La fragmentation apoptotique de l’ADN nucléaire génère des fragments de 180 pb (ou multiples de 180 pb) en raison de la sensibilité accrue de l’ADN internucléosomique à la

102 digestion enzymatique (Bortner et al., 1995). Les histones pourraient donc jouer un rôle non négligeable dans la préservation de l’ADN nucléaire en limitant l’action des endonucléases endogènes qui clivent les molécules d’ADN lors de la mort cellulaire.

Les fragments d’ADN extraits de restes squelettiques anciens ont cependant habituellement une longueur nettement inférieure à 150 pb, avec une moyenne qui se situe autour de 50 à 80 pb (Dabney et al., 2013; García-Garcerà et al., 2011 ; Perdersen et al., 2013). Cependant, l’empreinte du nucléosome a pu être mise en évidence sur des molécules d’ADN ancien (Pedersen et al., 2014). En effet, les régions (autrefois) occupées par le nucléosome sont mieux préservées, ce qui permet un plus grand nombre de lecture de ces séquences, en comparaison avec l’ADN internucléosomique. De plus, selon la même étude, la fragmentation du génome nucléaire ancien étudié révèle un motif périodique de 10 pb, ce qui correspond à un tour de spire de la double-hélice. Ceci pourrait être le reflet du clivage préférentiel dans les zones où l’ADN qui n’est plus protégé par le nucléosome (voir Figure II- 4)

L’ADN mitochondrial fait également partie d’un système nucléoprotéique, même si les protéines impliquées dans la stabilité/protection de l’ADN restent mal connues.

L’ADN ancien, qu’il soit nucléaire ou mitochondrial, est donc susceptible d’être associé à des protéines à plus ou moins long terme, voire au moment de son extraction

Documents relatifs