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De façon générale, cette étape doit permettre la solubilisation de l’ADN dans le tampon d’extraction. Pour cela, les méthodes actuelles reposent sur deux processus principaux : la décalcification et la protéolyse. Ces deux processus peuvent être réalisés simultanément ou successivement. D’autres principes adjuvants permettent d’optimiser la libération de l’ADN à partir de complexes de nature protéique ou non.

2.2.1 EDTA

A l’exception du recueil direct de la pulpe dentaire après section de la dent (Calvo et al., 2001), la décalcification de l’échantillon est classiquement réalisée de façon partielle ou totale à l’aide d’EDTA (acide ethylène diamine tétraacétique). L’EDTA (voir Figure II-9) est un agent chélatant fort qui lie les cations métalliques divalents sous sa forme de base conjuguée.

Figure II-9 Formule chimique de l'acide éthylène diamine

tétraacétique (EDTA) sous sa forme acide

128 Tampon sans agent chélatant

Sur la base d’une interaction possible de l’ADN à l’hydroxyapatite par l’intermédiaire des groupements PO2- de l’ADN, deux études comparées de l’effet d’un tampon phosphate, par rapport à l’EDTA, ont été réalisées : un tampon composé par 30 mM de phosphate (dans tampon PCR) (Tuross, 1994) ou contenant du phosphate de sodium 0,5M (à pH6,8 à 60°C pendant 24h) (Herrmann et Hummel, 1994). L’utilisation d’un tampon sans agent chélatant se revèle moins efficace dans ces cas.

Dans le chapitre III (section C3.3), nous avons pu mettre en évidence l’effet positif des ions phosphates sur la désorption de l’ADN adsorbée à l’apatite. De la même façon, un tampon phosphate est classiquement utilisé pour éluer l’ADN adsorbée sur une colonne d’hydroxyapatite dans les techniques de purification par chromatographie (Bernardi, 1965; Main et al., 1959; Yu et al., 2008). Cependant, notre substrat minéral présente des caractéristiques plus simples et plus homogènes, qui ne peuvent reproduire à l’identique l’environnement diagénétique de l’ADN dans les substrats squelettiques. Les différences significatives sont notamment :

l’absence de collagène associé à la phase minérale,

la présentation du minéral apatitique sous forme de poudre fine (granulométrie comprise entre 100 et 200 µm), ce qui en augmente la surface spécifique,

une quantité d’ADN adsorbée bien supérieure à la quantité d’ADN ancien,

une taille de fragment d’ADN moderne bien supérieure, estimée entre 300 et 1000 pb. Déminéralisation partielle ou totale

Une déminéralisation totale à l’EDTA (Amory et al., 2012; Loreille et al., 2007) pourrait permettre d’obtenir de meilleurs résultats qu’une déminéralisation partielle, en favorisant la libération d’un plus grand nombre de copies du génome. Cette méthode s’est révélée efficace pour l’obtention d’un profil génétique partiel, alors que la méthode conventionnelle s’avérait pratiquement inefficace. Pour l’ADNmt, le rendement quantitatif serait augmenté par un facteur de 2,5 à 1000. Par conséquent, une moindre quantité d’échantillon pourrait être initialement utilisée.

La déminéralisation partielle est généralement pratiquée. Toutefois, il apparaît clairement qu’elle ne procède pas à la désorganisation cristalline totale, comme l’atteste le spectre infrarouge d’un culot de lysat d’os obtenu après extraction et centrifugation, effectué dans le cadre de ce travail de thèse. Les bandes typiques des phosphates apatitiques (ν3ν1(PO4),

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ν4(PO4), ν(HPO4)) voire des carbonates (ν2(CO3)) sont clairement identifiable sur la Figure II-10). Des bandes additionnelles dans le domaine d’absorption 1750-1250 cm-1 sont attribuables à l’EDTA.

Figure II-10 Spectre infrarouge (2300-200 cm-1) d’un résidu osseux après lyse (tampon d'extraction : EDTA 0,5M, DTT 1M, protéinase K 20 mg/mL) (trait plein), et de l'EDTA utilisé dans ce même protocole (trait pointillé)

De façon plus ancienne, certains auteurs (Geigl 2002) ont avancé l’effet négatif d’une solubilisation de l’ADN par l’EDTA, sur le rendement d’extraction, parfois sur la base de l’interaction potentielle ADN-apatite, qui permettrait la conservation de l’ADN sous une forme « géologique », insoluble, échappant à la chimie des solutions (Geigl, 2002). Cependant, les moindres résultats obtenus en cas de décalcification impliquaient une élimination du surnageant, et donc d’une partie de l’ADN potentiellement associé au minéral, avant de procéder à la digestion protéique. De plus, l’absence de solubilisation préalable au typage de l’ADN ancien impose une limitation méthodologique difficile à contourner

.

Remarque : Effet d’un autre agent chélatant (EGTA)

Une étude récente (Kemp et al., 2014) a montré que l’utilisation de l’EGTA (éthylène glycol de l'acide tétra-acétique) pouvait remplacer l’EDTA, en raison de ses propriétés

130 chélatantes particulières. Contrairement à l’EDTA, l’EGTA a une affinité plus grande pour les ions Ca2+ que pour les ions Mg2+, ce qui pourrait permettre une meilleure décalcification. Cependant, la digestion à la protéinase K apparait moins efficace en présence d’EGTA. L’observation des lysats purifiés montre par ailleurs une moindre coloration des extraits, ce qui serait en faveur d’une moindre co-extraction d’inhibiteurs. L’ensemble de ces éléments sont susceptibles d’expliquer les meilleurs résultats d’amplification sur extraits non dilués obtenus après décalcification totale à l’EGTA plutôt qu’à l’EDTA. Cette augmentation de l’efficacité n’est pas observée après dilutions des extraits.

2.2.2 Protéolyse

L’action de la protéinase K (endopeptidase) à forte concentration (au moins 20 mg/mL) agit seule sur la dégradation des protéines éventuellement liées à l’ADN (ex. histones) et du collagène. Eventuellement, l’ajout d’un détergent (SDS ou sodium dodecyl sulfate) ou de dithiothreitol (DTT) permet d’optimiser cette étape, notamment pour des échantillons qui contiennent encore une fraction protéique importante. Le DTT est un agent réducteur qui clive les ponts disulfures au niveau des résidus cystéine, et vient potentialiser les effets de la protéinase K (proK) en détruisant la structure tertiaire de certaines protéines (Barnett et Larson, 2012).

Etant donnée la grande variabilité de la concentration de protéinase K (entre 0,25 et 100 mg/mL) parmi les protocoles cités dans le Tableau II-4, il est vraisemblable que ce paramètre ne joue pas un rôle significatif dans les rendements d’extraction.

2.2.3 Additifs

Les détergents et autres adjuvants ont un intérêt plus discuté, mais peuvent, selon des cas précis, apporter des améliorations. L’utilisation routinière de détergents qui solubilisent les lipides et dénaturent les protéines (SDS, Triton-X100, lauryl-sarcosinate), initialement retrouvée dans les protocoles pour l’ADN moderne afin de détruire protéines et membranes cellulaires, tend à disparaître pour les échantillons anciens. Ces agents semblent avoir peu d’impact sur la qualité d’extraction d’ADN à partir d’os ou de dents, quelle que soit la nature des échantillons (Rohland et Hofreiter, 2007b). Si la persistance de membrane cellulaire semble peu probable dans un contexte archéologique, l’ajout de détergent peut s’avérer utile en présence de spécimens récents (médico-légaux), ou conservés dans des environnements

131 très favorables à la conservation, comme le permafrost, pour lesquels la matière organique d’origine protéique ou lipidique est encore présente en grande quantité.

Tableau II-4 Exemples de composition du tampon d'extraction utilisés dans des études de l'ADN ancien à partir d'os ou de dents réduits en poudre

Réf. EDTA (M) DTT (mM) Détergents SDS, Triton-X GuSCN (M) Sodium acétate (M) PTB (mM) NaCl (mM) ProK (mg/mL) Amory, 2007 0,5 2% 0.3 (1)* 1 Rohland et Hofreiter, 2007a 0,45 (50)* (1%)* 0,25 Anderung et al., 2008 0,5 0,5% 100 Lacan, 2011 0,5 1.103 20 Barnett et Larson, 2012 1 500 10%w/v 2,5 25 Hofreiter, 2012 20.10-3 50 1,3% 5 25 Kemp et Smith, 2005 0,5 EDTA/EGTA 30

* amélioration du protocole pour certains types d’échantillons

D’autres additifs peuvent être utilisés, comme l’acétate de sodium qui a un effet stabilisateur sur l’ADN double-brin en agissant en tant que contre-ions (Sambrook et Russell, 2001), et le PTB (N-phenacylthiazone bromide) pour aider à la libération des fragments d’ADN piégés au sein de crosslinks ADN-protéine (Amory, 2007; Barnett et Larson, 2012). Les solutions Tris-HCl et Tris base permettent la stabilisation du pH pour augmenter la stabilité de l’ADN, notamment à pH8.

Le protocole qui inclue un sel chaotropique15, l’isothiocyanate de guanidinium (GuSCN), est destiné à l’extraction non destructive d’ADN ancien (Hofreiter, 2012). L’incubation dans le tampon d’extraction dure 5-7 jours, en présence d’une concentration faible d’EDTA, afin de ne pas endommager les spécimens. La présence à ce stade de GuSCN permet de procéder à la purification du bain entier sur colonne de silice (le rôle des agents chaotropiques est détaillé dans la section 3.2.3).

15 Un sel chaotropique est un agent qui, en solution, peut rompre le réseau de liaisons hydrogène entre les

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3 Purification

Une fois l’ADN libéré de la matrice osseuse ou dentaire, la purification des acides nucléiques s’effectue selon deux méthodes, à partir du surnageant obtenu après centrifugation du lysat. La méthode conventionnelle utilise l’extraction au phénol-chloroforme, suivie d’une étape de concentration. Actuellement, cette méthode est peu à peu remplacée par la mise en œuvre de colonnes de purification à base de silice (Anderung et al., 2008; Kemp et al., 2014; Kitayama et al., 2010; Lee et al., 2010). La première méthode procède à l’élimination des substances indésirables tout en laissant l’ADN en solution, tandis que la deuxième se base sur la fixation de l’ADN sur un support solide, de type silicique, qui ne retient pas les impuretés, ou permet leur relargage spécifique en conditions contrôlées (Gimat et al., 2012).

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