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I. SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE

4. Stabilisation des sols

4.3. Stabilisation chimique

4.3.2. Stabilisation à la chaux

La stabilisation d’un sol aux liants hydrauliques conduit généralement à l’amélioration des caractéristiques mécaniques du sol traité. Dans le cas du traitement à la chaux, la réaction pouzzolanique permet l’obtention de caractéristiques mécaniques intéressantes. Abdo [56], Perret [57] et Locat [58] ont montré que ces caractéristiques augmentent graduellement sur la durée de l’étude (un an).

L’ajout de la chaux entraîne en quelques minutes la floculation des argiles, ce qui améliore la consistance et se traduit par une augmentation de la limite de plasticité accompagnée ou

Page | 38 non d’une augmentation de la limite de liquidité. Le décalage de l’indice de plasticité est lié à la quantité de chaux utilisée. Ces modifications du comportement rhéologique des sols entraînent l’amélioration des propriétés d’usage des argiles traitées.

4.3.2.1. Mécanisme de stabilisation à la chaux

La chaux agit sur le sol traité selon trois mécanismes [59]. La chaux permet :

la saturation de la capacité d’échange cationique. La capacité d’échange cationique des argiles correspond aux échanges :

- des cations inter-foliaires. Ces échanges concernent plus particulièrement les argiles TOT

(smectite, vermiculite …). La substitution des cations inter-foliaires est d’autant plus facile qu’ils ont une charge plus faible et sont de petite taille. Ainsi, on peut classer les cations par ordre croissant de potentiel de remplacement : Na+ < K+ < Mg2+ < Ca2+

Dans le cas des smectites, l’effet immédiat de la substitution du sodium par du calcium est la réduction du potentiel expansif.

- des cations de bordure. Sur les bordures d’un cristal, les charges ne sont plus équilibrées. Il apparaît alors des fonctions Si-OH et Al-OH. Ces fonctions sont déstabilisées en milieu basique et constituent alors une source supplémentaire de sites de fixation pour l’ion calcium. La présence de matières organiques contribue à augmenter la capacité de fixation du calcium

la floculation/agglomération. Les charges négatives portées en surface des particules d’argile sont à l’origine de l’établissement d’un champ électrostatique autour d’elles. Ce champ permet le développement de la double couche d’eau entourant les argiles (eau libre et eau liée). L’ajout de chaux modifie la charge superficielle des argiles et donc la structure de la double couche dont l’extension diminue. De plus, il y a formation de ponts de calcium entre les particules d’argiles. Les flocs ainsi formés sont insensibles au lavage. La floculation améliore la consistance des argiles (limite de plasticité).

la liaison des particules argileuses. En milieu basique et saturé en ion calcium, les

argiles sont attaquées. Elles libèrent de l’alumine et de la silice qui réagissent avec le calcium

pour former des hydrates calciques similaires à ceux des ciments. Ces hydrates tapissent la surface des particules du sol.

Kaolinite + Chaux C-S-H + C-A-H Equation I. 5

Smectite + Chaux C-A-H Equation I. 6

Les C-S-H* formés à partir de la kaolinite correspondent à des hydrates de type mono calcique et dicalcique [60]. D’autres auteurs utilisent les termes de C-S-H (I) et C-S-H (II) correspondant à des températures de déshydratation différentes.

Les C-A-H* formés à partir des smectites sont des aluminates tri et tétracalciques. Pour la kaolinite, l’aluminate calcique formé est tricalcique [59]. Un dernier composé se formant au cours de la réaction pouzzolanique est signalé, il s’agit de C-S-A-H [61].

La réaction de la chaux sur les argiles permet donc la consommation des argiles et la formation de nouveaux minéraux aux propriétés liantes. Un test basé sur la mesure du pH permet d’évaluer la teneur en chaux nécessaire pour que ces réactions puissent survenir. Le

Page | 39 seuil de pH est fixé à 12,4. La quantité de chaux permettant d’obtenir cette valeur de pH est connue sous le nom de « lime fixation point » [62,63]. Cette observation a été faite aussi par Derriche [64] sur des smectites : l’addition de 8% de chaux permet d’acquérir une résistance mécanique importante de 9 MPa, elle ne serait que de 1 MPa avec 4% de chaux (rupture à 45 j). Cette différence de résistance mécanique se traduit par une nouvelle minéralogie, à savoir l’apparition de C-S-H. L’augmentation des caractéristiques mécaniques résultant de la formation de ces hydrates est progressive. Ainsi, après 28 jours de cure, seulement 1/3 des valeurs de propriétés mécaniques escomptables à 1 an sont déjà acquises [65].

Une quatrième réaction peut avoir lieu avec la chaux. Il s’agit de la formation de calcite au contact de CO2. Dans le cas du traitement des sols argileux, les cristaux de calcite ainsi formés ont une propriété liante très médiocre et perturbent la stabilisation car leur développement inhibe la réaction pouzzolanique. Cette carbonatation est par contre recherchée lors de la stabilisation de matériaux calcaires tels que la craie. Les cristaux de calcite obturent alors la porosité de ces matériaux. Ils peuvent ainsi former une sorte de ciment.

La nature des hydrates formés au cours de la réaction pouzzolanique dépend de la nature des argiles présentes dans le sol.

4.3.2.2. Efficacité du traitement

L'efficacité de la stabilisation des argiles avec la chaux est difficile à prédire. Le gain en résistance au cisaillement dépend de plusieurs variables : la minéralogie de l'argile, le pH du sol, la présence de sol organique, la capacité d'échange cationique, la taille des particules, la surface spécifique des particules, la quantité d'eau, la concentration en chaux ainsi que le temps de mûrissement [66, 67, 68].

Il n'y a pas de règle stricte mentionnant un optimum donné pour un sol entrant dans une classification donnée. L'ajout de 2% à 3% de chaux provoque immédiatement une diminution de la plasticité de la terre et une destruction des mottes. D’une manière générale les

dosages de 6 à 12% en chaux sont utilisés pour la stabilisation des sols. On notera qu'une

proportion optimale de chaux existe pour chaque type de terre [4].

Pour analyser l’influence de la minéralogie de l'argile sur un BTC traité à la chaux, Toubeau [69] a suivi l'évolution des réactions sol -chaux, d'une part sous un aspect mécanique et d'autre part sous un aspect minéralogique et chimique. Cette étude lui a permis de faire un classement des argiles, du plus favorable au moins favorable : kaolinite, > illite, > smectite.

Akpokodje (1985) [70] a étudié la stabilisation des sols des zones arides d'Australie (des loam) en utilisant de la chaux. Le loam est une classe texturale de terre parfois utilisée pour fabriquer du torchis et plus généralement il est à la base des constructions en terre crue. Cet auteur a employé dans cette étude un loam sableux (59% de sable, 28% de limon, 13% d'argile), un loam limoneux (15%, 75%, 10%), et un loam argileux (36%, 27%, 37%). Pour le loam argileux et le loam sableux, une teneur en chaux de 2% a donné une résistance à la compression à 7 jours d'environ 0,7 MPa, mais en portant la teneur à 4%, la résistance à la compression obtenue est de l'ordre de 1,2 à 1,3 MPa (Figure I. 25). Cependant, des teneurs en

Page | 40 chaux au-delà de 12% n’ont pas d’effet bénéfique sur la résistance des échantillons. Des résultats similaires sont obtenus par Millogo (2008) [16] (Figure I. 26). D’après Ausroads (1998) [71], des teneurs élevées en chaux ne donnent pas nécessairement des résistances élevées. La Figure I. 27 montre la variation de résistance à la compression en fonction de la teneur en chaux et le temps. Il indique que le gain de résistance précoce (résistance à 7 jours) est faible, alors qu’après 28 jours il est significatif.

Figure I. 25 : Variation de résistance à la compression en fonction de la teneur en chaux pour 3 types de sols en zone aride australienne [69]

Figure I. 26 : Evolution de la résistance à la compression des briques d’adobe en fonction de la teneur en chaux [16]

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Figure I. 27 : La variation de la résistance à la compression en fonction de la teneur en chaux et l’âge [70].