I. SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE
2. La terre, un matériau de construction
2.1. Les argiles
2.1.9. Propriétés des Argiles
Les argiles, ressources majeures des hommes depuis des temps reculés, constitueront certainement des matériaux précieux dans le futur grâce à leur propriétés spécifiques permettant une utilisation en parfaite adéquation avec la préservation et la protection de l’environnement.
Les minéraux argileux se présentent sous forme de cristallites ou de particules de très petites dimensions. De ce fait, ils possèdent une très grande surface de contact. L’étude des propriétés physico – chimiques de ces minéraux argileux comporte donc :
l’étude de leur forme, de leur surface spécifique ; leur capacité d’absorption de l’eau et leur gonflement ; leur capacité d’échange ionique ;
les propriétés mécaniques des systèmes argiles – phase dispersante (eau – argile).
L’argile forme avec l’eau des solutions colloïdales qui floculent lorsque les charges de surface des particules sont neutralisées par des ions. Ce phénomène est réversible : les particules retrouvent l’état dispersé lorsque les ions sont éliminés par rinçage. Les argiles fixent l’eau par adsorption à leur surface et augmentent de volume par gonflement. Elles constituent ainsi une
Page | 22 réserve d’eau [19]. L’eau permet aux feuillets de glisser les uns sur les autres (plasticité), si elle est en excès l'argile est alors trop visqueuse, elle colle et n'est plus malléable, si il n'y a pas assez d'eau, l'argile se rétracte et devient dure. La plasticité et la rétraction sont variables selon le type d'argile.
2.1.9.1. Surface spécifique
La fine taille des argiles leur confère une surface importante par rapport au volume des particules. La surface relative augmente avec la diminution du diamètre. La surface des argiles est supérieure à celles de minéraux de même taille, mais de forme différente. Les propriétés des argiles sont principalement contrôlées par leur surface. Ainsi l’augmentation de la surface
spécifique entraîne la diminution de la densité en charge (σ) favorisant le gonflement. Les
minéraux fibreux sont caractérisés par une grande surface spécifique. Les argiles dont les
particules ont des surfaces spécifiques grandes sont très gonflantes [20]. La surface totale (ou
surfaces spécifiques SS) comprend la surface externe, comprise entre les particules argileuses, et la surface interne, correspondant à l’espace inter-foliaire. Le tableau suivant donne les valeurs des surfaces externes, des surfaces internes et des surfaces totales de quelques minéraux.
Minérale Surface externe Surface interne Surface totale (m2/g)
(m2/g) (m2/g) Smectite 80 600 - 700 700 - 800 Vermiculite 40 - 70 700 760 Chlorite 100 - 175 - 100 - 175 Illite 80 - 120 20 - 55 100 - 175 Kaolinite 10 - 30 0 10 - 30
Tableau I. 3 : Surface spécifique de quelques minéraux [21]
2.1.9.2. L’hydratation des argiles
Les minéraux argileux présentent une grande affinité pour l’eau qui s’exprime d’une part par la quantité d’eau susceptible d’être retenue par une argile et, d’autre part, l’énergie avec laquelle cette eau est liée. Ce phénomène d’ordre capillaire est naturellement très important pour l’ensemble des matériaux argileux en raison de leur granulométrie excessivement fine. La présence de charges à la surface des feuillets est un paramètre supplémentaire qui contribue à accentuer les interactions argile - eau.
Pendant l’hydratation d’une montmorillonite initialement sèche, l'espace inter-foliaire va augmenter et l'écartement des feuillets d'argile sera d'autant plus faible que le rayon ionique
hydraté du cation compensateur sera petit : il s’agit d’un gonflement intra-cristallin. Dans le
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Dans le cas d’une montmorillonite-Na il existe aussi un gonflement osmotique qui résulte
de la formation d’une couche diffuse. L'épaisseur de celle-ci, qui dépend de l’ion considéré et des caractéristiques de la solution, peut atteindre 100 nm. La raison du gonflement osmotique
est la différence de concentration entre la solution interne (Na+ dans l'espace inter-feuillet) et
celle externe, avec une concentration inférieure en Na+. Cause de la fixation électrostatique de
Na+, cette différence ne peut être compensée que par une quantité supplémentaire d'eau
entrant dans l'espace inter-feuillet [21].
La propriété commune à tous les phyllosilicates à CEC non nulle est de gonfler, en présence d’eau, pour former des solides hydratés, des gels et/ou des suspensions plus ou moins stables. La pénétration des molécules d'eau dans les espaces inter-foliaires détermine une augmentation du volume, et donc l'apparition d'une pression de gonflement. Il peut y avoir d’une à quatre couches d'eau en fonction de la quantité d’eau entre les feuillets. Les propriétés d’hydratation, de gonflement et de dispersion n’existent que parce que l’énergie de cohésion inter-foliaire est suffisamment faible pour que les molécules d’eau puissent pénétrer entre les feuillets. Mammy (1968) [23] a montré que l’aptitude d’un phyllosilicate à s’hydrater résultait de la concurrence entre :
EA - l’énergie d’attraction des molécules d’eau (la somme des interactions eau-cations, eau-eau
et eau-feuillets) et
EC - l’énergie de cohésion inter-feuillets (qui dépend des cations inter-foliaires, de l’origine de
lacharge du feuillet et du mode d’empilement des feuillets).
On peut donc expliquer l’existence de divers modes de gonflement sur une base énergétique :
- Lorsque la cohésion reste élevée, l’hydratation est limitée à quelques couches d’eau. Le cas
typique est la montmorillonite-Ca, pour laquelle EC > EA dès l’adsorption de la deuxième
couche d’eau.
Lorsque la cohésion inter-feuillets devient très faible, on a toujours EA > EC et le nombre de couches d’eau insérées peut devenir très élevé, conduisant, comme dans le cas de la montmorillonite - Na, à la dispersion des feuillets [21].
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Figure I. 16 : Représentation schématique de la structure d’une montmorillonite (Grim, 1968) [24]
L’eau peut être présente dans l’argile de différentes façons, de la plus stable à la moins stable (Tableau I. 4)
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Eau de constitution Il faut chauffer à haute température pour casser les liaisons chimiques. C’est un processus endothermique. C’est l’eau liée qui s’en va relativement à basse température,
Eau d’hydratation N’entraînant pas une destruction de la structure de la smectite gonflante, mais une variation de dimension de la maille de la smectite. On parle aussi d’ « eau zéolitique ». C’est un processus endothermique
Eau absorbée C’est l’eau hygroscopique qui se fixe dans les premières couches autour des
feuillets d’argile. La chaleur d’absorption est de l’ordre de 2650 kJ/kgeau
Eau d’interposition C’est l’eau qui reste entre les particules quand il n’y a plus de retrait. Elle part dans la deuxième partie du séchage. Elle est en équilibre avec l’humidité de l’air extérieur
Eau libre On la trouve dans les barbotines, au-delà de la limite de liquidité.
Tableau I. 4 : Les Différents types d’eaux dans les argiles [25]
2.19.3. Espaces inter – foliaires et capacité d’échange ionique
On appelle espace inter-foliaire ou inter-feuillet, l’espace qui existe entre deux feuillets (Figure I. 17). Dans les argiles, ces espaces peuvent être occupés ou non. L’accès des molécules d’eau aux espaces inter-foliaires entraîne une augmentation du volume c’est-à-dire un gonflement du matériau. Les interfeuillets sont vides lorsque les différents feuillets sont neutres et liés entre eux par des liaisons hydrogène dans le cas des espèces 1:1, ou par des liaisons de van der Waals dans le cas des minéraux de type 2:1 tels que le talc ou la pyrophyllite [26].
Les interfeuillets sont occupés par des cations dès que les feuillets de l’édifice présentent un déficit de charge à la suite des substitutions isomorphiques. Ces cations rétablissent l’électroneutralité du système et en même temps assurent la liaison entre les feuillets adjacents, qui est de nature ionique. Ces cations peuvent être soit «secs» soit hydratés. Les cations les plus fréquents sont Ca2+, Mg2+, K+, Na+, Li+.
Dans les phyllosilicates non expansibles, la charge est compensée par du potassium, et les feuillets d’illite constituent un exemple de ce type d’arrangement. La cohésion des feuillets est telle que l’échange du cation compensateur par d’autres cations ne peut se réaliser dans les conditions naturelles. Nous avons affaire à des minéraux à espace interfoliaire anhydre et présentant des espacements constants, voisins de l’épaisseur du feuillet (~10Å).
Dans le cas des phyllosilicates expansibles, les cations compensateurs sont hydratés et la présence d’un film d’eau entre les feuillets concourt à leur écartement. La propriété essentielle de ces minéraux est de se disperser au contact de l’eau pour former des suspensions plus ou moins stables. Les cations interfoliaires sont en général échangeables par des cations organiques ou minéraux, se trouvant dans des solutions mises au contact du phyllosilicate.
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Figure I. 17 : Feuillet et espace interfoliaire d’une kaolinite
Les phyllosilicates sont caractérisés par leur aptitude à échanger des cations. Cette possibilité d’échange de cations est appelée « Capacité d’Echange Cationique » et est notée CEC. On définit la Capacité d’Echange Cationique comme la capacité d’un constituant solide à adsorber des cations dissous et à en libérer une quantité équivalente dans le milieu [27]. Autrement dit, la CEC est le nombre de cations monovalents (équivalents chimiques) qu’il est possible de substituer aux cations compensateurs pour combler la charge électrique de 100g de minéral calciné.
Dans les argiles, il y a deux causes principales d’existence d’une capacité d’échange cationique, l’une interne et l’autre externe :
La présence de substitutions isomorphiques (CEC interne) : La plus
fréquente est la substitution de Al3+ par Mg2+ dans la couche octaédrique. C’est le
mécanisme principal d’échange pour une montmorillonite. Pour cette argile [28,29], la distance entre les sites négatifs situés au niveau de la couche octaédrique et le cation échangeable situé à la surface du feuillet est telle que les forces d’attraction sont faibles. Des substitutions de Si par Al dans la couche tétraédrique sont également possibles ;
Les phénomènes de bordure (CEC externe): aux bordures d’un feuillet, les valences
du silicium et de l’oxygène en couche tétraédrique d’une part, de l’aluminium et de
l’oxygène en couche octaédrique, d’autre part, ne sont pas saturées. Pour compenser ces valences, des molécules d’eau s’hydrolysent et il y a apparition de groupes silanol (-Si-OH) ou aluminol (-Al-OH) qui, en fonction du pH, peuvent capter ou libérer des protons. Ces derniers peuvent être échangés avec d’autres cations. Le nombre et la nature des charges de bordure de feuillet seront directement liés au pH.
Page | 27 La capacité d’échange cationique a un rôle important qui évolue avec la densité de sites d’échange, comme dans le cas de la vermiculite. Le
Minéral C.E.C (meq/100g)
vermiculite 100 – 150
Smectite 80 – 150
chlorite 10 – 40
Illite 10 – 40
Kaolinite 5 – 15
Tableau I. 5suivant donne la CEC de quelques minéraux argileux connus.
Minéral C.E.C (meq/100g)
vermiculite 100 – 150
Smectite 80 – 150
chlorite 10 – 40
Illite 10 – 40
Kaolinite 5 – 15
Tableau I. 5 : Surface spécifique de quelques minéraux [30]