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Chapitre IV. Synthèse de couches minces de Ti2AlN par recuit de systèmes

IV.8- Stœchiométrie des couches déposées

Nous n’avons jusqu’à présent dans ce chapitre que très peu discuté la problématique de la stœchiométrie des couches obtenues. Rappelons simplement ici que toute notre étude s’est basée sur les résultats obtenus par EDX lors d’observations réalisées dans un MEB JEOL 5600LV. Comme nous l’avons déjà mentionné, ces résultats sont à considérer avec précaution puisque les conditions opératoires (tension d’accélération de 20kV) sont telles que la poire

137 d’interaction caractéristique des observations au MEB possède ici des dimensions micromé- triques, bien supérieurs à l’épaisseur du film. Ceci signifie donc que le modèle de milieu ef- fectif, utilisé par le logiciel du dispositif EDX, pour calculer les concentrations atomiques s’éloigne très fortement de la réalité. Il ne serait donc pas surprenant que la stœchiométrie réelle des films s’éloigne quelque peu de celle calculée par ce logiciel.

Afin d’évaluer la possible évaporation d’aluminium au cours des recuits aux plus hautes températures, de nouvelles analyses ont été réalisées à l’aide d’un second dispositif EDX plus récent installé sur le MEB FEG du laboratoire. De plus, la tension d’accélération a été réduite à 10 kV afin de limiter la taille de la poire d’interaction et autoriser l’obtention de valeurs des concentrations atomiques plus fiables. Pour chaque échantillon, 4 acquisitions ont été réali- sées en mode balayage sur des zones de dimensions de l’ordre de 8*8 m2 (grandissement ~

10k - 20k), chimiquement homogènes. Chaque spectre a été acquis pendant 120 secondes en configuration de résolution spectrale maximale. Le détecteur en silicium (technologie dite SDD, "Silicon Drift Detector") possède une surface de 50 mm2 et une résolution de 125 eV sur le pic K du manganèse. Les standards utilisés étaient Ti pur (pour le dosage du titane) et AlN (pour l'aluminium et l'azote). Les éléments constitutifs des substrats ont été systémati- quement déconvolués. Concernant le dosage de l'azote en EDX, en raison de l'absorption, de la faiblesse du rendement de fluorescence, et de la superposition des pics N-K et Ti-Ll, la

mesure est entachée d'une erreur estimée à 20%. Le tableau IV.4 résume les stœchiométries ainsi obtenues sur quelques échantillons.

Echantillon traitement thermique Ti Al N

Test1 Après dépôt 2 0.5 0.8

Test 3 Après dépôt 2 1.2 0.8

1h 750°C 2 0.87 0.6

300-20 Après dépôt 2 0.89 0.8

1h 750°C 2 0.85 0.6

Tableau IV.4 : Stœchiométries des multicouches Ti/AlN et Ti+Al/AlN obtenues par EDX directement après dépôt (substrat = Si ou NaCl) et après recuit d’une heure à 750°C (substrat = 4H-SiC).

On observe immédiatement que les résultats ici obtenus dévient fortement de ceux obtenus avec le précédent système d’analyse.

138 Tout d’abord, on constate que le rapport Ti/Al pour l’échantillon test 1 est proche de 4 alors qu’il était supposé être proche de 2 après la première série de quantification par EDX. Ceci permet de mieux comprendre l’évolution en température observée pour cet échantillon (figure IV.3) au cours de laquelle la formation d’une très faible quantité de phase MAX était observée.

Ensuite, on observe que la concentration en azote est relativement élevée. En particulier, rappelons que l’échantillon dénommé « Test 1 » consiste en un système multicouche Ti/AlN. La concentration en azote obtenue pour cet échantillon est supérieure à celle en Al ce qui si- gnifierait en première approche que des couches d’AlN sur-stœchiométriques en azote se- raient obtenues lors du dépôt. Il existe une littérature très abondante sur la synthèse de films minces d’AlN par pulvérisation magnétron. Si la synthèse de films minces sous- stoechiométrique en azote est possible, la formation d’un composé sur-stoechiométrique n’est jamais mentionnée et est a priori impossible. Il convient alors d’admettre que la concentration en azote déterminée par EDX est surévaluée ou qu’il existe une forte incorporation d’azote après le dépôt d’AlN (en raison de la pression partielle d’azote résiduelle). La couche de faible épaisseur apparaissant comme fortement désorganisée lors des observations en MET (voir figure IV-12) pourrait ainsi être sursaturée en azote. On peut également proposer qu’une concentration en azote non négligeable existe dans les couches de Ti ou Ti+Al. Pour confir- mer ces hypothèses, des cartographies chimiques devront être réalisées.

Les échantillons dénommés « Test 3 » et « 300-20 » ont, rappelons-le, permis d’obtenir après recuit à 750°C des films minces essentiellement composés de la phase Ti2AlN. On cons-

tate que pour ces échantillons, le rapport Ti/Al avant recuit est proche de 2 mais également que le rapport Ti/N est supérieur à 2. Ce résultat n’est pas surprenant a posteriori. En effet, plusieurs études ont permis de montrer que le composé Ti2AlN pouvait posséder une concen-

tration en azote bien inférieure à 1 en particulier lors de la formation de couches minces [11,12]. Les couches de Ti2AlN synthétisées au cours de cette étude pourraient donc posséder

une sous-stoechiométrie assez importante en azote. Notons que cette sous-stoechiométrie en azote pourrait également contribuer aux mauvaises propriétés constatées du contact électrique entre nos couches et le substrat de SiC, la résistivité de Ti2AlN pouvant fortement augmenter

avec le taux de lacunes sur le site N [13].

Le tableau IV.4 nous confirme enfin qu’une proportion non négligeable d’Al s’évapore au cours du traitement thermique sous vide. Les mesures réalisées montrent que cette évapora- tion d’Al s’accompagne d’une perte d’azote, phénomène qui n’a jamais été mentionné dans la littérature.

139 Pour conclure cette partie, il convient de mentionner que la stœchiométrie des films minces de phases MAX n’est généralement pas déterminée, principalement en raison de la difficulté à doser les éléments légers comme le carbone et l’azote [8]. De plus, quelques études montrent que l’incorporation d’oxygène dans une phase MAX telle que Ti2AlC est tout à fait possible

pour former des composés Ti2Al(C,O) [14 ,15,16] et une incorporation d’oxygène dans les

films minces au cours des différents recuits réalisés dans notre étude n’est pas à exclure. De manière plus générale, des mesures complémentaires devront être réalisées après cette étude pour mieux déterminer la stœchiométrie des films étudiés et comprendre plus finement cer- tains mécanismes intervenant au cours des recuits.