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1.2 Information quantique avec les spins

1.2.1 Les spins nucléaires

La RMN a joué un rôle clé dès les premières expériences de traitement quantique de l’infor­ mation. Dès 1996, des projets pour réaliser un ordinateur quantique basé sur la résonance ma­ gnétique nucléaire étaient présentés en vue du cinquantième anniversaire de cette spectroscopie [14, 24, 34]. Toutes les correspondances entre la RMN et les critères de DiVincenzo sont reprises dans le tableau 1.2.1.

Avantages des spins nucléaires

Depuis son invention dans les années 40, la RMN est devenue une technique très utilisée no­ tamment pour déterminer la structure microscopique des molécules et des matériaux. L’expérience acquise en RMN est telle que l’on dispose d’un « arsenal » de séquences pour contrôler efficacement les spins nucléaires et il est très facile de générer des séquences d’impulsions variées car la technolo­ gie radiofréquence est particulièrement aboutie. Comme en outre, cette technologie dispose de près de 70 ans de recul, de très nombreuses séquences ont été développées, initialement pour déterminer les structures et d’autres propriétés.

Les temps de décohérences sont plutôt longs par rapport aux temps de portes ce qui permet d’appliquer de longues séquences d’impulsions. Les interactions des spins nucléaires avec leur envi­ ronnement sont faibles en général, et les T2sont donc très longs. Par exemple, les valeurs de T2sont

de l’ordre de la seconde en phase liquide, tandis que la durée des impulsions est de l’ordre de la mi­ cro ou milli­seconde. Avec des constantes de couplage dipolaire dont les fréquences sont comprises entre le kilohertz et le mégahertz (correspondant à un temps de porte ∆tporte= 1/W ≈ 10−6−10−3

s) les critères de performance sont élevés R≈ 103− 105.

Inconvénients de la RMN

Cependant la RMN souffre de limitations, à commencer par les difficultés à initialiser le registre de qubits. Pour l’instant la faible polarisation nucléaire empêche de réaliser un état « pur », c’est­à­dire de placer toutes les noyaux du système étudié dans un état donné. L’écart de population entre l’état de spin haut et l’état de spin bas que l’on noteε est faible à température ambiante (voir Fig. 1.2.1)

1.2. Information quantique avec les spins

TABLEAU1.2.1 – Récapitulatif des critères de DiVincenzo pour la RMN : avantages, inconvénients

de la RMN et améliorations possibles

Critères Correspondance avec la RMN Adéquation Améliorations Qubits identifiables et

caractérisés

(hamiltonien interne)

Spin nucléaire +

Jeu complet de portes logiques facilement réalisables

Technologie radiofréquence parfaitement maîtrisée. Le nombre de séquences déjà existantes est important.

+

Temps de décohérence long devant la durée d’une porte logique.

Temps de décohérence T2de l’ordre de la ms­s et temps de porteµs­ms.

+− Suffisant, mais si les interactions internes sont intenses les portes logiques sont plus rapides.

Capacité à lire les informations issues du calcul

De la même façon, le développement

technologique est suffisant, mais il y a des erreurs

+− Nécessité d’algorithmes de correction.

Capacité à augmenter la taille du registre de qubit

Les tailles de registre restent limitées à une dizaine de qubit.

− Alternative, utiliser des noyaux I > 1/2

Travailler dans les solides. Initialiser le système Point faible de la RMN : la

polarisation est trop faible pour réaliser de véritable états purs et des états intriqués.

− Polariser les noyaux (Polarisation nucléaire dynamique, refroidissement algorithmique...)

À cause de cette faible polarisation seule la fractionε des spins nucléaires peut être initialisée et

pour cette raison ces états sont nommés pseudo­purs par opposition aux états totalement initialisés qui sont dits « purs »10. C’est donc seulement avec une portion restreinte des spins nucléaires qu’est réalisé le calcul. Si le registre contient N qubits le signal mesuré est proportionnel à

N 2Nε = N 2N × gnβnB0 2kT . (1.2.2)

Cette faible polarisation limite également la réalisation des états intriqués car les états pseudo­ purs ne permettent pas forcément leur réalisation11[9, 48]. Pour que l’intrication soit effective, la

10. Mathématiquement, on représente cela par la matrice densité. Prenons par exemple les deux cas : pur et pseudo­pur b

ρPur = Sbz

b

ρPseudo­pur = (1 − a) Identit´e + a bSz

aest une valeur liée à la différence de populations entre les états et au nombre de qubit. Pour comparer les deux cas, on constate simplement que le désordre dans l’état pseudo­pur est représenté par la matrice Identit´e.

RMN

FIGURE1.2.1 – Système à deux niveaux en résonance magnétique nucléaire. Les barres noires

horizontales sont une représentation schématique de la population de chaque ni­ veau, et le rapport est notéε. Dans le cas choisi le facteur gnnucléaire est positif.

polarisation nucléaire doit être au dessus d’une certaine limite et si l’on considère deux spins 1 et 2 et que l’on note les polarisations associéesε1etε2, la condition pour intriquer les états de ces deux

spins est [48, p. 78]

ε1ε2+ε1+ε2> 1. (1.2.3)

Pour pouvoir réaliser l’intrication, faudrait donc travailler à des champs magnétiques inaccessible­ ment élevés, ou à des températures très basses (T< 0, 8 K pour B0≈ 3 T) [48]. L’intrication en RMN

n’est donc pas prouvée et si la méthode permet de vérifier le codage superdense [20], c’est grâce au grand nombre de molécules présentes dans le milieu [48, p. 63].

Une autre difficulté rencontrée pour le calcul quantique avec les spins nucléaires est celle de l’extension du registre de qubit : comment obtenir un grand registre de qubits en interaction ? Les calculs réalisés sur la base de la résonance magnétique utilisent principalement les couplages sca­ laires J . Cette interaction relie des noyaux entre eux, mais son intensité est faible, de l’ordre de la dizaine de Hertz. Or si la distance entre les noyaux augmente, le couplage scalaire devient de plus en plus faible et le temps nécessaire pour réaliser une opération entre ces deux qubits augmentant comme ∆tporte ∝ 1/J, la taille du registre est limitée par l’intensité des interactions. À partir de

2005, le nombre de qubit est atteint est de 12 en phases liquide et cristal liquide [41], alors qu’il de­ vrait être de l’ordre de la centaine pour pouvoir réaliser l’algorithme de Shor sur des grands nombres [48].

Enfin, parce qu’il n’est possible de travailler que sur des états pseudo­purs, l’intensité RMN décroît très rapidement avec l’augmentation de la taille N du registre, en N/2−N (Éq. 1.2.2). Le manque d’initialisation limite l’augmentation du registre et provoque une diminution de l’intensité du signal.

Comment améliorer les performances des spins nucléaires ?

Afin d’améliorer les performances de calcul des spins nucléaires, il est envisagé d’utiliser les in­ teractions dipolaires qui sont notamment plus intenses à l’état solide. En effet, dans les solides les interactions entre spins sont véhiculées par le couplage dipolaire bDqui est plus intense, de l’ordre de la dizaine à la centaine de kilohertz. Cela permet de travailler avec des spins plus éloignés tout en conservant des portes logiques rapides.

En outre pour augmenter la taille du registre, l’emploi de noyaux à spin nucléaire I > 1/2 peut­

être envisagé [29]. Le premier avantage est que le nombre de qubits par noyau est plus important et le second est que le couplage quadrupolaire du noyau Q peut servir à réaliser des portes logiques. Ce

1.2. Information quantique avec les spins

couplage est intense, de l’ordre du mégahertz, il n’agit que sur un noyau, mais permet de réaliser des portes logiques entre les qubits de ce même noyau avec un temps de porte court ∆tporte ∝ 1/Q ≪ 1/J.

Des solutions ont également été proposées pour améliorer la pureté de l’état initial en utilisant des algorithmes de refroidissement, qui transféreraient l’entropie du système de spin nucléaire vers le réseau par l’intermédiaire d’un autre système de spin à relaxation rapide [8, 49]. D’autres pos­ sibilités comme la « polarisation nucléaire dynamique » (DNP) sont envisageables. Elle consiste à transférer la polarisation des spins électroniques vers les spins nucléaires par effet Overhauser ou effet solide. Les matériaux qui pourraient être employés pour cette applications sont par exemple AsGa,β − Ga2O3, ou encore le lithium métallique [2, 7].

Afin de pallier aux déficiences dont souffre la RMN, une solution serait de travailler avec les spins électroniques dont la polarisation est beaucoup plus importante. Cependant, les temps de décohérence sont beaucoup plus faibles, et bien que les durées de portes soient plus courtes, le critère de performance est plus faible R = 10−1000 [4]. En revanche si un électron est en interaction avec plusieurs noyaux, les spins électroniques peuvent être utilisés comme source de polarisation des noyaux, c’est la base du concept de bus de spin ou « spin­bus » développé dans [23, 27, 36, 37, 48].

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