• Aucun résultat trouvé

Associer spins électroniques et spins nucléaires : le concept de bus de spin

1.2 Information quantique avec les spins

1.2.2 Associer spins électroniques et spins nucléaires : le concept de bus de spin

FIGURE1.2.2 – Concept de bus de spin : le spin électronique est en interaction avec des spins

nucléaires couplés entre eux.

Comme le spin nucléaire en RMN, le spin électronique peut être facilement manipulé à l’aide d’un spectromètre Résonance Paramagnétique Électronique (RPE) en impulsions. Il est en effet pos­ sible de maîtriser l’évolution d’un système paramagnétique, en contrôlant les interactions par des séquences d’impulsions adaptées.

Si les spins nucléaires présentent des limites pour la réalisation de calculs quantiques, en raison de la faible polarisation nucléaire et du faible nombre de qubit, ils ont l’avantage de temps de décohérence longs et d’une maîtrise parfaite de la technologie pour les manipuler.

L’idée développée dans le concept de bus de spin est de combiner les avantages des spins élec­ troniques et des spins nucléaires, à savoir une polarisation 1000 fois plus élevée grâce aux électrons, un nombre de qubits multiplié par la dégénérescence du spin électronique et des temps de déco­ hérences longs [36, 37]. Les manipulations sont réalisées en employant un spectromètre de double

résonance électronique et nucléaire en impulsions (ENDOR) qui permet la manipulation des spins électroniques et des spins nucléaires. Cette spectroscopie combine les avantages de la RPE et de la RMN : la sensibilité de la RPE (petits échantillons), la résolution élevée de la RMN (raies très fines). Son principe sera explicitement détaillé dans le chapitre 4 pour l’ENDOR en onde continue et dans le chapitre 5 pour l’ENDOR impulsionnelle.

Le concept de bus de spin est schématisé sur la figure 1.2.2. Cette architecture est basée sur l’utilisation d’un électron célibataire en interaction avec un grand nombre de spins nucléaires. Ces spins nucléaires sont eux­mêmes en interaction les uns avec les autres. Pour réaliser des calculs, les électrons sont employés comme tête de lecture et d’écriture sur les spins nucléaires qui constituent le registre de qubits sur lequel est appliqué l’algorithme.

Sans entrer dans les détails des manipulations réalisées sur les qubits, on peut comprendre le rôle des électrons et des noyaux dans cette architecture en décrivant la figure 1.2.3 qui représente le principe d’une séquence d’impulsions pour réaliser un calcul quantique avec un bus de spin qui se décompose en trois étapes :

1. la préparation ;

2. l’application de l’algorithme ; 3. la détection.

FIGURE1.2.3 – Principe de la séquence de calcul dans le cas du bus de spin, adaptée de [36].

Dans un premier temps, les noyaux sont préparés à l’aide des électrons, ensuite ils sont manipulés, et enfin le résultat est lu par le biais des électrons.

La préparation

Dans cette étape le spin électronique sert à initialiser le registre de qubits constitué par les spins nucléaires. Une séquence d’impulsions micro­onde12est utilisée pour transférer la polarisation des électrons sur les noyaux. Au cours de cette étape de préparation, la polarisation électronique qui est 1000 fois plus grande que celle des noyaux est transférée aux noyaux. Ceux­ci sont alors fortement polarisés (ou refroidis) ce qui améliore la pureté de l’état initial, et à l’issu de cette séquence le registre de qubit est initialisé.

1.2. Information quantique avec les spins

En fonction de la séquence employée, il est même possible de réaliser des états intriqués « électron­ noyau » à des températures de l’ordre de T< 5 K avec un spectromètre RPE en bande W, et T < 2 K

pour un spectromètre RPE en bande Q [48, p. 79].

L’algorithme

Une fois le registre initialisé, l’algorithme est appliqué à l’aide d’impulsions de rayonnement ra­ diofréquence agissant sur les spins nucléaires. Au cours de cette étape, différentes portes logiques sont employées, ce qui met en jeu les différentes interactions entre les noyaux [36] :

– le couplage scalaire Ji j entre noyaux i et j

– le couplage dipolaire bDi j entre noyaux i et j

– le couplage pseudo­dipolaire, qui est une interaction entre les noyaux véhiculée par les élec­

trons lorsque le couplage hyperfin est élevé comme nous le verrons au chapitre 4.3.

La détection

La détection du registre de qubit s’effectue par les spins électroniques. Cette dernière étape est constituée d’une première séquence qui permet de transférer l’information portée par les noyaux vers le spin électronique, et d’une seconde séquence qui est la lecture de l’état du spin électronique.

FIGURE1.2.4 – Structure de CaF2, avec localisation du dopant Cérium. Le Cérium sous forme

Ce(III), est en site octaédrique, et sa charge est compensé par un fluor en position interstitielle. Figures extraites de [28, pp. 60­61].

Le premier travail sur le concept de bus de spin remonte à 2003 où un état intriqué entre un électron et un noyau a été réalisé dans l’acide malonique irradié [37]. Des systèmes plus complexes ont ensuite été étudiés, comme l’azote piégé dans une cage de fullerène [38] et la fluorine dopée par du cérium (CaF2 : Ce) [36]. C’est ce dernier système qui est le plus intéressant car le nombre de

qubits est significativement plus grand, le cérium étant une impureté paramagnétique qui interagit avec neuf noyaux fluors qui l’entourent (Fig. 1.2.4). L’étude de ce matériau s’appuie sur deux thèses, une expérimentale [39] et une théorique [28] afin de réaliser les calculs, ce qui a conduit à la

réalisation de l’algorithme de Deutsch [36]. Dans ce matériau les noyaux sont couplés entre eux par l’interaction dipolaire et par l’interaction pseudo­dipolaire qui sont de l’ordre de grandeur de la dizaine de kilohertz [28, p. 70]. CaF2 : Ce est un matériau qui répond aux principaux critères du

bus de spin , les temps de cohérence électroniques sont de T2(e)≈ 4 µs et T2(e)∗= 14 ns, et ceux des noyaux T2(n)≈ 400 µs, avec T2(n)∗= 14µs [28]. Cependant les interactions dipolaires entre les spins

nucléaires sont de faibles intensités, de l’ordre de Di j ≈ 10 kHz [28, p. 70]. En considérant que le temps de porte est de l’ordre de

∆tporte∝ 1/Di j (1.2.4)

le critère de performance est de l’ordre de

R = T2(n)× Di j= 4 (1.2.5)

ce qui est une valeur relativement faible. CaF2: Ce est donc un système intéressant pour le concept de bus de spin, mais présente des limitations qui rendent peu probable son utilisation en tant que dispositif de calcul quantique. Par conséquent plusieurs questions se posent :

– est­il possible d’imaginer d’autre systèmes pour faire un bus de spin ?

– est­il possible d’étendre le registre de qubits, en utilisant par exemple des noyaux à spin I >

1/2 ou un plus grand nombre de noyaux ?

– est­il possible d’avoir des portes logiques plus rapides ? L’utilisation de couplages hyperfins

plus intenses pourrait permettre de manipuler plus rapidement les noyaux grâce au couplage pseudo­dipolaire.

1.2.3

Choix des matériaux pour le concept de bus de spin

Documents relatifs