2. Méthodes et instruments utilisés
2.2. Spectroscopie Xanes au seuil K du soufre sur ID21
2.2.1. Principe physique.
La spectroscopie XANES est une technique analytique basée sur la mesure de l’absorption des
rayons X par les atomes. C’est une technique active qui tire parti de l’interaction d’un rayonnement
monochromatique connu avec un échantillon dont on veut déduire les propriétés physico-chimiques.
La description des phénomènes physiques impliqués fait appel à un modèle d’interaction entre un
atome de l’échantillon et un photon du rayon sonde. Les transferts d’énergie sont quantifiés et
correspondent aux transitions d’états fondamentaux vers des états excités. La probabilité qu’a l’atome
d’absorber un photon est définie par la distribution des énergies de transitions possibles. Ainsi, la
probabilité qu’un photon d’énergie donnée soit absorbé est équivalente à la densité de transitions
énergétiques au voisinage de cette énergie. Pour un faisceau de photons incidents, la probabilité
d’absorption est fonction de la concentration et suit la loi de Beer-Lambert (Bouguer, 1729).
Avec , longueur du chemin optique dans une direction ; , coefficient d’absorption
dépendant de l’énergie des photons incidents, de la concentration de l’élément d’intérêt et des
propriétés de la matrice de l’échantillon ; , intensité spécifique.
Un élément donné possède une configuration électronique unique qui détermine la répartition
des niveaux d’énergie de ces électrons. L’ordre de grandeur de la transition d’un électron de l’état
fondamental, soit de la couche électronique K, vers ses couches de valences correspond à quelques
milliers d’électronvolts (keV) et se nomme « énergie de seuil K » (Newville, 2004). Cette énergie
varie grandement d’un élément à l’autre, ce qui
signifie qu’en sélectionnant une énergie de sonde
on restreint les atomes susceptibles d’interagir avec
ceux de l’élément dont l’énergie de seuil
correspond. La Figure 2.2.1-1 donne les énergies de
seuil K de différents éléments dont celui du soufre.
Figure 2.2.1-1 : Energie de seuil K de
différents éléments dont celui du soufre.
8000
6000
4000
2000
0
Energie de seuil K
20
15
10
5
Numér
o a
to
mi
que
(Z
)
C
N
O
F
Ne
Na
Mg
Al
Si
P
S
Cl
Ar
K
Ca
Sc
Ti
V
Cr
284.2
409.9
543.1
696.7
870.2
1070.8
1303
1559.6
1839
2145.5
2472
2822.4
3205.9
3608.4
4038.5
4492
4966
5465
5989
L’énergie du seuil K augmente strictement quand Z augmente. Cela est dû à la forte
dépendance des énergies de transition à la structure électronique de l’atome (Bianconi et al., 1982). En
effet la configuration électronique détermine les énergies des orbitales atomiques d’un élément et
celles des orbitales moléculaires dans le cas d’atomes liés. Le soufre a la configuration électronique
suivante :
La couche de valence du soufre est la couche M où les orbitales des sous-couches 3s et 3p
peuvent s’hybrider pour conduire à un atome monovalent à hexa valent. Le soufre ne forme pas de
composés métalliques en général. La spectroscopie Xanes est alors utilisée pour sonder les états non
occupés sur la bande de valence de l’élément impliqué dans une liaison chimique dans un solide
(Fleet, 2005). La Figure 2.2.1-2 illustre l’interprétation de l’interaction photon-atome dans la
spectroscopie Xanes avec un formalisme simple concernant l’énergie et les couches électroniques.
Figure 2.2.1-2 : Illustration du sondage des états électroniques de la bande de
valence par spectroscopie XANES. Les orbitales de la couche de valence sont occupées
partiellement ; l’orbitale la plus haute occupée (H. occupée) est la dernière sous le niveau de
Fermi, avant l’orbitale la plus basse inoccupée (B. vacante). La densité d’état des orbitales
vacantes correspond à la raie blanche (R. blanche). Le pré-seuil est inexistant pour le soufre.
Le temps caractéristique de la transition électronique est de l’ordre de 10-20
secondes (Joly,
2001). La durée de vie de la lacune électronique sur la couche K est de l’ordre de 10-15 secondes. Deux
phénomènes sont impliqués dans le comblement de cette lacune : la désexcitation par retour du
photoélectron et le comblement par un électron de la couche L. Ce dernier mode de désexcitation se
fait par émission d’un photon d’énergie donné correspondant à l’énergie de fluorescence du soufre.
Le temps caractéristique de fluorescence est de l’ordre de 10-15
secondes. La mesure du rendement de
fluorescence peut donc être supposée équivalente à celle de la création de la lacune sur la couche K
dont la probabilité est mesurée par le rendement d’absorption. Cette hypothèse est vérifiée pour les
énergies proches de celles du seuil. La mesure d’un spectre d’absorption X peut être effectuée en
transmission comme en fluorescence si on s’intéresse uniquement au signal Xanes.
2.2.2. Géométrie de mesure.
Pour des raisons pratiques, la géométrie de mesure en fluorescence a été adoptée pour l’étude
des IOM de chondrites. En effet, ce mode de détection est plus sensible aux éléments peu abondants et
est très peu contraignant quant à la préparation des échantillons. Les mesures ont été menées sur la
ligne de lumière ID21 (Insertion Device 21) à l’ESRF. La ligne se divise en trois segments principaux,
chacun dédié respectivement à : la récupération du faisceau depuis l’onduleur, le conditionnement du
faisceau monochromatique et la mesure à proprement parler (Susini et al., 2002). Les spécifications de
l’instrument sont récapitulées sur la Figure 2.2.2-1.
Figure 2.2.2-1 : Schéma de fonctionnement général de la ligne de lumière ID21.
L’onduleur génère un faisceau par freinage des électrons de l’anneau de stockage de l’ESRF.
La forte brillance des onduleurs est due à un phénomène de pompage énergétique qui génère
des harmoniques, filtrées par un système de doubles miroirs et de collimateur. Le faisceau dit
« rose » est ensuite guidé vers le monochromateur. La conception en sortie fixe des deux
cristaux de silicium, combinée à un diaphragme en or, permet d’éclairer l’échantillon avec un
faisceau monochromatique de 50 microns de diamètre. Le détecteur à fluorescence est placé
avec un angle de 60° par rapport à l’axe optique du faisceau incident. Le segment de mesure
est pompé jusqu’à 10-8
mbar.
La matière organique insoluble est un matériau mou, facilement écrasé entre deux feuilles
d’Ultralène. Ce polymère industriel garanti sans soufre sert de support à l’échantillon pour être monté
, garanti lui aussi sans soufre). L’ensemble
constitue l’échantillon préparé. Il est monté dans le segment de mesure et positionné à l’aide d’un bras
mobile. Le rendu de la Figure 2.2.2-2 illustre la géométrie et les matériaux utilisés pour ces mesures.
Figure 2.2.2-2 : Rendu du porte-échantillon adapté sur la platine de mesure du
microscope X.
La mesure elle-même consiste à collecter le signal du détecteur à chaque pas d’énergie. Le
spectre est donc construit point par point après division par l’intensité incidente mesurée par diode
silicium à chambre. La consigne du monochromateur change à chaque point. L’étalonnage en énergie
du monochromateur est réalisé par la mesure d’un spectre de gypse standard.
Le Tableau 2.2.2-1 récapitule les informations associées à un spectre à un spectre Xanes :
Tableau 2.2.2-1 : Charte d’acquisition d’un spectre Xanes
Paramètre Valeur typique
Préparation de l’échantillon Galette compacte sur
Ultralene (2 lames)
Mode d’acquisition Fluo (canaux)
Pas spectral 0.15 eV
Plage spectrale 2450 à 2510 eV
Temps mort <10%
Temps de résidence 2 s
Nombre de scans 10
Section du rayon-sonde 50 µm
Dans le document
Empreinte moléculaire des processus post-accrétionnels dans la matière organique des chondrites carbonées
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