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Chapitre 4 : Photo-détachement d’électrons sur un peptide marqué :

B. Spectroscopie d’action en phase gazeuse

Préparation d’échantillon

Une solution à 100 μM d’éosine Y dans du méthanol a été préparée par dissolution du chromophore déshydraté commandé auprès de la société Sigma-Aldrich (référence E6003-25G). Cette solution a été directement injectée dans la source électro-spray de l’appareil utilisé en mode négatif.

Mesure des spectres d’action en piège

Des spectres de référence en phase gazeuse ont d’abord été mesurés dans un piège à ions linéaire (LTQ) modifié pour être couplé à un laser OPO nanoseconde. Le dispositif correspondant est décrit en détail dans la référence [10].

Sur les spectres de masse obtenus pour l’éosine Y, on distingue deux états de charge : l’éosine mono chargée, notée [Eo-H]- et détectée à m/z 646, et l’éosine dichargée, notée [Eo-2H]2- et détectée à m/z 321. Un spectre d’action a pu être obtenu pour chacune de ces espèces en isolant les ions de m/z correspondant puis en les irradiant à l’aide d’une impulsion laser avant d’analyser les produits de cette irradiation. Dans le cas de l’ion deux fois chargé, la seule voie de désexcitation observée est le détachement d’un électron. Dans le cas de l’ion monochargé, on observe une faible déplétion lors de l’irradiation qui peut également être attribuée au détachement d’un électron. La dépendance en longueur d’onde de ces effets a pu être évaluée en enregistrant des spectres de photo-fragmentation en fonction de la longueur d’onde du laser. Les spectres d’action obtenus sont tracés sur la figure 3. Ils représentent le taux de photo-détachement en fonction de la longueur d’onde, normalisés par la fluence du laser selon la formule suivante :

ܶܽݑݔ݀݁݀±݌݈±ݐ݅݋݊ ן ݈݋݃ ൬ܫ୮ୟ୰ୣ୬୲

ܫ௧௢௧௔௟௘൰ ߮ൗ Eq. 1

Avec ܫ les intensités des pics de l’ion parent et de l’ensemble des pics de l’ion parent et fragments lorsque les ions sont irradiés, et ߮ la fluence du laser à une longueur d’onde donnée.

Ces spectres, ont une allure similaire à celle des spectres en solution mesurés par Batistela et

al. : l’absorption de l’éosine mono-chargée est très faible par rapport à celle de l’éosine di-chargée.

De plus, la position des maxima d’absorption n’est pas significativement différente en phase gazeuse et en solution.

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Figure 3. Spectres d’action de l’éosine Y, mono et dichargée.

Mesure des spectres d’action dans l’appareil tandem-IMS

Le même type d’étude peut être réalisé à l’aide de l’appareil décrit dans le chapitre 2 (développement instrumental). La procédure est cependant sensiblement différente car la sélection de l’ion parent se fait par mobilité ionique. Dans le cas de l’éosine Y la sélection est relativement aisée, car les deux espèces présentes ont des vitesses de diffusion très différentes (voir chapitre 2). En effet, les ions [Eo-2H]2- ont une CCS similaire à celle des ions [Eo-H]1- (148 et 139 Å2, respectivement). La différence d’état de charge (du simple au double) se traduit donc par une force d’entraînement double et une vitesse de diffusion presque deux fois supérieure.

Les ions peuvent ainsi être sélectionnés après une première séparation par mobilité ionique, puis piégés et irradiés entre les deux tubes de dérive. Les produits d’irradiation sont ensuite séparés dans le deuxième tube de dérive, puis sont analysés par spectrométrie de masse. La figure 4 b représente une carte bidimentionnelle IMS/MS obtenue après sélection du temps de diffusion correspondant à l’ion [Eo-2H]2- après le premier tube de mobilité. Aucune trace d’ions [Eo-H]1- n’y est visible. Les ions sélectionnés sont irradiés à 488 nm avant injection dans le second tube avec le laser continu (Cobolt MLDTM, 06-01 Series). On obtient la carte de la Figure 4 a sur laquelle des ions sont visibles au voisinage de m/z 646. Une analyse du massif isotopique des ions observés (voir figure 5) montre que ceux-ci correspondent bien à l’espèce radicalaire. En effet, le massif isotopique de l’espèce photo-induite (figure 5 a) est comparé à celui de [Eo-H]1- (voir figure 5 b). Les deux massifs isotopiques sont similaires, bien que celui de l’espèce photo-induite soit décalé d’une unité m/z. L’allure particulière des massifs isotopiques est expliquée par la présence de quatre bromes sur la molécule d’éosine. Les deux espèces détectées à m/z 645 et 644, de même état de charge, possèdent

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une différence de masse correspondant à un proton. La différence entre les deux espèces n’étant que d’un proton et d’un électron, sur un système de petite taille cela n’a que peu d’influence sur la section efficace de collision. C’est pourquoi les CCS de [Eo-H]- et [Eo-2H]-• sont proches et se trouvent réciproquement dans la barre d’erreur l’une de l’autre. La même expérience est effectuée en sélectionnant et en irradiant l’éosine mono-chargée. Aucune diminution du signal n’est alors observée. Il n’y a pas de détachement d’électron photo-induit sur l’éosine mono-chargée, dans ces conditions expérimentales.

Figure 4. Carte IMS-MS de la sélection de [Eo-2H]2-, (a) avec et (b) sans irradiation laser (570 V sur le tube de mobilité, p=11.6 Torr, 10 ms d’irradiation à 488 nm).

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Figure 5. Massifs isotopiques (a) de l’espèce photo-induite et (b) de [Eo-H]-.

Le spectre d’action obtenu sur l’appareil laser-IMS (voir figure 6) est mesuré grâce à un laser OPA/OPO picoseconde (PG400, EKSPLA), injecté dans le tube de mobilité via la fenêtre située à côté de la source électro-spray. Le tube de mobilité est équilibré dans l’hélium à 12 Torr, à une température de 300 K. Les ions sont irradiés pendant 35 ms entre les deux tubes de mobilité et les spectres sont mesurés en suivant l’évolution du taux de déplétion des ions en fonction de la longueur d’onde du laser. La longueur d’onde du laser varie de 420 à 570 nm. Le taux de déplétion pour chaque longueur d’onde est obtenu par la formule suivante :

ܶܽݑݔ݀݁݀±݌݈±ݐ݅݋݊ ן െ ݈݋݃ ൬ܫ

ܫ൰ ߮Eq. 2

Avec ܫ et ܫ les intensités des pics obtenus respectivement sans et avec laser, et ߮ la fluence du laser pour une longueur d’onde donnée.

Le spectre optique de [Eo]2- est donné en figure 6. Ce spectre optique est similaire à celui obtenu sur l’appareil LTQ avec le laser nano-seconde (voir figure 3).

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Figure 6. Spectre optique de l’éosine 2- mesuré sur l’appareil laser-IMS.

III. Etude du peptide marqué

Le système modèle utilisé pour cette étude est composé d’un peptide de séquence

CAAEAADAA, sur lequel un chromophore, l’éosine Y, a été lié de manière covalente. La séquence du

peptide sur lequel a été liée l’éosine a été choisie car elle comporte plusieurs groupements acides (sur les résidus Glutamate, Acide Aspartique, et en C-terminal). Ainsi le système peptide-chromophore, que nous noterons [Eo-P], présente un nombre relativement élevé de sites acides de pKA comparables (voir tableau 1 et figure 7). On peut donc s’attendre à la coexistence de différents schémas de protonation, et donc à de possibles transferts de proton entre les différents sites. D’autre part, la cystéine N-terminale sert de site de marquage par le chromophore. Nous avons utilisé pour cela un dérivé d’éosine Y comportant une fonction maléimide qui réagit spécifiquement sur les fonctions thiol.

Eosine Acide Aspartique Acide

Glutamique

Alanine C-terminale

pKa 2.02

3.80 3.65 4.25 2.33

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Figure 7. Structure chimique du peptide marqué. Les sites acides sont marqués en rouge.

La solution de peptide marqué [Eo-P] à une concentration de 10 μM est injectée dans la source électro-spray. Le spectre de masse obtenu est présenté en figure 8. Sur ce dernier, on détecte trois états de charge : [Eo-P]5-, [Eo-P]4- et [Eo-P]3-, étiquetés sur le spectre. Les autres pics présents sur le spectre de masse correspondent à des adduits de sodium et de potassium sur le système.

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