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1.3 Travaux antérieurs sur la formation de couches minces d’alliages Al-Ni . 13

3.1.1 Spectroscopie des électrons Auger (AES)

Lorsqu’un électron a été éjecté d’un niveau de cœur sous l’effet, soit de la photo-ionisation, soit de l’interaction avec un faisceau d’électrons primaires, l’atome ionisé est dans un état excité. Cet atome peut alors se désexciter suivant deux processus concur-rentiels : l’émission de rayons X (transition radiative) et l’émission d’électrons Auger (transition non radiative). Ces deux processus sont schématisés sur la Figure 3.1. On peut montrer que pour des éléments de faible numéro atomique, la transition Auger est

le processus de désexcitation prédominant. Le cortège électronique de l’atome ionisé se réarrange de telle sorte que le trou initial est comblé par un électron provenant d’un ni-veau énergétique supérieur. L’énergie perdue par cet électron est transférée à un autre électron de la même couche ou d’une couche différente. Ce troisième électron, appelé électron Auger, est alors éjecté dans le vide avec une énergie cinétique bien définie, caractéristique de l’atome où le processus s’est produit.

Fig. 3.1: Modes de désexcitation radiatif et non radiatif d’une lacune électronique de cœur.

Considérons une transition WXY dans un atome de numéro atomique Z où les niveaux W, X et Y sont respectivement caractérisés par les énergies -EW(Z), -EX(Z) et -EY(Z) par rapport au niveau du vide. L’énergie cinétique EW XY(Z) de l’électron Auger est donnée par :

EW XY(Z) = EW(Z) − EX(Z) − EY(Z) − ∆E(XY )

Le terme correctif∆E(XY) est petit ; il dépend des modifications dans les énergies de liaison qui sont en relation avec l’éjection de l’électron Auger. Le calcul de ce terme correctif est difficile car il dépend de la vitesse de réarrangement des électrons. Mais il existe toutefois une formule empirique raisonnable basée sur la valeur moyenne des énergies de liaison EX et EY pour les atomes de numéros atomiques Z et Z+1 :

∆E(XY ) = 1

2(EX(Z + 1) − EX(Z) + EY(Z + 1) − EY(Z))

L’énergie cinétique de l’électron Auger ne dépend pas de l’énergie de l’électron in-cident. Elle dépend uniquement des écarts entre niveaux d’énergie ; elle est donc bien caractéristique de l’atome qui a émis l’électron Auger. Cependant, cela suppose que

l’électron Auger n’interagisse pas avec la matière avant d’être détecté. L’énergie des électrons Auger étant comprise entre 50 et 2000 eV, ces électrons proviennent d’une profondeur de l’ordre du libre parcours moyen de ces électrons dans la matière (entre 5 Å et 20 Å) soit quelques plans atomiques.

La nomenclature des transitions Auger fait intervenir les différents niveaux élec-troniques mis en jeu lors de la désexcitation. Par exemple, une transition KL1L2 (ou plus simplement KLL) signifie que le trou initial est produit dans la couche K, qu’un électron de la couche L (niveau L1) a comblé cette lacune et a transféré une partie de son énergie à un autre électron de la couche L (niveau L2), qui a alors été éjecté dans le vide (Figure 3.1). Si le trou initial est comblé par un électron de la même couche, la transition est alors appelée transition de Coster-Kronig. Enfin, quand l’effet Auger se produit dans un atome appartenant à un solide, l’énergie des électrons Auger peut dépendre de la structure électronique de celui-ci ; la désexcitation peut par exemple se produire via un électron de la bande de valence (V), qui transfère une partie de son énergie à un autre électron de la bande de valence, situé à une autre énergie dans celle-ci. Dans notre étude expérimentale, nous avons utilisé pour le nickel la transition MVV à 61 eV et pour l’aluminium la transition LVV à 68 eV. Pour ces énergies, la profondeur d’échappement de l’électron Auger est de l’ordre de 5 Å (Figure 3.2). La spectrosco-pie des électrons Auger est donc une méthode d’identification des éléments présents dans un solide, au voisinage immédiat de sa surface. Par ailleurs le signal Auger est aussi caractéristique de l’environnement chimique de l’atome mis en jeu, mais la réso-lution des analyseurs utilisés en AES limite parfois l’information sur l’environnement chimique de l’atome. Néanmoins, la forme et le déplacement des pics Auger, surtout quand les niveaux de valence participent au processus, peuvent révéler des effets de structure ou d’environnement. Ainsi, l’AES s’applique parfaitement aux études d’ad-sorption/désorption, de réactions superficielles, de nucléation et de croissance, de ségré-gation. Dans les expériences de laboratoire (notamment dans notre cas), la vérification de la propreté d’une surface s’effectue communément par AES. C’est une méthode assez sensible car les contaminants de surface peuvent être détectés à des teneurs de l’ordre de la centième de monocouche.

Les informations obtenues par l’AES sont plus facilement interprétables en termes quantitatifs lorsque cette technique est employée conjointement avec une autre méthode de moins bonne sélectivité en profondeur mais qui donne des informations globales ab-solues (ici il s’agit de la rétrodiffusion Rutherford - RBS). D’autre part, dans des études de dépôts superficiels (ce qui est notre cas), à quantité déposée donnée, l’amplitude du signal AES, dépend de la morphologie du dépôt. En effet, la profondeur d’échappement des électrons Auger étant faible, le signal AES correspondant à l’espèce déposée sera beaucoup plus élevé si cette dernière mouille le substrat (mode de croissance de type "Frank-Van der Merwe") que si elle se rassemble en îlots en occupant une fraction négligeable de la surface (mode de croissance de type "Volmer-Weber"). Le couplage de l’AES à une technique de dosage absolu comme le RBS, qui ne dépend pas du mode

de croissance, permet alors de préciser ce dernier. Envisageons finalement le cas d’un dépôt d’Al sur un substrat de Ni, ce qui correspond à notre situation expérimentale. Il peut y avoir confusion entre le spectre Auger obtenu pour un dépôt d’Al en îlots laissant apparaître une fraction plus ou moins importante du substrat et le spectre Au-ger obtenu pour une couche continue d’alliage Al-Ni plus ou moins riche en Ni. Il est possible de différencier ces deux situations par RBS comme nous le verrons par la suite.

Fig. 3.2: Courbe universelle du libre parcours moyen des électrons [93].