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La combinaison de la RMN proton HR-MAS et en solution (D20) sur des cellules bactériennes entières a prouvé son utilité tant comme indicateur chimiotaxinomique rapide que comme outil métabolomique pour identifier des composés connus pour avoir un rôle important dans l’adaptation environnementale bactérienne (Motta et al., 2004; Mai-Prochnow et al., 2006; Bowman, 2007).

La base de données spectrale construite à partir de trente souches bactériennes associées à L. digitata (série Ld) et isolées de surface inerte ou d’autres algues, et cultivées dans des conditions strictement contrôlées sur milieu ZoBell, peut être visuellement analysée. Les souches peuvent être séparées dans des groupes taxinomiques en accord avec l’identification de leur séquence d’ADNr 16S et leur groupe spectral obtenu en MALDI-ToF, et ce jusqu’au niveau du genre ou de la famille. La RMN en solution (δ de 0,5 à 4,5 ppm) a été utilisée avec succès dans l’empreinte spectrale d’extraits bactériens, avec une bonne reproductibilité grâce à sa haute résolution (Delpassand et al., 1995).

Dans le contexte de mon travail de thèse, j’ai été capable de mettre en évidence une erreur d'étiquetage jusqu'ici non soupçonnée sur deux souches accidentellement échangées dans la collection de souches bactériennes marines de référence, grâce à la méthode de RMN 1H HR-MAS. Ceci indique donc le potentiel d’utilisation de cet outil dans des recherches sur des souches bactériennes marines. La distribution des métabolites identifiés (non sans hésitation) chez nos 30 souches, et présentée dans le

Tableau 2, peut être corrélée avec les profils HR-MAS (δ = 0 – 4,5 ppm) groupés par

leur ressemblance visuelle. Il existe des petites molécules qui sont généralement rencontrées dans les mécanismes de communication chimique et d’adaptation au milieu, comme par exemple l’ectoïne, une substance produite par des bactéries se développant dans des milieux à concentrations salines élevées (ou à des températures extrêmes), et

produisant alors un manteau protecteur grâce auquel elles peuvent survivre à ces environnements agressifs. Leur distribution au sein des différents groupes taxinomiques est en accord avec les informations rencontrées dans les études sur la physiologie et la biochimie microbiennes, et les revues spécialisées (Ivanova et al., 2004). La RMN a beaucoup été utilisée pour élucider la biosynthèse d’acides aminés bactériens à partir de précurseurs marqués. Le fait que quelques taxa utilisent des voies de régulation différentes peut permettre d’attribuer un rôle de biomarqueur aux molécules individuelles. Par exemple, les Flavobacteriaceae analysées dans cette étude n’utilisent pas la glycine bétaïne, mais elles présentent de fortes concentrations d’ions tels que le succinate ou l’acétate, à l’inverse des autres groupes étudiés. De même, les

Rhodobacteriaceae identifiées ici (α-proteobacteria) n’ont pas d’alanine, de glutamate

et de glutamine, tous trois des métabolites transitoires répandus chez beaucoup de bactéries. Elles semblent également produire de grandes quantités d’aldéhydes, qui sont rarement rencontrés dans les autres taxa.

En pratique, les informations RMN fournies sur les souches individuelles cultivées sur un milieu de culture donné, en conditions contrôlées, peuvent être utiles pour évaluer au cas par cas, la pertinence biochimique et les limitations de ce milieu de culture, ou bien pour suivre des cinétiques enzymatiques à partir de bactéries vivantes, ou encore pour d’autres applications au-delà des objectifs de cette étude. De plus, Motta

et al. (2004) ont utilisé avec succès la RMN, directement sur des souches bactériennes

marines en milieu de culture liquide, dans le but de quantifier les divers osmolytes libérés et solubles dans l’eau. Un travail qui ne peut être réalisé avec les analyses en HR-MAS. Cependant, la RMN HR-MAS représente un outil chimiotaxinomique utile pour caractériser rapidement une bactérie inconnue, puisque l’acquisition d’un spectre proton prend moins de 10 min par souche bactérienne. La seule obligation est que toutes les bactéries soient cultivées dans des conditions de culture identique à celles constituant la base de données, une restriction toutefois déjà mentionnée pour l’acquisition des spectres protons des extraits bactériens (Aguayo et al., 1988). Dans certains cas, l’adaptation physiologique aux différents milieux de culture doit être effectuée par l’activation de diverses voies de régulation, si le précurseur n’est pas présent dans le milieu minimum, c’est-à-dire, si les sources de carbones par défaut sont différentes à des niveaux de salinité équivalents. Notre analyse comparative des spectres

différences qualitatives majeures rencontrées sur les profils spectraux en RMN de CFU de même âge, qui peuvent être attribuées aux différences de capacité d’adaptation entre les souches bactériennes analysées (ex : Pseudoalteromonas sp. 3J3 de la (Figure42)).

D’autres souches sont capables de croître sur les deux types de milieu, sans changement visuel de leur réponse adaptative (ex : Pseudomonas sp. Ld6 (Figure 42)). Finalement, plus d’un tiers de nos souches bactériennes présentent des modifications de profils spectraux d’ampleurs variables, quelques fois plus complexes sur le milieu VNSS, et d’autres sur le milieu ZoBell (ex : Arthrobacter sp. Ld5 (Figure 42)).

La capacité à enregistrer rapidement de telles réponses physiologiques sensibles, sur des cellules bactériennes vivantes par de la spectrométrie RMN HR-MAS, peut apporter une aide dans la recherche de milieux de culture spécifique pour cibler les espèces bactériennes viables mais non cultivables qui sont estimées représenter plus de 98 % de la diversité bactérienne rencontrée sur les échantillons d’algues naturelles. Le fait que l’analyse AMIX (basée sur une ACP) ne soit pas capable de discriminer globalement des profils spectraux entre des cultures sur ZoBell et sur VNSS, peut être attribué à l’insuffisance du jeu de données, à une préparation inadéquate des spectres ou tout simplement à l'incapacité d'établir une tendance de significativité avec de telles réponses fortement diverses (Figure 41C). Les réponses de l’exométabolome, reflétées par les acides aminés et autres métabolites de régulation, sont en fait très complexes, que ce soit en réponse à un milieu de culture ou à un âge de culture, et peuvent échapper à la discrimination de traitement de signal basé sur l’ACP. De plus, l’utilisation de CFU cultivées en conditions strictement identiques sur des milieux de culture agar, et profilées (en RMN et/ou RMN HR-MAS) à des mêmes stades d’incubation, limitent la variabilité du signal de l’empreinte spectrale, et apparaissent comme des procédures essentielles pour construire une base de données fiables d’empreintes spectrales.

En cas d’étude d’une seule souche bactérienne, la RMN HR-MAS peut être utilisée comme méthode rapide pour enregistrer les réponses métaboliques à différents stades de croissance, et ainsi permettre de comparer la cinétique d’apparition et de disparition de métabolites entre différents milieux de culture. Ce travail a d’ailleurs déjà été réalisé avec succès sur des extraits de cellules bactériennes d’E. coli en RMN, cultivées sur deux milieux de culture liquides et à des stades de croissance différents

V.C - Combinaison de la taxonomie moléculaire, la MALDI-ToF –