• Aucun résultat trouvé

Les recherches actuelles indiquent que le profil d’expression de gènes des bactéries vivant au sein d’un biofilm est différente des bactéries planctoniques, et peut être contrôlée par un processus appelé « quorum sensing », contribuant ainsi à la formation et à la maturation des biofilms (Davies et al., 1998; Heydorn et al., 2002; Parsek & Greenberg, 2005; Williams, 2007; Johnson, 2008; Dobretsov et al., 2009).

Les bactéries sont capables de communiquer de cellule à cellule, grâce à des petites molécules-signal qu’elles synthétisent. Les travaux sur les communications entre cellules bactériennes se sont développées avec la découverte d’une régulation coordonnée de la luminescence chez une bactérie marine à Gram négatif, Vibrio fisheri

(Nealson et al., 1970; Hastings & Nealson, 1977; Nealson, 1977). C’est à la suite de ces travaux que la notion de quorum sensing (QS) a vu le jour (Fuqua et al., 1994). Ce terme est couramment employé pour décrire le phénomène de régulation spécifique de gènes en réponse à la densité de la population. Une cellule bactérienne individuelle est donc capable de détecter, par l’accumulation extracellulaire de molécules de faible poids moléculaire, le moment où la population bactérienne est suffisante pour réaliser une action concertée. Le QS peut alors être considéré comme un exemple de comportement multicellulaire mettant en œuvre des processus physiologiques variés et bénéfiques à une communauté. Il module la production d’une grande variété de protéines extracellulaires, de métabolites secondaires, et de protéines de régulation

(Miller & Bassler, 2001; Gonzalez & Keshavan, 2006). Aujourd’hui, la notion de QS s’est largement répandue et de nouvelles molécules de communication ont été identifiées chez de nombreuses bactéries, aussi bien à Gram positif qu’à Gram négatif. Toutefois, ces systèmes de communication sont différents selon les espèces. De manière générale, la régulation des gènes contrôlés par le QS chez les bactéries à Gram négatif s’effectue toujours selon le même schéma général, faisant intervenir trois acteurs principaux : un signal ou autoinducteur, une enzyme permettant la synthèse de ce signal, et enfin, un régulateur transcriptionnel.

Il existe donc un grand nombre de systèmes de signalisation du QS employé par les bactéries à Gram négatif (Dobretsov et al., 2009), mais celui qui est le plus caractérisé est le système de type LuxR-N-acyl homosérine lactones (HSL), qui a été identifié chez plus de soixante-dix espèces, telles que P. aeruginosa, P. aureofaciens,

Burkholderia cepacia, B. vietnamiensis ou encore Erwinia carotovora (Holden et al., 1998; Lewenza et al., 1999; Fuqua et al., 2001; Miller & Bassler, 2001; Whitehead et

al., 2001; Conway & Greenberg, 2002). Ce système HSL est caractérisé par une cascade

d’événements (Figure 6). La première étape du phénomène consiste à synthétiser les molécules-signal du QS, qui vont diffuser ou être activement transportées hors de la cellule. Quand la concentration extracellulaire des HSL atteint un certain seuil, ces

HSL) ou activement (longue chaîne de HSL), et se lient à leurs récepteurs conduisant à la formation de dimères actifs. Le complexe néoformé se lie sur des régions du génome spécifiques (lux box) correspondant à des séquences promotrices, avec pour conséquence d’activer la transcription des gènes du QS responsables de la luminescence, de la formation du biofilm, de la virulence et autres processus.

Figure 6 : Modèle généralisé du quorum sensing régulé par les molécules-signal HSL chez une bactérie à Gram négatif. (D’après Dobretsov, 2009)

Les chiffres numérotés de 1 à 5 dans les cadres représentent les différentes étapes du processus de QS. Les flèches vertes montrent la direction principale du transport du signal : diffusif (chaîne courte des HSL) ou actif (chaîne longue des HSL).

Chez les bactéries à Gram positif telles que Bacillus subtilis et Staphylococcus spp., aucune molécule signal de type HSL n’a encore été détectée, mais un autre type de molécules-signal a été identifié. En effet, ces bactéries communiquent en utilisant des oligopeptides modifiés, également nommé « autoinducing peptides » (AIP). Ces peptides signal sont généralement constitués de cinq à dix-sept acides aminés (Federle & Bassler, 2003) et ne sont pas diffusibles à travers la membrane. Par conséquent, la libération des molécules-signal est effectuée par des exportateurs dédiés aux oligopeptides (Waters & Bassler, 2005).

Les systèmes de communications décrits ci-dessus sont plutôt utilisés pour les communications intra-spécifiques. Cependant, il existe un troisième type de molécules de communication, le furanosyl borate diester (AI2), qui a été mis en évidence à la fois chez des bactéries à Gram positif et négatif (Henke & Bassler, 2004). Ce système de communication est un système hybride entre celui des bactéries à Gram négatif et à Gram positif, ce qui permet une communication interspécifique. Il a notamment été découvert chez Vibrio harveyi (Cao & Meighen, 1989).

Il a été montré que les communications inter-bactériennes par les molécules du QS sont essentielles à l’établissement d’une communauté cellulaire ordonnée en biofilm. Ainsi, un mutant de P. aeruginosa, incapable de synthétiser des molécules de communication inter-bactérienne (HSL), forme un biofilm radicalement différent de celui de la souche sauvage. Ces mutants ont également perdu leur capacité à résister à un traitement de désinfection au SDS (Sodium Dodecyl Sulfate). La complémentation en HSL exogènes dans la culture permet par la suite de restaurer le phénotype sauvage

(Davies et al., 1993). Cependant, le rôle des molécules de communication dans la formation du biofilm reste encore mal défini, au vu des effets que ces dernières causent sur l’ensemble des étapes de la formation du biofilm (adhésion, maturation, dispersion)

(Parsek & Greenberg, 2005). Le QS joue donc un rôle important dans la régulation de la densité bactérienne au sein du biofilm, initiant la dispersion des bactéries quand la population atteint une densité beaucoup trop élevée.