• Aucun résultat trouvé

5-3 Spectrométrie de photoélectron X (XPS ou ESCA)

Faisceau incident

II- 5-3 Spectrométrie de photoélectron X (XPS ou ESCA)

Les expériences d’XPS ont été réalisées au Service de Physique et de Chimie des Surfaces et Interfaces (DSM/DRECAM/SPCSI, CEA Saclay [27]). Cette technique est détaillée un peu plus longuement que les autres ici, car elle a permis d’obtenir des résultats intéressants notamment sur le comportement à l’altération des verres au cérium. Le principe à la base de la spectroscopie de photoélectrons X est, comme son nom l’indique, l’effet photo-électrique. Si la majorité des photons X traversant un échantillon n’interagissent pas avec les atomes le constituant, une partie de ces photons est cependant absorbée selon la loi de Beer :

I

x

= I

0

.e

-µx

(éq. II-11)

Avec I0 et Ix les intensités incidentes et transmises, x l’épaisseur traversée, µ le coefficient d’absorption linéaire.

Trois types d’interactions interviennent dans l’absorption des photons X dans la matière : l’effet photoélectrique, l’effet Compton et l’annihilation par création de paires électron-positon. La courbe de la figure II-22 représente la courbe d’absorption de photons X dans le plomb.

Figure II-22 : Interaction photons-matière : courbe d’absorption des photons X dans un

élément lourd : le plomb (figure extraite de [28])

On constate qu’à basse énergie, qui est le domaine de l’XPS, l’effet photoélectrique domine. L’effet photoélectrique ne se produit que lorsque l’énergie du photon est supérieure à

l’énergie de liaison de l’électron sur son orbitale atomique, comme le montrent les discontinuités d’absorption caractéristiques K, LI, LII, LIII… etc., dans la courbe d’absorption X de la figure II-23. Les électrons XPS proviennent de l’ionisation des couches atomiques de cœur et correspondent à la transition entre l’atome à l’état initial neutre avec Z électrons et

l’atome final ionisé Z – 1 électrons restant après éjection de l’électron de la couche k.

L’approximation dite de Koopmans fait correspondre au spectre XPS le modèle des orbitales atomiques monoélectroniques, ainsi que le représente la figure II-23 avec comme exemple le néon.

Figure II-23 : Correspondance entre les transitions physiques de photo-ionisation d’un

niveau de cœur, les orbitales monoélectroniques et les pics ESCA dans un élément léger : le néon (figure extraite de [28])

Cette approximation due à Koopmans est connue aussi comme l’approximation des orbitales gelées ou encore l’approximation monoélectronique. En effet, on ne considère que l’électron éjecté et les autres électrons de l’atome sont supposés ne pas être perturbés dans le processus de photo-ionisation. Cette approximation conduit à une nomenclature pour libeller les pics XPS calquée sur celle des orbitales atomiques. Les orbitales atomiques et, par voie de conséquence, les pics XPS sont caractérisés essentiellement par trois nombres quantiques :

• le nombre quantique principal n ;

• le nombre quantique de moment angulaire l ;

• le nombre quantique de moment angulaire total ou de spin-orbite j.

Un pic XPS dû à des photoélectrons éjectés d’une orbitale donnée est noté du nom de cette orbitale, par exemple, un pic provenant d’électrons éjectés des orbitales 1s d’atomes de

carbone sera noté C1s. Le principe de la conservation de l’énergie de l’effet photoélectrique stipule que l’énergie des photons incidents se répartit entre Ei, l’énergie d’ionisation correspondant à l’éjection d’un électron d’une orbitale de cœur de l’atome et Ecin, l’énergie cinétique communiquée au photoélectron émis. L’énergie d’excitation étant connue, la mesure de l’énergie cinétique Ecin des photoélectrons permet de déterminer Ei qui est caractéristique de l’atome et de l’orbitale de cœur concernés. L’énergie d’ionisation Ei est en fait appelée

aussi énergie de liaison EL de l’électron. Elle est définie comme l’énergie à fournir pour éjecter un électron d’une orbitale atomique et elle correspond rigoureusement à l’énergie de la transition. En général, les spectres XPS sont étalonnés en énergies de liaison, ce qui permet d’identifier directement la nature et l’origine des pics recherchés par l’utilisation des tables des énergies de liaison des éléments. Un problème très important se pose pour les échantillons isolants comme les verres qui concerne les effets de charge. En effet, l’émission des photoélectrons laisse des charges positives résiduelles sur l’échantillon qui dans le cas des isolants ne s’écoulent pas et la surface de l’échantillon se charge alors positivement. Ce potentiel de surface ralentit les photoélectrons et déplace donc les énergies de liaison mesurées vers des valeurs plus élevées. Cependant, avec un faisceau X non monochromatique il y a toujours une ambiance d’électrons secondaires venant de la rétrodiffusion des électrons primaires excitateurs sur l’anode et les parois du tube à rayons X et également des photoélectrons émis par la fenêtre d’aluminium séparant le tube de l’échantillon. Ces électrons secondaires peuvent alors assurer la neutralisation des charges positives résiduelles sur la surface de l’échantillon isolant. On peut également utiliser, comme dans notre cas, le pic C1s de contamination à 285,0 eV présent sur tous les échantillons venant de l’atmosphère,

pour recaler le spectre en énergie.

La source d’excitation utilisée pour les expériences XPS est la raie Kα de Al à 1486,6 eV. Toutes les orbitales dont l’énergie d’ionisation ou de liaison est inférieure à cette limite d’énergie sont observables. Un filament en tungstène est chauffé par effet Joule et émet par thermo-ionisation des électrons qui sont ensuite accélérés à un potentiel pouvant atteindre 20 kV sur une anode métallique en aluminium. La raie d’émission Kα12 à 1486,6 eV, est particulièrement intense, tandis que le fond continu est relativement faible. La raie Kα12

utilisée pour l’excitation est accompagnée de nombreuses autres raies satellites de plus haute énergie telles que les raies Kβ, Kα34 et du fond continu du rayonnement de freinage. En effet, sous l’irradiation des électrons, il se produit une ionisation en couche de valence des atomes de l’anode. Sous l’impact de tous ces photons X d’énergies différentes sur l’échantillon, les émissions correspondantes donnent lieu à des spectres de photoélectrons qui interfèrent avec le spectre XPS de la raie principale Kα1 (raies parasites décalées le plus souvent des raies principales de 10 eV). Outre ces raies parasites, notons également qu’en général un élément représente plusieurs raies XPS s’ajoutant aux raies principales précédentes qui sont les plus intenses (ionisations d’autres niveaux d’énergie), ce qui peut faciliter l’identification des éléments en levant les interférences ou ambiguïtés spectrales éventuelles. L’intensité des pics XPS dépend principalement de la section efficace de photo-ionisation de l’orbitale correspondante avec une modulation par le facteur de transmission du spectromètre et l’efficacité de détection instrumentale qui sont des fonctions de l’énergie cinétique [29].

A chaque pic XPS est associé un fond continu d’électrons secondaires de faible énergie cinétique dont l’origine est liée à la source X excitatrice. En effet, si l’on utilise un faisceau X non monochromatique, une partie importante de ce fond provient de l’ambiance des électrons secondaires déjà mentionnée à propos de l’effet de charge. Une seconde partie provient des photoélectrons éjectés par le rayonnement blanc de freinage (bremsstrahlung) et de toutes les autres raies X émises par l’anode, qui sont reçus par l’échantillon.

La soustraction de ce fond dans l’évaluation de l’aire du pic XPS est importante pour l’analyse quantitative. Dans notre étude nous avons utilisé un fond correspondant à la fonction de Shirley qui propose un fond inélastique sous le pic dont l’intensité à une énergie donnée est proportionnelle à celle des photoélectrons émis aux énergies cinétiques immédiatement supérieures. Elle présente une forme en S entre deux extrémités prises de part et d’autre du pic XPS. Bien que d’expression empirique, cette procédure repose sur une base physique et elle est très largement adoptée dans la pratique.

Les spectres XPS ne présentent pas toujours des pics simples comme le laisse supposer ce qui a été exposé jusqu’à maintenant ; la correspondance monoélectronique entre orbitales et pics n’est pas toujours respectée et dans certains cas les raies XPS présentent des structures multiples ou des pics satellites. Pour expliquer l’apparition de ces composantes multiples lors de la photo-ionisation d’un électron d’une orbitale qui dans l’approximation mono-électronique ne donnerait lieu qu’à un seul pic, il faut abandonner l’approximation de Koopmans et considérer explicitement les effets liés à la présence de plusieurs électrons dans l’état final ionisé [30]. Nous n’entrerons pas dans le détail ici, mais il faut préciser que c’est ce qui se produit pour les terres rares trivalentes, pour lesquelles deux pics principaux apparaissent (3d3/2 et 3d5/2) accompagnés de deux raies satellites (voir chapitre IV).

Le dispositif utilisé pour les expériences XPS est un appareil VG Escalab Mark II, à basse pression (≈ 5.10-8 mbar), avec une source non monochromatée. L’acquisition des données est faite à l’aide d’un système VGX 900 de Fisons. L’analyse hémisphérique a été effectuée avec un channeltron et une énergie de passage de 20 eV.

L’XPS nous a permis de caractériser (de manière semi-quantitative dans notre cas) l’extrême surface des échantillons et de mettre en évidence des enrichissements relatifs par rapport à un verre référence non altéré. Cette technique a également été très utile pour déterminer le degré d’oxydation du cérium (Ce3+ et/ou Ce4+) avant et après altération (et/ou irradiation) et ainsi mieux comprendre les processus intervenant durant ces différents traitements.