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La place spécifique de Paris en France et dans le monde pour justifier l’action de l’État monde pour justifier l’action de l’État

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 99-103)

Le « Grand Paris », un dispositif étatique

1.3. Des usages politiques de la « métropole »

1.3.1. La place spécifique de Paris en France et dans le monde pour justifier l’action de l’État monde pour justifier l’action de l’État

Dans la plupart de ses discours sur le « Grand Paris », Nicolas Sarkozy lie le projet de la métropole parisienne à la réussite économique nationale. Il insiste sur cette idée le 26 juin 2007 :

« C’est une mission [celle de penser l’aménagement de l’Île-de-France] qui revient bien sûr au Conseil Régional, qui n’a plus la même place en 2007 qu’en 1965. Mais l’État peut-il se priver d’avoir un projet, une stratégie pour la région économiquement la plus puissante d’Europe, qui produit 28 % de la richesse nationale de notre pays ? Je ne le pense pas. »160

Cette importance nationale de l’Île-de-France est justifiée par son poids dans l’économie française et par le rôle qu'elle joue dans la compétitivité de la France sur la scène internationale. En juin 2007, alors que la crise économique des « Subprimes » de juillet 2007161 n’a pas encore commencé, le Président de la République dresse un portrait pessimiste de la situation de l’Île-de-France rendant une intervention de sa part nécessaire :

« Il n’y aura pas de France forte et ambitieuse si l’Île-de-France se recroqueville sur elle-même, si elle renonce à construire les plus hautes tours d’Europe, si elle renonce à attirer les meilleurs chercheurs du monde, si elle renonce à son ambition d’être une place financière de premier plan. […] Les grandes villes de province ont pris un élan démographique, économique, culturel extraordinaire ces dernières années. Je ne vois pas de honte à ce que la métropole

160 Discours de Nicolas Sarkozy du 26 juin 2007 à l’occasion de l’inauguration du satellite n° 3 à l’aéroport Charles de Gaulle à Roissy.

161 Deux crises économiques successives marquent le début du quinquennat de Nicolas Sarkozy. En juillet 2007 avec la crise dite des « Subprimes » et en septembre 2008 qui voit de grandes banques américaines entrer en cessati on de paiement.

parisienne les imite. Mais j’en verrais un à ce qu’elle se laisse distancer par Shanghai, Londres ou par Dubaï. »162

Le registre employé est celui du pouvoir avec des termes tels que

« puissance », « fort », « ambitieux », faisant de l’action de l’État une question de compétitivité nationale. Si celle-ci s’exprime dans ce discours autant par des paramètres tels que le rayonnement universitaire ou à travers une expression architecturale visible, les « tours les plus hautes d’Europe », l’argument principal est d’ordre économique. La mondialisation et ses effets économiques et spatiaux sont affirmés comme souhaitables, voire nécessaires.

Mais cette compétitivité est mise en avant essentiellement par des éléments de communication jouant sur des représentations du territoire qui peuvent faire penser à des stratégies de marketing territorial déjà analysées au tournant du XXe siècle (Rosemberg, 2000). Ainsi, le 29 avril 2009 à la Cité de l’Architecture et du Patrimoine, Nicolas Sarkozy affirme :

« Paris est une ville-monde dont le nom a une signification pour tous les peuples de la terre. Paris est une ville-monde et une économie-monde. Elle n'est pas que la capitale de la France. Elle est aussi la rivale de Londres, de New York, de Tokyo ou de Shanghai. Elle appartient au grand réseau d'échanges et de communications planétaires. Elle a vocation à être au premier plan dans la civilisation et dans l'économie mondiale. Mais elle peut perdre son rang si nous n'y prenons pas garde.

Dans la partie qui se joue à l'échelle de la planète, rien n'est acquis. Pour rester au premier rang, il faut voir loin et il faut voir grand. Le Grand Paris, ce n'est pas seulement l'élargissement des frontières de Paris. Le Grand Paris, c'est Paris qui veut jouer un rôle dans l'économie européenne et dans l'économie mondiale. Le Grand Paris, c'est Paris qui veut être la carte maîtresse de la France en Europe et dans le monde. »163

Ce discours a une tonalité bien différente de celui du 26 juin 2007.

Alors qu’en 2007, l’Île-de-France était en retard, en 2009, son niveau de développement la situerait au premier plan sur l’échiquier mondial, et selon le Président, elle aurait « une signification pour tous les peuples de la Terre ».

Deux ans après le discours de Roissy, celui du 29 avril 2009 met en scène les actions menées par le Président de la République en Île-de-France dans une dynamique vertueuse en faveur du succès économique national. Dans les faits, aucune action autre que l’organisation d’une consultation médiatisée et la création d’un Secrétariat d’État n’a été menée. Néanmoins, le Chef de l’État cherche à faire passer l’idée que les problèmes ont été résolus et que la région parisienne aurait réussi à se moderniser. À nouveau, les termes utilisés par Nicolas Sarkozy sont ceux de la compétition : « rival » et « perdre son rang ». En positionnant les termes du débat sur des enjeux de mondialisation, tout en targuant la Région de manque d’ambition, Nicolas Sarkozy appuie encore davantage la légitimité de la prise de position de l’État en Île-de-France. Ces discours font passer l’idée que la réussite économique est une nécessité impérieuse justifiant un projet hors norme ne prenant pas en compte le travail de la Région. Ce nouveau rôle joué par l’État est exprimé à Roissy lorsque Nicolas Sarkozy dit :

« Je ne souhaite pas qu’on adopte un nouveau schéma directeur de la Région Île-de-France avant d’être allé au bout de ces questions et d’avoir défini une stratégie efficace. Une stratégie, ce n’est pas un gros mot. Je propose donc que l’ensemble des administrations concernées soient mobilisées dès l’automne 2007 sous l’œil attentif du gouvernement pour préparer les propositions d’actions nécessaires dans les champs que je viens d’évoquer, et qu’un comité interministériel d’aménagement du territoire dédié à l’Île-de-France se tienne fin 2008 pour adopter ce nouveau plan stratégique et le schéma directeur correspondant, ainsi que les textes législatifs et réglementaires nécessaires. »164

164 Discours de Nicolas Sarkozy du 26 juin 2007 à l’occasion de l’inauguration du satellite n° 3 à l’aéroport Charles de Gaulle à Roissy .

Dans ces extraits, les travaux de la Région autour du SDRIF sont remis en cause. Nicolas Sarkozy annonce que l’État aura son mot à dire quoi qu’il arrive. Le 17 septembre 2007 à la Cité de l’Architecture et du Patrimoine, il prend position :

« S'agissant de la région parisienne, je souhaite que nous réfléchissions, au-delà des clivages des uns et des autres, à un nouveau projet d'aménagement global du "grand Paris". C'est mon devoir de porter cette idée. »165

La justification d'une intervention de l’État comme relevant de son devoir et se fondant ainsi sur des bases morales, n’est plus à mettre en doute.

En plaçant le « Grand Paris » dans un jeu de compétition internationale et en faisant donc référence aux mécanismes de la globalisation, Nicolas Sarkozy, plus haut représentant de l'État, impose une vision de la région parisienne comme structurée par ces mécanismes, avec comme seul avenir envisageable et moralement valable, le renforcement de sa position dans la « partie qui se joue à l’échelle de la planète »166. L’invocation de la place de Paris dans l’économie mondiale semble bien être un argument pour justifier l’intervention de l’État sur l'aménagement de l’Île-de-France. Dans notre souci de définir les systèmes de valeurs sous-jacents à la mise en place des actions étatiques pour le « Grand Paris », il apparaît nécessaire de comprendre les représentations que véhicule l’argument de la compétition internationale.

En souscrivant au propos de Marc Abélès, selon lequel la globalisation, par ses représentations médiatiques et politiques, conduit entre autres à des transformations des représentations de l’espace local et de la place de l’État (Abélès, 2008), il nous est possible d'apprécier comment ce mécanisme opère dans le cas des discours présidentiels sur le « Grand Paris ».

Nicolas Sarkozy impose, en invoquant la dimension « métropolitaine », des enjeux de compétition internationale dépassant les enjeux régionaux. Il enjoint les collectivités territoriales à faire « métropole » en supposant

implicitement qu’il s’agirait de la voie inéluctable du développement de l’Île-de-France. Avec l’invocation d’enjeux « métropolitains », Nicolas Sarkozy évite de confronter son action à un débat direct avec les collectivités167, et encore moins à un débat public. Le Président adopte une posture jacobine, voire interventionniste, en contradiction avec la tendance générale des années 2007-2008, qui consiste plutôt à adopter des démarches de grenellisation des

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 99-103)