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3. Cas des échangeurs

3.2. Spécificités des produits minces

Les produits minces présentent des propriétés mécaniques spécifiques qui sont plus ou moins exacerbées en fonction de divers paramètres matériau et des conditions de sollicitation mécanique. Il s’agit essentiellement :

- du nombre de grains dans l’épaisseur du feuillard, - de l’épaisseur elle-même,

- de la présence de surfaces libres.

État initial

État déformé

Traction simple

Les effets de ces différents paramètres ont été étudiés dans la littérature et tout particulièrement l’effet de la taille de grains sur la plasticité. Pour des tailles de grains supérieures à quelques microns, une diminution de la taille de grains entraine un renforcement global, tel que modélisé par la relation d’Hall-Petch, Équation I-2 [95] [96].

Équation I-2 : Relation d’Hall-Petch [59] 𝜎𝑦= 𝜎𝑖+ 𝑘𝑦× 𝑑−1/2

𝜎𝑦 correspond à la contrainte à partir de laquelle un matériau polycristallin se déforme de manière

irréversible, 𝜎𝑖 à la contrainte critique de mise en mouvement des dislocations, 𝑑 au diamètre du grain et 𝑘𝑦

à une constante caractérisant la sensibilité à l’effet de la taille de grains [59]. Lorsque le polycristal obéit à cette loi, c’est l’espace laissé aux empilements de dislocations, multiplicateurs avérés des contraintes proportionnellement au nombre de dislocations empilées, qui contrôle la limite d’élasticité macroscopique. Plus le grain est gros, plus il est possible d’empiler un grand nombre de dislocations et par la même d’atteindre plus rapidement la limite d’élasticité (Rp0,2). Pour une taille de grains inférieure à quelques microns, l’effet de la taille de grains semble parfois être atténué [97] ou franchement exacerbé pour des grains nanométriques. Dans ce dernier cas, le polycristal est assimilable à un réseau de cellules réduisant les chances d’émission de dislocations et de mouvement ainsi que la longueur des empilements. En revanche, lorsque le diamètre moyen des grains atteint quelques millimètres, le comportement du polycristal, s’il est texturé, peut se rapprocher du comportement d’un monocristal anisotrope car les joints de grains qui font obstacle au mouvement des dislocations sont très éloignés du cœur du grain.

Les effets de réduction d’épaisseur sur des polycristaux jusqu’à quelques dizaines de microns induisent une diminution globale de la déformation à rupture via la localisation de la déformation due à l’échappement des dislocations par les surfaces libres et par la même à la diminution de l’écrouissage [98] [99] [100], de la contrainte à rupture [98] [99] et de la contrainte d’écoulement [101] [102]. Une modification dans les mécanismes de rupture est probablement due au changement de déformation plane à contrainte plane pour des éprouvettes plates, Figure I-74 et Figure I-75 [98].

Figure I-74 : Striction sur tôle mince, contrainte plane [92]

Figure I-75 : Striction sur tôle épaisse, déformation plane [92]

Pour des polycristaux revêtus ou des échantillons avec des épaisseurs inférieures à 10 µm, ces effets semblent s’inverser conduisant alors à une augmentation de la contrainte avec une diminution de l’épaisseur, la fuite des dislocations est empêchée [103] [104] [105] [106] [107] [108].

Les effets des surfaces libres sur les propriétés mécaniques des monocristaux ont été largement étudiés au travers d’essais mécaniques et d’analyses MET (Microscopie Electronique en Transmission) [109] [110] [111] [112] [113] [114] [115]. Ces études tendent à montrer un effet adoucissant de la surface. Mughrabi [115] a reporté un facteur de 2,5 entre la densité de dislocations proche de la surface libre et à cœur dans le cas d’un monocristal de cuivre. La structure de déformation à proximité des surfaces libres est adoucie, à cause de la fuite des dislocations, comparativement à la structure de déformation à cœur, avec un enchevêtrement de dislocations, qui in fine porte la majorité du chargement appliqué au feuillard. En conséquence, la contrainte d’écoulement macroscopique s’en trouve bien entendu réduite. Pour les

polycristaux, malgré le faible nombre d’études [116] [117], les effets des surfaces libres sont similaires à ceux observés pour les monocristaux orientés selon un système de glissement simple. Pour les monocristaux orientés selon plusieurs systèmes de glissement, les effets de surface semblent disparaître [116]. En revanche, la question se pose pour les alliages durcis par précipitation. En effet, suivant la taille et la fraction volumique de précipités durcissants, une localisation du glissement due au cisaillement des précipités peut être attendue, accompagnée d’un échappement précoce des dislocations par les surfaces libres. En revanche, lorsque la taille des précipités est suffisante pour activer les mécanismes de contournement, des interactions entre les dislocations sont possibles et évitent une fuite trop précoce des dislocations par les surfaces libres.

L’effet du rapport t/d (épaisseur sur taille de grains) a d’abord été souligné dans les années 60 par Armstrong [118] et Thomson [119]. Depuis les années 70, plusieurs études sur l’aluminium et le cuivre ont montré que les propriétés mécaniques des polycristaux sont modifiées par une diminution du nombre de grains dans l’épaisseur en-dessous d’une valeur critique. Cette dernière semble dépendre de l’énergie de défaut d’empilement et de la taille de grains [120]. La principale caractéristique est une diminution de la contrainte d’écoulement pour les échantillons présentant un faible rapport t/d. Il a également été reporté que le rapport critique t/d pour un nickel de haute pureté dépend du taux de déformation et que les coefficients de Hall-Petch sont modifiés lorsque le rapport t/d est inférieur à une valeur critique [121]. D’un point de vue industriel, plusieurs études ont été menées sur des alliages industriels afin d’investiguer l’effet du rapport t/d sur la transformation du matériau [101] [122] [123] [124] [125]. Une modification des propriétés mécaniques et une diminution de la formabilité des tôles métalliques minces ont été reportées pour une diminution du rapport t/d. Plus récemment, Keller et al. [126] ont démontré que pour des matériaux laminés avec des épaisseurs de plus en plus faibles, les modifications des propriétés mécaniques sont causées par la diminution du nombre de grains dans l’épaisseur. La Figure I-76 montre, à titre d’exemple, que la contrainte d’écoulement est indépendante de l’épaisseur tant que le ratio entre l’épaisseur et le nombre de grains est supérieur à quatre. En deçà de cette valeur, la contrainte d’écoulement est réduite mais se stabilise lorsque le rapport t/d est inférieur à 1. Ces résultats confirment la présence de mécanismes antagonistes probablement liés à des fractions volumiques de grains réagissant suivant l’un ou l’autre des mécanismes de déformation propres au volume ou propres aux surfaces libres. Cet antagonisme s’exprime pleinement dans la transition entre les deux rapports t/d de 1 à 4.

Figure I-76 : Transition d’échelle liée à l’épaisseur d’une éprouvette de nickel pur pour une taille moyenne des grains de 100 µm [126]

Le comportement mécanique peut alors être divisé en 3 domaines, les échantillons contenant plus de quatre grains dans l’épaisseur sont considérés comme des polycristaux, indépendamment de l’épaisseur. Les échantillons possédant moins de quatre grains dans l’épaisseur, avec un rapport t/d compris entre 1 et 4,

sont considérés comme des multicristaux. En revanche, si le rapport t/d est inférieur à 1, il s’agit de cristaux quasi-uniques ou polycristal plan. Le comportement mécanique est alors fortement modifié, pouvant expliquer ces difficultés de mise en forme. Ces résultats sont présentés en 3D sur la Figure I-77 [126].

Figure I-77 : Représentation 3D des différents domaines de comportement en fonction de la taille de grains et de l’épaisseur de l’éprouvette [126]

Les surfaces libres lorsqu’elles sont recouvertes d’un film d’oxydes, par exemple, ne permettent plus la fuite des dislocations. Dans ce cas, un renforcement similaire à un effet composite est constaté améliorant même la tenue à haute température du feuillard.