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Approche métallurgique des interactions entre la brasure et les métaux de base

Chapitre III : Etude du métal d’apport et approche métallurgique du cycle de

A) Microstructure composée de dendrites

4. Approche métallurgique des interactions entre la brasure et les métaux de base

Après cette étude détaillée du métal d’apport, nécessaire à la compréhension des différents phénomènes mis en jeu lors du brasage et des interactions entre brasure et métal de base, un intérêt particulier est porté au procédé de fabrication des échangeurs de chaleur chez Liebherr Aerospace Toulouse SAS (LTS) car celui-ci suscite certaines interrogations, notamment sur les effets de l’emboutissage à froid des feuillards dans le but de former des intercalaires. Cette action introduit des contraintes résiduelles avec des taux variables entre les zones courbées et les jambes d’intercalaires par exemple. Il est alors logique de se demander quels seront les effets de la relaxation de ces contraintes pendant la montée en température et quelles seront également les évolutions de microstructure et donc de propriétés mécaniques induites par ces différences d’écrouissage.

Il est également possible que le cycle de dégraissage et de décapage modifie localement, en surface, les propriétés des métaux de base. Pour ce qui concerne le dépôt de brasure, malgré une quasi-automatisation, les quantités déposées ne sont pas homogènes sur l’ensemble de la plaque de séparation. Cette hétérogénéité d’épaisseur de dépôt peut entrainer des variations dimensionnelles de l’empilement. Ainsi, lorsque le faisceau est comprimé afin de pouvoir être basculé, des écrasements locaux d’intercalaires sont possibles, modifiant ainsi la résistance mécanique de l’ensemble.

De plus, des quantités de brasure trop faibles peuvent entrainer des manques avec des joints incomplets alors qu’une trop grande quantité de brasure peut engendrer des joints trop épais et donc des tenues mécaniques médiocres mais aussi des attaques trop importantes, de type érosion, des métaux de base par le métal d’apport.

Pendant le cycle de brasage, le cément organique présent initialement avec la poudre se sublime lors de la montée en température. Il est possible que la totalité des gaz ne puissent pas s’échapper, notamment des zones confinées sous l’appui des intercalaires créant ainsi des pores. Le même phénomène peut également se produire lors de la fusion des grains de poudre. La sublimation du cément organique peut entrainer une pollution de l’atmosphère du four, pollution pouvant également être engendrée par la sublimation puis l’évaporation d’éléments possédant des tensions de vapeur très élevées comme c’est le cas du manganèse et du cuivre par exemple. Enfin, étant donné la taille des échangeurs, des gradients thermiques existent entre les angles et les faces de l’empilement mais aussi entre la peau et le cœur malgré des vitesses de chauffage relativement lentes et des paliers d’homogénéisation en température. Ces gradients provoquent des décalages de fusion, de solidification et donc des contraintes thermomécaniques.

D’un point de vue industriel, LTS a optimisé son cycle de brasage sur l’ensemble des points cités ci-après : - la charge appliquée,

- le contrôle de l’atmosphère du four, - la vitesse de montée en température, - la température de brasage,

Malgré ces optimisations, des défauts récurrents subsistent encore sur les échangeurs de chaleur à la suite du cycle de brasage. Deux types de défauts peuvent alors être définis : d’ordre métallurgique et d’ordre mécanique, sachant qu’ils sont intimement liés, Figure III-54.

Figure III-54 : Description des deux principaux types de défauts observés après le cycle de brasage

D’un point de vue métallurgique, l’objectif principal est d’éliminer la présence de phases eutectiques dans les joints brasés, notamment au niveau des congés de raccordement entre intercalaires et plaques de séparation. A cet endroit, l’épaisseur de brasure s’écarte clairement de l’épaisseur idéale et, de ce fait, favorise la présence de phases dures et fragiles néfastes vis-à-vis de la tenue mécanique et de l’intégrité de la liaison brasée.

D’un point de vue mécanique, l’objectif principal est de gommer les défauts géométriques au niveau des intercalaires emboutis. En effet, des défauts de forme sont visibles au niveau des appuis et de la verticalité des jambes de l’intercalaire.

Deux types d’approches sont alors envisagés pour diminuer voire éliminer la présence de ces défauts. Dans un premier temps, une approche métallurgique qui est l’objet de ce chapitre. Dans un deuxième temps, une approche mécanique qui fait l’objet du Chapitre IV de ce mémoire.

Pour ce qui concerne l’approche métallurgique, la littérature précise qu’il existe, en fonction des différents systèmes brasure/métal de base, une épaisseur optimale de brasure pour obtenir un brasage de qualité correspondant à un cas idéal, Figure III-55. La Maximum Brazing Clearance (MBC) correspond à l’épaisseur de joint au-delà de laquelle la microstructure contient des phases fragiles au sein de la solution solide pouvant être préjudiciables pour la tenue mécanique. Les conditions de brasage (température de brasage et temps passé à la température de brasage) doivent donc être adaptées en fonction des systèmes assemblés avec pour objectif l’obtention d’une microstructure vierge de phases fragilisantes. Les éprouvettes à jeu variable permettent de déterminer assez simplement la valeur de la MBC pour des conditions de brasage données. A titre d’exemple, pour le système BNi-5/AISI 316, après un cycle de brasage de 60 minutes à 1190 °C, les joints possédant une épaisseur inférieure à celle de la MBC, c’est-à-dire environ 50 µm, présentent une tenue mécanique acceptable, de l’ordre de celle du métal de base. Pour le système BNi-7/AISI 316, après un cycle de brasage de 60 minutes à 1065 °C, la MBC est beaucoup plus faible et vaut environ 12 µm. Au-delà de cette épaisseur, une chute des propriétés mécaniques du joint est observée. Avec ce dernier système, les joints obtenus doivent être extrêmement fins pour présenter des propriétés mécaniques correctes. Des joints aussi fins qu’une dizaine de micromètres sont difficiles à obtenir dans des conditions de brasage industrielles [13].

Figure III-55 : Evolution de la tenue mécanique des joints pour le système BNi-5 (Ni-19Cr-10,5Si)/AISI 316 après un brasage de 60 minutes à 1190 °C (à gauche) et le système BNi-7 (Ni-13Cr-10P)/AISI 316 après un brasage de 60 minutes à 1065 °C (à droite) en

fonction de l’épaisseur de joint [13]

La MBC, intrinsèque à chaque système brasure/métal de base, varie également avec la température de brasage et le temps passé à cette température, Figure III-56.

Figure III-56 : Evolution de la MBC en fonction de la température et du temps de brasage pour le système BNi-2 (Ni-7,5Cr-4,5Si- 3Fe-3B)/AISI 316 (à gauche), le système BNi-5 (Ni-19Cr-10,5Si)/AISI 316 (au centre) et le système BNi-7 (Ni-13Cr-10P)/AISI 316 (à

droite) [13]

Pour le système BNi-2 (Ni-7,5Cr-4,5Si-3Fe-3B)/AISI 316, une température de brasage plus élevée et un temps de brasage plus long permettent d’améliorer la MBC. Pour le système BNi-5 (Ni-19Cr-10,5Si)/AISI 316, la MBC varie très peu avec la température de brasage mais augmente considérablement avec le temps passé à cette température. La MBC du système BNi-7 (Ni-13Cr-10P)/AISI 316 est, quant à elle, plus sensible à la température de brasage qu’au temps de maintien en température. Ces résultats montrent clairement que la MBC est intrinsèque à chaque système brasure/métal de base et est fonction des conditions de brasage. Cependant, ces résultats issus de la littérature sont seulement applicables pour un système simple. Il est évident que dans le cas du brasage d’un échangeur thermique, ces conditions d’épaisseur « idéale » de brasure ne sont pas respectées pour l’ensemble des contacts et seule une fraction limitée de joint possède effectivement l’épaisseur désirée. De plus, la plupart du temps, il existe au sein d’un même joint un gradient d’épaisseur qui est alors source de microstructure variable. Par ailleurs, la MBC est spécifique à un système donné et, dans le cas des échangeurs de chaleur, trois systèmes sont associés. Il est alors peu probable que l’optimum d’un système corresponde effectivement à l’optimum d’un autre système.

En se focalisant sur le système Ni 201/BNi-8 (Ni-24Mn-7Si-5Cu)/Alliage 625, les analyses de composition chimique ont mis en évidence la présence de deux phases, Figure III-57.

Phase 1 : solution solide Nickel : 75 -80 %m

Manganèse : 8,5 - 10,5 %m Silicium : 5,5 - 6,5 %m Cuivre : 2,5 - 6,5 %m

Phase 2 : phase de fin de solidification

Nickel : ≈ 70 %m

Manganèse : 14 - 16 %m Silicium : 13 - 14 %m

Figure III-57 : Cliché MEB en électrons rétrodiffusés d’une liaison brasée pour le système Ni 201/BNi-8 (Ni-24Mn-7Si-5Cu)/Alliage 625

La phase numérotée 1 en gris clair correspond à la solution solide, elle est riche en nickel et contient également du manganèse, du silicium et du cuivre. La phase numérotée 2 en gris foncée avec le contour blanc correspond à une phase de fin de solidification riche en nickel, en manganèse et en silicium. Le cuivre n’est pas détecté dans cette phase. Afin de caractériser le comportement de ces phases, une étude a été menée en Analyse Thermique Différentielle (ATD).

Dans un premier temps, la caractérisation de la brasure seule sert de référence. L’échantillon de brasure a subi deux fusions à 5 K/min et deux solidifications à 5 K/min. Etant donné que les résultats entre la première et la deuxième fusion et entre la première et la deuxième solidification sont proches, seules les deuxièmes fusions et solidifications sont présentées, Figure III-58 et Figure III-59.

Figure III-58 : Courbe thermique différentielle lors de la deuxième fusion pour l’échantillon de brasure seule (BNi-8) L’intervalle de fusion est inclus entre 987 °C et 1026 °C.

Alliage 625 Ni 201

Joint

Phase 1

Figure III-59 : Courbe thermique différentielle lors de la deuxième solidification pour l’échantillon de brasure seule (BNi-8) L’intervalle de solidification est inclus entre 1000 °C et 977 °C. La microstructure finale obtenue est présentée sur la Figure III-60.

Figure III-60 : Microstructure après deux fusions et deux solidifications pour l’échantillon de brasure seule

En plus des phases eutectiques, une faible proportion de dendrites primaires est observée en clair. Elles sont encerclées en rouge sur la Figure III-60.

Dans un second temps, afin de reproduire la composition chimique de la solution solide, un mélange de brasure et de poudre de nickel a été réalisé pour obtenir une teneur de 80 %m de nickel dans le nouvel alliage formé, valeur déterminée précédemment par les analyses de composition chimique. Les différentes étapes du calcul sont détaillées par la suite, Équation III-1.

Équation III-1 : Détermination de la quantité de poudre de nickel à ajouter à la brasure pour obtenir une teneur en nickel