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A. euteiches se retrouve-t-elle à l'échelle parcellaire ?

5 M ATERIELS ET METHODES

6.2 Spécificité d'hôte d'isolats d' A.euteiches issus d'une même parcelle

6.2.1 En fonction de l'espèce-piège

Tous les isolats issus de la parcelle de Cléguérec attaquent le pois, la vesce, la luzerne et la féverole, indépendamment de la Légumineuse à partir de laquelle ils ont été piégés (Tableau 1.3). En revanche, aucun n'est pathogène sur haricot, même après piégeage sur cette espèce. Ils sont tous classés dans le phénotype de virulence PVAF.

Sur pois et vesce, les isolats présentent tous une grande homogénéité d'agressivité (IN moyens de 3.94 à 4.44 sur pois, 3.52 à 4.21 sur vesce). Sur luzerne, ils sont moyennement agressifs (IN de 2.52 à 3.50), seul BRE 93 (isolé de pois) provoque des symptômes moins importants. Sur féverole, deux des isolats les plus agressifs (BRE88 et BRE89) ont été piégés sur cette espèce.

La Figure 1.8 permet de visualiser le niveau d'agressivité des isolats suivant leur hôte d'origine, comparés à Ae112, isolat issu de haricot aux USA, et Ae110, isolat de pois préalablement caractérisé comme polyphage. Les isolats ont tous le même comportement sur pois et vesce, quel que soit leur hôte d'origine. La différence entre les isolats de haricot

BRE95 et BRE96 et la référence AE112 est particulièrement frappante : ces deux isolats sont très agressifs sur pois et non-pathogènes sur haricot, alors que la souche de référence est respectivement non pathogène et très agressive sur les mêmes hôtes. De même, les isolats issus de luzerne ne sont pas significativement plus agressifs sur leur hôte d'origine que les autres isolats. Seuls les isolats provenant de féverole semblent avoir une légère préférence pour leur hôte d'origine.

Les trois isolats issus de lentille sont très agressifs sur pois, moyennement agressifs sur vesce et luzerne, faiblement agressifs sur féverole. Sur haricot, seul Ae169 est pathogène (Tableau 1.3). D'après ces résultats, Ae166 et Ae167 sont classés dans le phénotype PVAF, tandis que Ae169 est classé dans le phénotype PVAFB. D'après leur profil d'agressivité sur les 5 espèces, ces trois isolats se classent dans le pathotype B.

6.2.2 En fonction de la localisation sur la parcelle

Les 16 isolats d' A.euteiches prélevés sur pois venant de la plateforme du Fretoy (77) sont tous pathogènes sur pois, vesce, luzerne, et féverole ; sur haricot, seul SOL75 est faiblement pathogène. SOL75 est donc le seul isolat PVAFB alors que tous les autres sont du phénotype de virulence PVAF (Tableau 1.4).

Sur pois, tous les isolats sont très agressifs (IN de 4.00 à 5.00). Sur vesce et luzerne, la variabilité observée est très faible : tous sont moyennement agressifs (IN de 2.75 à 3.69, et de 2.72 à 3.71 respectivement). Sur féverole, les différences sont plus marquées : SOL72 est moyennement agressif, et du même niveau que la référence Ae110 (IN de 3.21 et 3.08 respectivement), tandis qu' à l'opposé, SOL41, SOL65 et SOL78 sont très peu agressifs, du même niveau que Ae112.

De par leurs profils d'agressivité sur les 5 espèces, SOL72 est classé dans le pathotype A et les autres isolats dans le pathotype B.

Aucun lien n'a pu être mis en évidence entre les différences de pouvoir pathogène sur Légumineuses et la localisation des isolats sur la pépinière (Figure 1.6).

D'après ces résultats, il existe bien en France des isolats d'A.euteiches capables d'infecter naturellement d'autres Légumineuses que le pois (en conditions favorables à l'expression de la maladie). Cependant, sur deux autres sols provenant de zones très infestées de l'Est du Bassin Parisien (dont l'un en rotation pois-féverole), les seuls isolats mis en évidence l'ont été sur pois (données non présentées). Il semble donc que le pois révèle bien toute la variabilité des populations d' A.euteiches présentes dans les sols français, même si le nombre de sols étudiés est trop faible pour être considéré comme représentatif de l'ensemble de la situation française.

D’autre part, il n’est pas observé ici de spécialisation préférentielle sur l’hôte d’origine : les isolats, qu'ils aient été piégés sur féverole, luzerne, haricot ou lentille, sont préférentiellement agressifs sur le pois, et secondairement la vesce, et souvent de même phénotype de virulence (PVAF dans l'immense majorité des cas). Par ces deux points, la situation française est très différente de la situation américaine. Les dernières études publiées (Grau et al., 1991; Holub

et al., 1991; Malvick et al., 1998) citent en effet de nombreux cas d’isolats pathogéniquement

très différents piégés sur un même échantillon de sol, notamment des isolats de pathotypes "pois" et "haricot", coexistant dans une même parcelle et qui ont la possibilité de s'interféconder (Shang et al., 2000). D'autre part, les isolats de luzerne des USA et du Canada sont préférentiellement pathogènes sur luzerne, et non pathogènes sur pois (Beghdadi et al., 1992), de même que les isolats de trèfle par exemple (Malvick et al., 1998). La situation française est également différente de celle observée au Royaume-Uni : à partir d'une parcelle à rotation féverole, un isolat très spécialisé sur féverole a été mis en évidence (Salt & Delaney, 1986).

Ces différences de situation sont sans doute révélatrices de différences d'historiques culturaux, mais peut-être aussi de différences au niveau de la composition de la population parasitaire, celle de France paraît plus polyphage mais monomorphe et prioritairement pathogène sur pois, celle d'Amérique est plutôt divisée en sous-populations assez spécialisées sur leur hôte d'origine.

Par ailleurs la variabilité intraparcellaire de la spécificité d'hôte apparaît très ténue, et sans lien apparent avec la localisation des isolats sur la plateforme du Fretoy, contrairement à ce que pouvait laisser penser l'observation de plus fortes attaques dans la zone correspondant aux

isolats SOL39, SOL58 et SOL75, mais aussi contrairement aux observations de Malvick (1998) concernant une certaine zonation de virulence sur une parcelle du Minnesota.

La variabilité pathogène intraparcellaire d' A.euteiches apparait en tout cas bien moindre que celle observée sur d'autres modèles, tels que Magnaporthe grisea, agent responsable de la pyriculariose du riz : 39 pathotypes ont ainsi été mis en évidence dans une même parcelle (Levy et al., 1993). L'analyse moléculaire des populations d' A. euteiches présentes dans ces parcelles va nous permettre de vérifier si ces faibles différences correspondent à une structure de population particulière. L'étude de la variabilité intraparcellaire serait également intéressante à reprendre sur une parcelle présentant un ou plusieurs foyers particulièrement touchés, ce qui permettrait de vérifier si ces foyers sont des îlots constitués de clones plus agressifs, ou correspondent simplement à des zones où le potentiel infectieux du sol est plus élevé.