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A. EUTEICHES PARMI LES CHAMPIGNONS PHYTOPATHOGENES D ' ORIGINE TELLURIQUE

4 I NTERET DES MARQUEURS MOLECULAIRES DANS LES ETUDES DE DIVERSITE DES POPULATIONS

4.1 Grands types de marqueurs- Principe

Les marqueurs moléculaires peuvent être classés en deux catégories majeures (de Vienne, 1998) : les marqueurs codominants et révélés individuellement, et les marqueurs dominants et révélés en masse ("empreintes génétiques") (Tableau S.5).

4.1.1 Marqueurs codominants révélés individuellement

Ces marqueurs permettent d'aborder deux types de polymorphisme :

4.1.1.1 le polymorphisme de séquence

Il est le plus souvent estimé par des méthodes indirectes, plus rapides que le séquençage, basées sur la détection de différences de sites de restriction, de conformation ou d'hybridation d'amorces.

 On trouve dans cette catégorie la technique de "polymorphisme de longueur des fragments de restriction" (Restriction Fragment Length Polymorphism, ou RFLP), qui consiste à digérer l'ADN génomique par des enzymes de restriction reconnaissant des sites de coupure spécifiques, puis à hybrider une sonde (petit fragment d'ADN) qui va reconnaître un endroit (ou locus) particulier sur le génome. Cette technique peut cependant être aussi utilisée pour faire des "empreintes génétiques", par utilisation d'une sonde répétée-dispersée (par exemple, sonde RG57 chez Phytophthora infestans (Goodwin, 1997)).

 La technique de "digestion de produit d'amplification" (Cleaved Amplified Polymorphic Sequence, ou CAPS), appelée également PCR-RFLP, est dérivée des RFLP. Dans ce cas, on amplifie une région du génome donnée (souvent un gène) par PCR avec des amorces spécifiques, et le polymorphisme de séquence dans cette région est estimé par digestion enzymatique et migration sur gel d'agarose. L’un des exemples les plus connus sur les champignons est l’étude de la région des espaces

internes transcrits (ITS) dans la zone codant pour l'ARN ribosomique : cette région, très conservée au niveau intraspécifique, permet de différencier différentes espèces d’un même genre, et a servi de base à plusieurs études de taxonomie moléculaire (Mugnier, 1998; Leclerc et al., 2000)

 La technique de "polymorphisme de conformation simple brin" (Single Strand Conformation Polymorphism, ou SSCP) révèle le polymorphisme de séquence par les différences de conformation. Lorsqu’un fragment d’ADN double brin est dénaturé par chauffage à 95°C, puis rapidement refroidi, les molécules simple brin n’ont pas le temps de se réapparier, mais forment une structure secondaire stable par des réassociations au niveau de zones complémentaires. Les différences de séquence peuvent entrainer des différences de conformation qui sont détectées par une migration en conditions non dénaturantes sur gel d’acrylamide. La technique de PCR-SSCP relève du même principe que les CAPS : on révèle le polymorphisme de séquence d'une région génomique, préalablement amplifiée par PCR, mais cette fois par ses différences de conformation (de Vienne & Santoni, 1998).

4.1.1.2 Le polymorphisme de nombre d’unités de répétition

 Les microsatellites, ou SSR (simple sequence repeats) sont constitués de répétitions en tandem de motifs mono-, di-, tri- ou tétranucléotidiques (par exemple (TC)n, (TAT)n, etc..). Ces motifs sont très abondants chez les Eucaryotes, répartis sur tout le génome, et d’un polymorphisme extrèmement élevé. Chaque locus microsatellite va être révélé individuellement, par amplification PCR grâce à des amorces flanquantes ; le polymorphisme de longueur de ce locus sera révélé par migration sur gel d’acrylamide. Ces marqueurs spécifiques de locus, codominants et hautement polymorphes sont des outils de choix en génétique des populations, mais aussi en cartographie génétique. Très utilisés chez les animaux et les végétaux supérieurs, ils sont moins fréquemment cités chez les champignons. Leur mise en œuvre reste très lourde : il faut cribler une banque génomique avec une sonde du microsatellite, séquencer les clones positifs, synthétiser les amorces et tester les paires d’amorces sur un échantillon d’individus pour estimer leur polymorphisme.

4.1.2 Les marqueurs révélés en masse ("empreintes génétiques")

Contrairement aux marqueurs décrits précédemment, les techniques abordées ici permettent de révéler en même temps plusieurs loci sur tout le génome, et donc de caractériser un

génotype. Sur cette partie, nous nous limiterons à deux techniques : la RAPD et l’AFLP, qui révèlent toutes deux du polymorphisme de séquence.

4.1.2.1 Différences de sites d’hybridation d’une amorce arbitraire

Les techniques de “profils d’amplification arbitraires multiples” (Multiple Arbitrary Amplicon Profiling ou MAAP) ont pour principe d’amplifier des régions du génome d’un individu donné avec une amorce de séquence arbitraire. Parmi ces techniques, celle d’ “ADN polymorphe amplifié au hasard” (Random Amplified Polymorphic DNA, ou RAPD) utilise des amorces de 9 à 10 bases. Cette méthode est très populaire en biologie végétale et en pathologie végétale, de par sa simplicité et sa rapidité de mise au point. Son inconvénient majeur reste le relatif manque de reproductibilité des résultats et les difficultés de transfert de technique entre laboratoires.

4.1.2.2 Différences de sites de restriction et de sites d’hybridation d’une amorce arbitraire

La technique de “polymorphisme de longueur des fragments amplifiés” (Amplified Fragment Length Polymorphism, ou AFLP (Vos et al., 1995)) est fondée sur la mise en évidence de polymorphisme de sites de restriction et d’hybridation d’amorce arbitraire. L’ADN est d’abord digéré par deux enzymes de restriction (l’une coupant souvent, comme MseI, et l’autre coupant rarement, comme EcoRI), puis les bouts cohésifs sont ligués à des adaptateurs

EcoRI et MseI, de séquence connue, qui ajoutent 20 bases de part et d’autre des fragments.

Une première amplification, dite non sélective, avec des amorces (homologues des

adaptateurs) prolongées en 3’ d’une base arbitraire, ne va amplifier qu’un sous-ensemble des fragments EcoRI-MseI (les fragments MseI-MseI et EcoRI-EcoRI ne seront pas amplifiés). Les fragments amplifiés vont ensuite subir une deuxième amplification, dite sélective, avec des amorces homologues des adaptateurs et prolongées en 3’ de deux, trois ou plusieurs bases arbitraires. Cette technique révèle un nombre élevé de bandes polymorphes, qui sont le plus souvent bien réparties sur l’ensemble du génome. Elle est de plus en plus utilisée en biologie végétale, mais aussi chez les champignons, comme technique d’empreintes génétiques.

4.2 Quels marqueurs ? Pour quoi faire ?

Le tableau S.6 résume les caractéristiques des principaux types de marqueurs, et le tableau S.7 donne un aperçu de leurs champs d'application en analyse génétique des champignons. Pour choisir la technique la plus appropriée, il faut savoir quel est le niveau de

approches analytiques ou statistiques disponibles, ainsi que le temps et le coût matériel requis par ces techniques (Wang & Szmidt, 2000).

Les marqueurs de PCR-RFLP (CAPS) ou PCR-SSCP sont surtout utilisés sur des régions génomiques connues, comme par exemple la région des gènes codant pour l'ARNr (espaces internes transcrits (ITS), 5.8S, 18S ou 28S). Les régions 18S et 28S sont très conservées dans l'évolution, et ont d'ailleurs servi à comparer des organismes distants, de différents genres, familles ou même règnes (voir par exemple la synthèse de Mugnier (1998)). Les ITS, plus variables, permettent de comparer plusieurs espèces d'un même genre, et d'en déduire des amorces PCR spécifiques d'espèce, de genre ou de famille (Wang & Szmidt, 2000). Ces outils sont d'une grande utilité en étiologie, par exemple pour caractériser des sous-groupes de

Rhizoctonia solani associés au dépérissement du maïs (Pascual et al., 2000) et du riz

(Matsumoto et al., 1996), ou pour éclaircir les relations taxonomiques entre espèces de morille (Buscot et al., 1996), mais également en détection et identification (Moricca & Ragazzi, 1998; Zhang et al., 1999). Leur faible variabilité au niveau intraspécifique rend cependant leur usage peu adéquat à la comparaison de populations d'une même espèce.

Les marqueurs codominants spécifiques de locus (RFLP, microsatellites) sont très adaptés aux études de génétique des populations, où il faut avoir accès aux allèles de chaque locus. Ils demandent néanmoins un fort investissement initial de mise au point, pour cribler des loci éventuellement polymorphes. La RFLP nécessite également l'isolement de grosses quantités d'ADN.

Les empreintes génétiques peuvent être mises en œuvre sans connaissance préalable du génome de l'organisme, et nécessitent peu d'ADN grâce à l'utilisation de la PCR (Tableau S.6). Répartis sur l'ensemble du génome, ils semblent plus propices à l'identification de génotypes différents à l'échelon intraspécifique.