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Spécificité de la dépression chez les patients avec une maladie d’Alzheimer

PARTIE I. L'ÉTAT DE LA QUESTION

III.2. Diagnostic de la dépression chez les sujets déments

III.2.2. Spécificité de la dépression chez les patients avec une maladie d’Alzheimer

Le diagnostic de la dépression dans la MA n'est pas simple.

Premièrement, les symptômes de dépression, comme le ralentissement psychomoteur, la labilité émotionnelle, des crises de larmes, l’insomnie, la perte de poids, l'incapacité à verbaliser ses affects, et le pessimisme sont présents à la fois chez les patients dépressifs et les patients non dépressifs (McGuire & Rabins 1994). En outre, les symptômes de la dépression dans la MA se chevauchent avec d'autres manifestations neuropsychiatriques de la démence, et plus particulièrement l'apathie. L'apathie est une comorbidité neuropsychiatrique courante de la dépression dans la MA ce qui les rend difficiles à discriminer. L'étude Cache County a signalé que la prévalence de l'apathie chez les patients atteints de MA était de 27,3%; et plus de 40 % des patients apathiques avec une MA avaient une dépression. De même, que 56,4 % des patients atteints de MA avec une dépression avaient une apathie (Lyketsos et al., 2001). Les symptômes de la dépression comme la perte d'intérêt, une lenteur psychomotrice, la fatigue, l’hypersomnie et le manque de perspicacité sont courants dans l'apathie (Marin, 1990; Marin et al., 1993). Cliniquement, les symptômes de dysphorie (tristesse, sentiment de culpabilité, d'autocritique, d'impuissance et de désespoir) distinguent la dépression de l'apathie. La recherche actuelle soutient la validité de l'apathie dans MA comme un syndrome distinct et discriminable dans le MA (Starkstein et al., 2001). En outre, la co-occurrence de l'apathie et la dépression semble varier dans les affections neurologiques, suggérant que ce sont deux entités neuro-anatomiquement distinctes (Levy et al., 1998; Marin

Deuxièmement, la dépression tardive peut être subtile, même pour les gériatres expérimentés. Par exemple, les patients âgés dépressifs ont tendance à nier la présence d’une humeur dépressive et mais signalent un manque de sentiment ou d'émotion ou reconnaissent une perte d'intérêt et de plaisir dans les activités de la vie quotidienne. La tendance de la personne âgée dépressive à signaler moins de symptômes affectifs est retenue dans le concept de "dépression sans tristesse" (Gallo & Rabins, 1999). En outre, l'expression de syndromes dépressifs peuvent changer avec la progression de la MA (Forsell et al., 1993). Ces ambiguïtés cliniques et nosologiques peuvent conduire à un sous diagnostic de dépression tardive (Mulsant & Ganguli, 1999).

Un troisième facteur qui complique le diagnostic de la dépression dans la MA est l'incapacité du patient de communiquer sa détresse de façon cohérente. Car l'aphasie est un symptôme fréquent chez les patients avec une MA, le clinicien doit souvent compter sur le comportement du patient avec ou sans observations de l’entourage. Par exemple, Mackenzie et al. (1989) ont constaté 14 % de dépression chez les patients Alzheimer s’ils effectuent l’entretien des patients, et 50 % par l’entretien de l’entourage. Habituellement, les patients atteints de MA se perçoivent comme moins dépressifs que les aidants ou les cliniciens (Teri & Wagner, 1991). Cela pourrait être lié à une meilleure appréciation de l’entourage face à la dépression (par rapport aux patients MA) ou simplement l'échec des aidants à faire la distinction entre l'apathie et la dépression (par exemple, confondant le manque d'initiative avec la perturbation de l'humeur).

Pour palier à toutes ces difficultés de diagnostic de la dépression chez les sujets déments surtout chez les sujets Alzheimer, le National Institute of Mental Health (NIMH) a développé avec un consensus d’experts, un critère provisoire de la dépression dans la maladie d’Alzheimer (NIMH-dAD) (Olin et al., 2002). Ce critère est dérivé du critère de dépression majeure du DSM-IV (APA, 1984), mais la perte d’intérêt a été changée en perte de plaisir social, et des critères spécifiques pour l’irritabilité et l’isolement social ont été inclus. Dans ce critère NIMH-dAD (Tableau I.16.) au moins trois des symptômes sont nécessaires pour le diagnostic, à la place de 5 ou plus pour le diagnostic d’un épisode dépressif majeur. Ce critère a été validé

par une étude de Teng et al. (2008), pour lequel ils ont retrouvé une spécificité de 85 % et une sensibilité de 94 %, avec comme gold-standard le DSM-IV.

Tableau I.16. Critère de diagnostic de la dépression dans la maladie d’Alzheimer (Olin et al., 2002).

National Institutes of Mental Health Criteria for Depression in Alzheimer’s Disease -NIMH-dAD

Olin et al., 2002

Le patient doit avoir au moins 3 des symptômes suivants dans une période de 2 semaines :

Humeur dépressive cliniquement significative

Diminution de l’affect positif ou du plaisir dans les activités habituelles

Perturbation de l'appétit

Perturbations du sommeil

Changements psychomoteurs (par exemple, agitation ou ralentissement)

Perte d'énergie

Sentiments d'inutilité, de désespoir ou de culpabilité excessive

Diminution de la capacité à se concentrer

Pensées récurrentes de mort ou de suicide

L'isolement social ou de retrait

Irritabilité

Note: Les symptômes ne doivent pas être directement dus à la maladie d’Alzheimer ou d'une toute autre condition médicale. Au moins 1 symptôme le signe de la présence d’une humeur dépressive ou d’une diminution d'affect positif.

Une limitation potentielle de l’utilisation de ce critère est la possibilité d’un sur-diagnostic de la dépression surtout dans les stades sévères de démence.

Olin et al. (2002) parle d’hétérogénéité dans l’étiologie de la dépression dans la maladie d’Alzheimer et il distingue quatre sous-types de syndromes dépressifs dans les démences :

réaction émotionnelle aux troubles cognitifs ;

dépressions récurrentes ;

dépression vasculaires, présence d’une pathologie vasculaire avec la MA

le processus neurodégénératifs de la MA qui entraînerait la symptomatologie dépressive (ex : les troubles de l’humeur dûs aux conditions médicales générales) (Alexopoulos, 2003).

III.2.3. Spécificité de la dépression chez les patients avec un autre

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