• Aucun résultat trouvé

DE LA LONGEVITE AU POUVOIR DANS LES PAYS AFRICAINS

Section 3. Analyse des modèles de durée au pouvoir de chef d’Etat

3.2.2. Spécification du modèle de durée

L'analyse empirique sur la durée peut être réalisée en formulant un modèle de survie. Les modèles de survie sont applicables pour les données où pour chaque unité d'observation i à une période t donnée. Dans ce cas, le critère de survie est défini par la somme des années qu'un Chef d’Etat est au pouvoir h pour l'année de réalisation t.

Nous spécifions le modèle de survie au moyen d'un modèle standard de risque pro-portionnel paramétrique (voir par exemple Kalbfleisch et Prentice, 2011), qui est donné par :

𝑖𝑐 (t/𝑥𝑖𝑐) = ℎ0(𝑡) 𝑒𝑥𝑝 𝑥𝑖𝑐𝛽𝑥 (1)

Où ℎ𝑖𝑐 est la somme des années à laquelle un chef d’Etat est au pouvoir dans un pays c. ℎ𝑖𝑐 (t) est proportionnel à la durée au pouvoir ℎ0, à l'instant t et dépend d’un vecteur 𝑥𝑖𝑐 de variables explicatives avec le vecteur correspondant des coefficients de régression x. La fonc-tion exponentielle assure que ℎ𝑖𝑐 (t) reste non-négatif. La forme fonctionnelle de ℎ0(𝑡) doit être spécifiée. Puisque l'intérêt de cette analyse réside dans la durée au pouvoir politique, nous re-formulons le modèle de risque standard dans la métrique log-time, ce qui donne :

𝑙𝑛(𝑡𝑖𝑐) = 𝑥𝑖𝑐𝛽𝑥 + 𝜖𝑖 (2)

Où la distribution du terme d'erreur dépend de la distribution supposée de 𝜏𝑖𝑐 =𝐸𝑥𝑝 (𝑥𝑖𝑐𝛽𝑥)𝑡𝑖𝑐. De 𝜏𝑖𝑐 = 𝐸𝑥𝑝 (𝑥𝑖𝑐𝛽𝑥)𝑡𝑖𝑐 suit que 𝑡𝑖𝑐 = 𝐸𝑥𝑝 (𝑥𝑖𝑐𝛽𝑥)𝜏𝑖𝑐 et que

𝑙𝑛(𝑡𝑖𝑐) = 𝑥𝑖𝑐𝛽𝑥 + 𝑙𝑛(𝜏𝑖𝑐) (3)

9Le AIC est défini par : AIC = -2ln(L) + 2k, avec BIC = -2ln(L) + ln(N) k. Dans les deux formules, L est l’esti-mateur de maximum de vraisemblance, k est le modèle de degré de la liberté et N est le nombre d’observation.

52 La distribution de 𝑙𝑛(𝜏𝑖𝑐) dépend de l'hypothèse distributionnelle de𝜏𝑖𝑐. Dans les ap-plications empiriques, le choix de la distribution du 𝜏𝑖𝑐 détermine la distribution du terme d'er-reur. De plus, 𝜏𝑖𝑐 est généralement supposé avoir une moyenne de 𝛽0. Si l'on suppose, par exemple, 𝜏𝑖𝑐 ~ 𝐸𝑥𝑝𝑜𝑛𝑒𝑛𝑡𝑖𝑒𝑙 {𝐸𝑥𝑝 (𝛽0)} alors : 𝑙𝑛(𝑡𝑖𝑐) = 𝛽0+ 𝑥𝑖𝑐𝛽𝑥 + 𝜇𝑖𝑐, où le terme d'er-reur 𝜇𝑖𝑐 suit la valeur extrême de la distribution. Dans notre analyse empirique, nous estimons des équations comme (3) pour deux hypothèses de distribution sur 𝜏𝑖𝑐.

La spécification de base du modèle du temps qu’un chef d’Etat mette pour une année donnée est illustrée par :

𝑳𝒏(𝒕𝒊𝒄) = 𝜶𝟏𝑨𝒈𝒆 𝒅′𝒆𝒏𝒕𝒓é𝒆 + 𝜶𝟐𝒍𝒏𝑮𝑫𝑷𝒑.𝒄.𝒄+ 𝜶𝟑𝒍𝒏𝑷𝒐𝒑𝒄+ 𝜶𝟒𝒍𝒏𝒓𝒆𝒏𝒕𝒓𝒆𝒔𝒔𝒄+ 𝜶𝟓𝒍𝒏𝒓𝒆𝒏𝒕𝒑𝒆𝒕𝒓𝒄+ 𝜶𝟔𝒍𝒏𝒓𝒆𝒏𝒕𝒎𝒊𝒏𝒄+ 𝜶𝟕𝒍𝒏𝒊𝒏𝒇𝒍𝒂𝒕𝒊𝒐𝒏𝒄+ 𝜶𝟖𝒍𝒏𝒇𝒓𝒂𝒈𝒄+ 𝜶𝟗𝒍𝒏𝒅𝒆𝒎𝒐𝒄+

𝜶𝟏𝟎𝒍𝒏𝒆𝒅𝒖𝒄+ 𝜶𝟏𝟏𝒍𝒏𝒎𝒐𝒓𝒕 𝒊𝒏𝒇𝒄+ 𝒍𝒏(𝝉𝒊𝒄) (4)

La spécification du risque proportionnel correspondante en supposant que h0 (t) soit Gompertz distribué, peut s’écrire comme suit :

𝑳𝒏(𝒙/𝒕𝒊𝒄) = 𝑬𝒙𝒑 𝜸 𝒆𝒙𝒑 (𝜶𝟏𝑨𝒈𝒆 𝒅′𝒆𝒏𝒕𝒓é𝒆 + 𝜶𝟐𝒍𝒏𝑮𝑫𝑷𝒑.𝒄.𝒄+ 𝜶𝟑𝒍𝒏𝑷𝒐𝒑𝒄+ 𝜶𝟒𝒍𝒏𝒓𝒆𝒏𝒕𝒓𝒆𝒔𝒔𝒄+ 𝜶𝟓𝒍𝒏𝒓𝒆𝒏𝒕𝒑𝒆𝒕𝒓𝒄+ 𝜶𝟔𝒍𝒏𝒓𝒆𝒏𝒕𝒎𝒊𝒏𝒄+ 𝜶𝟕𝒍𝒏𝒊𝒏𝒇𝒍𝒂𝒕𝒊𝒐𝒏𝒄+ 𝜶𝟖𝒍𝒏𝒇𝒓𝒂𝒈𝒄+ 𝜶𝟗𝒍𝒏𝒅𝒆𝒎𝒐𝒄+

𝜶𝟏𝟎𝒍𝒏𝒆𝒅𝒖𝒄+ 𝜶𝟏𝟏𝒍𝒏𝒎𝒐𝒓𝒕 𝒊𝒏𝒇𝒄+ 𝒍𝒏(𝝉𝒊𝒄)) (5)

Où 𝛾 est le paramètre de la forme. Aors qu'un 𝛾 > 0 ou 𝛾 < 0 indique que h0 (t) augmente (diminue) avec le temps. A partir des équations (4) et (5), on peut facilement voir que l'interprétation des coefficients estimés sera différente. Un effet positif (négatif) d'une variable donnée dans la métrique du temps de propagation prolonge le délai prévu jusqu'à l'échec, ce qui correspond à un impact négatif (positif) de la variable sur le taux de risque dans la mesure du risque proportionnel. Par conséquent, nous nous attendons à ce que les signes des effets estimés dans l'équation (5) soient exactement le contraire des effets obtenus en utilisant une formulation logométrique.

La spécification empirique suppose que la durée du pouvoir politique dépend des dé-terminants spécifiques de la rente de ressources naturelles et du capital humain. Les travaux d’Alesina et al. (1992), permettent d’identifier les variables de contrôle qui pourraient être en mesure d'expliquer les différences dans la durée à travers les différents pays. En outre, pour

53 tenir compte de la tradition pays-spécifique dans la mise en scène d’un coup d'Etat, nous in-cluons la démocratie comme indicateur. Nous attendons que les chefs d’Etat survivent plus longtemps dans les pays où les ressources naturelles sont abondantes. Et comme la durée des dirigeants politiques dépendent de l'environnement économique dans lequel le leader agit. Dans les pays démocratiquement organisés, nous nous attendons à des taux de risque décroissants avec un niveau d’éducation élevé. Bien que cette relation ne doive pas nécessairement être vraie pour les pays qui ne sont pas démocrates (Lipset, 1959).

Section 4. Présentation des résultats d’estimation et Interprétations écono-miques

Nous considérons une fonction de risque monotone. C’est une hypothèse couramment utilisée dans l’analyse de la survie des leaders (Bueno de Mesquita et al. 2003). De fait, l’on peut suggérer que plus un régime dure, moins le risque de quitter le pouvoir est élevé ceteris paribus, dans ce cas on serait en présence d’une fonction monotone décroissante. Néanmoins, l’on peut considérer qu’au fur et à mesure qu’un régime ne dure, plus le risque de quitter le pouvoir est élevé ceteris paribus, dans ce cas on serait en présence d’une fonction monotone croissante. Quel que soit l’un de ces cas, la modélisation Lognormal apparaît la plus adaptée en comparaison des autres formes fonctionnelles usuelles.

En outre, le choix de cette forme fonctionnelle est validé par le critère d’Akaike (AIC). L’estimation par l’utilisation de la forme fonctionnelle Lognormal révèle une statistique AIC = 1033.398 ; bien inférieure à celles révélées par l’utilisation des formes fonctionnelles Weibull et Exponentielle.

Le tableau 4 présente les résultats de trois estimations par la méthode lognormal. Les rentes pétrolière et minière sont considérées séparément dans les estimations exposées dans les colonnes (1) et (2) du tableau. La colonne (3) expose une estimation contenant la variable ca-pital humain. L’intérêt de ces trois estimations est de juger de la sensibilité de nos résultats. Il apparaît que sur les trois estimations, le modèle est globalement significatif et la valeur des coefficients ainsi que les seuils de significativité associés à la variable rente pétrolière et à la variable rente minière demeurent inchangés. Du reste, la valeur marginale des coefficients ne peut pas être interprétée dans la métrique dont ils sont donnés, ne sont interprétables que les signes associés. Un signe positif (négatif) du coefficient implique un effet positif (négatif) de la variable considérée sur la durée (le risque de sortie) de l’état observé (être au pouvoir).

54 Tableau 4. Résultats d’estimation sur les déterminants de la longévité au

pou-voir

Variable Dépendante Log (T), Estimation Lognormal

Modèle 1 Modèle 2 Modèle 3

Rente pétrolière 0.0130*** 0.00828*** (0.00223) (0.00279) Rente minière 1.388*** (0.473) Education -0.619** (0.289) Age*durée 0.0319*** 0.0327*** 0.0592*** (0.00410) (0.00290) (0.00707) Démocratie -0.336*** -0.352*** -0.0726 (0.102) (0.0680) (0.149) Croissance 0.00406 (0.00808) Inflation 1.13e-05 (2.84e-05) Mortalité infantile 0.0194*** (0.00400) Espérance de vie -0.0301 (0.0233) Population -1.33e-08*** (1.75e-09) Constant 0.213 -1.163** -2.429 (0.261) (0.504) (1.550) Observations Nombre de pays Log-vraisemblance Paramètre d’échelleσ 391 36 -501.20 0,87 846 36 -1149.21 0,06 171 36 -175,39 0,67 Test de Wald 107.70*** 124.70*** 141.55***

Les écarts-types robustes sont entre parenthèses ; *, **, et *** indiquent respectivement les significa-tivités à 10%, 5%, et 1%.

Source : auteure à partir des données de la banque mondiale (2015) et Archigos (2016)

Notes : le modèle (1) est l’estimation du modèle de durée avec rente pétrolière comme variable

d’inté-rêt et l’âge d’entrée au pouvoir croisé avec la durée et la démocratie sont prises comme variables de contrôle. Et le modèle (2) est l’estimation du modèle de durée avec la rente minière comme variable d’intérêt ainsi que les mêmes variables de contrôle utilisées dans le modèle (1). Le dernier modèle (3) prend en compte plusieurs va-riables de contrôle notamment : la mortalité infantile, l’inflation, l’espérance de vie, la croissance, la population, la démocratie et l’âge d’entrée au pouvoir*durée. La prise en compte du capital humain dans l’équation passe par l’éducation, nous expliquons son aspect plutôt éducatif que l’aspect sanitaire. L’estimation par le maximum de vraisemblance du paramètre d’échelle σ a donné des valeurs de 0,87, 0,06 et 0,67 (respectivement selon le modèle 1, 2 et 3) impliquant un paramètre p>1. Ce qui suggère que notre fonction de risque est monotone croissante, en d’autres termes pour les chefs d’Etat des pays africains la probabilité de quitter le pouvoir augmente avec la durée de leur exercice.

55 Les rentes pétrolière et minière impactent la longévité au pouvoir en ce sens que dans les pays où la rente est plus élevée, la durée au pouvoir augmente. Il est intéressant de noter que la croissance économique (mesurée en termes de croissance annuelle moyenne du PIB réel par habitant) ne peut expliquer significativement les différences de durée au pouvoir. Cepen-dant, l’effet est toujours insignifiants et, par conséquent, le bien-être économique (tel que me-suré par cette variable) semble avoir un pouvoir explicatif très limité dans les modèles de durée.

En revanche, avec la taille du pays, l’effet correspondant dans le modèle de base est statistiquement significatif au niveau de 1%. Enfin, l'inclusion de la démocratie montre que plus le président prolonge son mandat, plus le désir du peuple est d’aller à la démocratie. En ce qui concerne le capital humain comme prévu dans cette étude, un niveau plus élevé de l’éducation diminue la probabilité qu’un chef d’Etat dure au pouvoir. Nous incluons la variable inscription secondaire comme le suggère Gylfason (2001). Comme prévu, le résultat suggère que l’éduca-tion est négativement liée à la durée au pouvoir.

Ces résultats, corroborent avec l'analyse faite au niveau de la section précédente en ce qui concerne l’estimateur de Kaplan-Meier de la fonction de survie. Les ressources minières et pétrolières sont dans l’ensemble, des déterminants de la longévité au pouvoir de Chefs d’Etats Africains. Une partie des résultats s’oppose aux travaux d’Omgba (2009) selon lesquels : « il n’y a pas d’impact significatif entre la rente minière et la durée au pouvoir ».

En effet, l’inscription secondaire brute est un facteur significatif de la longévité au pouvoir d’un chef d’Etat, mais son impact est négatif d’autant plus que le niveau est bas car cette situation engage d’énormes financements, puisque c’est un capital humain qu’il faut in-vestir (voir Barro et Sala-I-Martin, 1995). Cette variable évolue en sens opposé avec la longé-vité au pouvoir, c’est-à-dire l’éducation diminue la probabilité qu’un chef d’Etat dure au pou-voir. L'éducation augmente de façon permanente l'efficacité de la main-d'œuvre en favorisant la démocratie et que le capital humain facilite l'absorption de technologies supérieures des pays leaders confirme les travaux de Barro (1997).

L’espérance de vie n’influence pas la durée au pouvoir dans le modèle de base et lorsqu’on exclut la rente de ressources naturelles dans l’analyse, elle devient significative et le signe attendu est négatif. Nous constatons que l’espérance de vie est un indicateur de la santé de la population. Tel que suggéré par Sachs et Warner (1997, 2001), la mauvaise santé de la

56 population affecte la croissance économique par la réduction de la productivité du travail. L’es-pérance de vie à la naissance peut être interprétée comme une mesure qu’on ajoute dans le capital humain. D’après les auteurs, une raison valable qu’on peut donner à ce résultat est la hausse du niveau de l’espérance de vie améliore la santé publique et conduit à la hausse de survie de personne âgée. Ceci affecte la population qui n’a plus la force de travailler et peut avoir moins d’impact économique.

Par exemple, cela pourrait se justifier dans le cas des pays de l’Afrique centrale (R.D.Congo, Cameroun, Angola, Tchad, Guinée Equatoriale, Gabon, Centrafrique, Congo Brazza, Rwanda, Ouganda et Burundi) où la pyramide des âges montre que la population est jeune mais cette population n’a pas encore atteint le niveau souhaité d’instruction. Une baisse de l’espérance de vie reflète un coût économique, la hausse de la mortalité infantile, la hausse de la morbidité de la population et un manque d’horizon de temps pour l’accumulation du ca-pital humain (Sachs et Warner, 1997). Le fait que les conditions de santé ne soient pas bon, diminuent la durée au pouvoir. Ce dernier résultat est cohérent avec les conclusions de Sala-I-Martin et Subramanian (2003).

D’après Ross (2001), les pays riches en pétrole ont une probabilité plus élevée d'être une dictature que les autres pays. Plus la démocratie augmente, plus la durée au pouvoir baisse. Ce qui favorise la mise en place des nouvelles réformes économiques du secteur minier, de l’initiative pour la transparence des industries extractives, l’amélioration de la qualité des routes, des infrastructures de santé, l’eau et l’électricité. Malgré tous ces efforts, les pays afri-cains ne sont pas encore arrivés à stabiliser leur démocratie.

57 Figure 16. Test graphique de spécification pour la régression Lognormal

Source : auteure à partir des données de la banque mondiale (2015) et Archigos (2016)

Notes : le modèle est bien spécifié, alors ces résidus doivent être des réalisations d’une distribution 𝜀 (1) avec censure.