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SOUVENIRS D'UN VÉTÉRAN FRIBOURGEOIS *>

Dans le document DES ÏILIIS l î DIS CAÏPÂGffiS (Page 193-197)

I.

Episode de l'occupation fédérale de Bâle-Campagne (1831—33).

. . . . Arrivé un samedi d'octobre, à la tombée de la nuit, dans le grand et beau village bâlois d'Alischwyl, que je devais occuper militairement, avec ordre d'arrêter Mr. B..., je me rendis au domicile de ce dernier ; mais, à ma vive satisfaction, il était parti : c'était un de mes anciens condisciples d'université. J'étais à peine rentré à mon logement, que l'on vint me dire que, puisque nous nous trouvions dans un village catholique, la troupe désirait pouvoir assister le lendemain au service divin. Je trouvais convenable d'en informer M. le curé de l'endroit et je me rendis encore le même soir chez lui. «Ah! mais, me dit-il, vous êtes fribourgeois I J'ai aussi, dans ma jeunesse, habité Fribourg, où j'ai fait ma théologie.» Je le reconnus: c'était M. Weber, ancien précepteur des MM. R. et ayant déjà alors la réputation d'un amateur distingué de l'art musical.

Il me témoigna beaucoup de plaisir de voir des Fri-bourgeois, et comme j'allais le quitter, il me dit : « Eh bien ! commandant, si vous ne dédaignez pas une fru-gale collation chez un pauvre curé de campagne, je vous engage, ainsi que vos officiers, à venir passer la soirée de demain chez moi ; ce sera sans façon. »

Nous nous rendîmes le dimanche soir au presbytère, devant lequel se balançaient deux arbres de liberté pavoises de banderoles. Malgré l'ordre, assez puéril à mon avis, de les abattre là où nous en trouverions, nous les laissâmes en repos, puisque le curé les tolérait. Pourquoi indisposer pour si peu de chose les habitants de ce Village?

1) M. le colonel d'Appenthel de Brunisberg. Ces Souvenirs ont été pré-sentés par M. G. Ra3my à la séance de la société cantonale d'histoire du 4 juillet dernier. Nous regrettons de ne pouvoir reproduire ici que deux épisodes qui nous semblent devoir intéresser plus particulièrement nos lecteurs.

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-La collation terminée, le curé nous dit : « Eh bien 1 messieurs, si le cœur vous en dit, vous allez assister à un petit concert dont les artistes réclament à l'avance toute votre indulgence, car ce sont encore des novices.»

Là-dessus, il ouvrit la porte d'une chambre voisine. Là se trouvaient une dizaine de jeunes campagnards, dont l'un, plus âgé que les autres, se tenait assis devant le piano. Trois ou quatre avaient des instru-ments en main, et les autres des cahiers de chant. Le curé prit son violon et, à un signal donné, le concert commença et chacun fit bravement son devoir. On exécuta fort bien, à mon grand étonnement, un certain nombre de morceaux où les instruments alternaient avec le chant. « Vous voyez, nous dit le brave curé, il y a là des dispositions cachées qui ne demandent qu'à être mises au jour et cultivées. La musique est aussi un moyen de civiliser ces petits sauvages. Et puis, en même temps, je me suis créé, sans grands frais, un orchestre pour mon église. « Nous remerciâmes ce bon curé de son accueil si cordial, de tout le plaisir qu'il nous avait procuré, et nous rentrâmes dans nos loge-ments.

Vingt et quelques années plus tard, une affaire me conduisit chez M. Jacques Vogt, l'illustre organiste dont nous déplorons encore la perte. Après avoir absous les affaires sérieuses, on se prit à causer de choses et d'autres. — A propos, s'écria tout-à-coup M.Vogt, de cette voix sympathique qui vous allait au cœur, à propos, me reconnaissez-vous ? Quant à moi, je vous re-connais très-bien. Et, comme je le regardais d'un air étonné, il ajouta : — Eh bien ! rappelez-vous la soirée musicale chez M. le curé Weber d'Allschwyll c'est moi qui touchais alors du piano: c'est à cet excellent homme que je dois ma carrièrel . . .

II.

Napoléon III, an camp de Tbonne.

C'était au camp de Thoune en 1834 : il y faisait bien chaud au mois d'août. Aussi la cantine était-elle

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assiégée, et, durant les intervalles de repos entre les manœuvres, chacun allait se rafraîchir.

Le prince Louis-Napoléon, alors simple officier d'ar-tillerie, avait aussi soif et entra dans l'établissement.

Un moment après, arriva notre quartier-maître Brasey *)»

de Font. Napoléon, qui du reste parlait peu, fixa d'un air attentif le nouveau venu, qui était décoré et avait fait des campagnes sous le premier empire, et il lui dit :

— « Capitaine, vous avez servi en France ? — Un peu, répondit brusquement le vieux grognard, et votre oncle nous a fait diablement souffler dans les doigts en Russie.

Mais aussi, quelle folie, quelle bêtise que d'aller dans ce maudit pays an cœur de l'hiver! »

Napoléon entama alors une controverse pour justifier la conduite de l'empereur, et s'efforça de prouver qu'il avait eu ses raisons pour entreprendre cette mal-heureuse campagne de 1812. Mais Brasey coupa court à la conversation, en disant:— «Bahl je vois que dans votre famille vous êtes tous des entêtés, et qui sait ce que vous feriez vous-même, si vous étiez jamais à la place de votre oncle? »

Ainsi s'exprima notre brave vétéran fribourgeois, qui semblait doué d'une seconde vue concernant la famille Bonaparte. Ses paroles étaient-elles le résultat d'un pressentiment prophétique ? c'est ce que chacun peut apprécier.

Gnérison merTeilIense.

Vous savez, lecteurs, que quand il se dit ou se fait, n'importe où, une grosse bêtise, une ànerie dans le grand genre, on ne manque pas de l'attribuer aux gens de Villarimboud. Pourquoi? je n'en sais trop rien, car enfin les habitants de Villarimboud ne sont pas plus sots que leurs voisins de Cottens, de Chénens, de Ma-çonnons, d'Orsonnens et autres villages en ens. Ainsi, ne croyez pas le demi-quart des folies que l'on prête à ces braves gens. Cependant, en voici une qui est authen-tique, je la tiens d'un témoin digne de foi.

1) Michel Brasey, mort à Estâvayer le 14 août 1876, à l'âge de 90 ans.

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La mère Nicolet souffrait de terribles crampes' d'es-tomac. On courut au médecin, qui prescrivit une potion, et dit au messager : « Vous lui donnerez toutes les heu-res une cuillerée de cette fiole ; mais auparavant, secouez-la bien.» Qu'arriva-t-il? Avant chaque cuillerée, le père Nicolet et ses deux fils secouèrent si bien.... la malade, qu'elle se trouva radicalement guérie avant même qu'elle eût consommé la moitié de la fiole. Je me suis laissé dire que la Faculté de R. a pris bonne note de cette guérison.

Il y a cerf et serf.

Une fille de Léchelles, bonne d'enfants dans une riche famille de la Lilhuanie, écrivait à ses parents que dans la maison où elle se trouvait, tout le service était fait par des serfs et qu'il n'y avait pas d'autres domestiques dans le pays. Les parents, honnêtes cultivateurs, igno-rant qu'il y avait par delà le monde cerfs et serfs, auraient fait volontiers le voyage de Pologne pour voir ces gracieux quadrupèdes dressés sur leurs deux pieds et donnant une assiette aussi lestement qu'un laquais parisien : « Pouré Uthé ! disaient-ils. Va faillu Un dé la paschince por lau s'apprendre! (Pauvres bêtes 1 il aura

fallu bien de la patience pour les dresser!)»

Singulière épitaphe.

On lisait jadis sur le cimetière de Murist cette curieuse épitaphe due à un poëte staviacois :

Ci gît Catherine Lozâ, Fille de son père Nicolas, De La-Vounaise,

Morte de malaise.

Grand saint Pierre, Faites pas trop attendre Dans l'antichambre Votre servante

Catherine Lozà,

Fille de son père Nicolas.

Alléluia! alléluia!

Dans le document DES ÏILIIS l î DIS CAÏPÂGffiS (Page 193-197)