1.3 Bilan d’´energie de l’oc´ean
1.3.2 Sources du m´elange int´erieur & Dissipation de la mar´ee
– M´elange Diapycnal et Isopycnal
Les diff´erentes sources d’´energie qui entretiennent le m´elange diapycnal (Kz) au sein
de l’oc´ean sont :
– L’´energie du vent appliqu´ee `a la surface de l’oc´ean g´en`ere duKz au travers (i) du
cisaillement vertical des courants qu’elle engendre au voisinage de la surface, (ii)
des instabilit´es baroclines et (iii) des ondes internes lorsqu’elles d´eferlent.
– La fraction de l’´energie transf´er´ee par la mar´ee aux ondes internes (cf. section
suivante).
– Le m´elange turbulent li´e `a la pr´esence de courants rapides et de ressauts
hy-drauliques qui sont associ´es `a des resserrement de topographie (i.e passages,
d´etroits, canyons etc.) ou `a des pentes de la topographie. Il existe de nombreuses
estimations qui prouvent que le m´elange peut atteindre des valeurs de l’ordre de
10−3−10−1 m2.s−1 (cf. tableau 1.1). Dans la fracture de Romanche, les courants
sont entraˆın´es par la pente et les eaux chutent de 500 m sur 100 km, maintenant
un m´elange diapycnal estim´e `a 10−1 m2.s−1 (Ferron et al., 1998).
– Les ondes de Lee (ou de sillage) sont des ondes internes g´en´er´ees au cours du
passage d’un courant au-dessus d’une topographie. L’ACC est probablement le
syst`eme de courants oc´eaniques qui g´en`ere la plus grande quantit´e de ce type
d’ondes. Ces ondes sont susceptibles de g´en´erer du m´elange vertical lorsqu’elles
d´eferlent.
– Les int´eractions entre les ondes inertielles forc´ees par le vent et l’activit´e m´eso´echelle.
– R´ecemment, en d´epit d’une grande incertitude, Dewar et al. (2006) ont estim´es
l’´energie m´ecanique transf´er´ee par le biosph`ere marine `a ∼1.0 TW.
La quantit´e totale d’´energie disponible pour maintenir le m´elange diapycnal est
in-certaine car le m´elange est un processus qui peut ˆetre tr`es localis´e dans le temps
et l’espace. N´eanmoins, d’apr`es la th´eorie de la THC “tir´ee par le m´elange”,
l’in-tensit´e de la MOC est directement reli´ee `a la quantit´e d’´energie m´ecanique
ex-terne disponible pour le m´elange diapycnal (Munk, 1966 ; Munk & Wunsch, 1998 ;
Huang, 1999). Par cons´equent la compr´ehension des processus physiques `a l’origine
de la distribution spatiale et temporelle du m´elange int´erieur est un domaine cl´e de
l’oc´eanographie physique.
– Dissipation de la Mar´ee
La figure 1.11 sch´ematise la r´epartition de l’´energie dissip´ee par la mar´ee dans
l’oc´ean. L’´energie m´ecanique totale dissip´ee par les mar´ees est estim´ee `a ∼3.7 TW
(Kantha, 1998). La majeure partie de cette ´energie est dissip´ee par l’oc´ean (✄
✂3.5 TW ),✁
la fraction restante ´etant dissip´ee par les mar´ees terrestres et dans l’atmosph`ere. Ces
chiffres sont obtenus avec une tr`es grande pr´ecision grˆace aux mesures astronomiques
effectu´ees sur la dur´ee du jour, les orbites perturb´ees des satellites artificiels ou par
t´el´em´etrie laser (Dickey et al., 1994). Ce sont les deux seuls chiffres fiables de ce
diagramme.
La dissipation de l’´energie de mar´ee `a au moins trois effets notoires : l’accroissement
de la dur´ee du jour de 2.07 millisecondes par si`ecle (i.ela ralentissement de la vitesse
de rotation de la terre dˆu au frottement), l’accroissement de la distance terre-lune
de 3.86 cm par an (par conservation du moment angulaire du syst`eme terre-lune)
et celui qui nous int´eresse plus particuli`erement dans cette ´etude : le m´elange des
masses d’eaux dans l’oc´ean.
Les mod`eles de mar´ee (Le Provost & Lyard, 1997 ; Lyard et al., 2006) et l’altim´etrie
satellite (Munk & Wunsch, 1998 ; Egbert & Ray, 2000 ; 1997) sugg`erent que sur ces
3.5 TW d’´energie, approximativement 2.5−2.6 TW sont dissip´es par le frottement
qui a lieu sur les marges continentales peu profondes. Les 0.9−1 TW restant sont
convertis en mar´ees internes par interactions de la mar´ee avec les obstacles naturels
(incluant 0.6 TW pour la seule onde M2). Plus pr´ecis´ement c’est le flux barotrope
de la mar´ee (i.e la mar´ee externe) qui en interaction avec les topographies
acci-dent´ees (dorsales, monts sous-marin, archipels, talus continentaux, etc.) et dans un
milieu stratifi´e va g´en´erer des ondes internes capables de se propager loin des sites
de g´en´eration (O(1000 km)) (StLaurent & Garett, 2002). Lorsque les ondes internes
d´eferlent, une partie de leur ´energie (∼20%) est consomm´ee en m´elange vertical ce
qui a pour effet d’augmenter le centre de gravit´e du syst`eme (i.e il y a cr´eation d’
AGPE par les flux turbulents de flottabilit´e). Les∼80% restant sont dissip´es sous la
forme de chaleur.
Les calculs de dissipation `a partir des donn´ees Topex-Pos´eidon montrent qu’environ
35 % de l’´energie attribu´ee `a l’onde lunaire semi-diurne (M2) et 15 % de celle
at-tribu´ee `a l’onde solaire diurne (K1) sont dissip´es en plein oc´ean et donc disponibles
pour le m´elange des masses d’eaux (Lyard et al., 2006). Si la quantit´e d’´energie qui
se dissipe en plein oc´ean est maintenant bien distingu´ee de celle qui se dissipe sur les
plateaux, la fraction d’´energie dissip´ee localement par les ondes internes sur leur site
de g´en´eration (StLaurent et al., 2002) et la fraction susceptible de rayonner au loin
sont encore mal quantifi´ees. La propagation des ondes internes et les ph´enom`enes
responsables de leur dissipation restent encore mal compris et sont l’objet de
re-cherches actuelles (Simmons et al., 2004b ; MacKinnon & Winters, 2005 ; Rainville
et Pinkel, 2006).
Figure 1.11 – Diagramme de l’´energie dissip´ee par la mar´ee dans l’oc´ean, unit´e enT W. Les lignes en
traits fins correspondent `a des sp´eculations qui n’ont pas ´et´e valid´ees par des observations. “14 Hawaiis”
fait r´ef´erence aux estimations du taux de conversion de la mar´ee externe en mar´ee interne obtenu dans la
r´egion Hawa¨ıenne. Ces estimations ont ´et´e extrapol´ees sur le globe et sugg`erent 0.9 TW d’´energie disponible
pour g´en´erer des ondes internes et in fine du m´elange vertical. L’apport d’´energie dˆu au vent (1.0 TW)
est issu de Wunsch (1998), auquel 0.2 TW sont ajout´es pour ´equilibrer l’´energie n´ecessaire au maintient
de la stratification abyssale (2.1 TW). Ce surplus d’´energie est associ´e aux ondes internes g´en´er´ees par le
vent, capables de se propager en profondeur et d’entretenir le m´elange abyssal. D’apr´es Munk & Wunsch
(1998).
Dans le document
Impact des marées sur la circulation générale océanique dans une perspective climatique
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