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Sélection d’une liste de molécules psychotropes d’intérêt

2. Démarche et paramètres de sélection 1. Démarche de sélection

5.2. Sources de variabilité dans l’efficacité des traitements

5.2. Sources de variabilité dans l’efficacité des traitements

La nature physico-chimique des molécules est, bien entendu, déterminante dans le devenir des substances au travers des procédés d’épuration. Il existe également des facteurs responsables d’une variabilité inter-molécule dans les rendements du traitement des eaux usées.

5.2.1. Variabilité durant le traitement primaire

Durant le traitement primaire, l’efficacité des étapes de coagulation et de floculation est liée à la nature et à la quantité de réactif introduit ainsi qu’au contrôle du pH. Par exemple, les conditions optimum sont un pH compris entre 6 et 7,4 pour un sel d’aluminium (Al3+) et supérieur à 5 pour un sel de fer (Fe3+). Or en milieux aqueux, ces cations forment des hydrates (Al(OH)2+ ou AlOH2+) et cette hydrolyse libère des ions H+ induisant une chute de l’alcalinité du milieu. La correction du pH peut être nécessaire à une coagulation optimale. Les étapes de coagulation-flottation sont elles liées au dimensionnement des installations et à la technologie utilisée (traitement simple ou lamellaire etc…). Enfin, le temps de résidence hydraulique est déterminant pour le traitement primaire dans sa globalité.

5.2.2. Variabilité durant le traitement secondaire sur boue activée

Le traitement secondaire sur boue activée possède également, en plus de la nature et la composition des boues, des sources de variabilité dans son efficacité. D’abord, l’oxygène étant indispensable au développement de la biomasse présente dans la boue, le temps d’aération, qui détermine directement la quantité d’oxygène fournie au système, apparaît naturellement comme un second paramètre d’influence. Le contrôle du pH est également vital pour la croissance des microorganismes dont la zone de tolérance se situe entre 5 et 9 (Sibony et al., 1993). De plus, l’âge des boues c'est-à-dire le temps moyen de résidence des boues à l’intérieur du réacteur influence grandement l’efficacité de l’épuration. En effet, chaque culture bactérienne comporte différentes phases de développement (Sibony et al., 1993). Celles-ci forment un cycle, dont la cinétique est spécifique à chaque espèce bactérienne. Cela permet d’expliquer que chacune d’entre elles possède un âge minimal de boue correspondant au temps nécessaire à l’installation d’une population stable. La période minimale nécessaire à la dégradation de la plus grande partie des composés biodégradables est d’environ 10 jours (Poseidon, 2006). Par ailleurs, une boue trop vieille participe à la baisse de la biodégradation car l’augmentation de la quantité de boue stabilisée contribue à diminuer le rapport en matière active/inerte dans le milieu et donc à défavoriser la cinétique de dégradation des matières organiques (Poseidon, 2006). L’efficacité du traitement sur boue activée est également température-dépendante. Entre les périodes estivales et hivernales, la baisse de la température de l’ordre d’une dizaine de degrés dans les réacteurs de station d’épuration est par exemple responsable d’une baisse significative du taux d’élimination des substances biodégradables (Sui et al., 2011; Vieno et al., 2005). Une équipe finlandaise reporte une diminution moyenne de 25% des rendements d’élimination de cinq produits pharmaceutiques durant les mois d’hiver. Les auteurs suggèrent que cette baisse d’efficacité est due à la température de l’eau : 7°C en mars contre 21°C en août (Vieno et al., 2005). Enfin tout comme dans le cas du traitement primaire, l’abattement de la pollution au court du traitement sur boue activée est croissant avec le temps de résidence hydraulique. Ceci explique une moins bonne dégradation de la pollution organique par temps de pluie (Tauxe-Wuersch et al., 2005). La diminution du temps de contact à laquelle s’ajoute la dilution des produits présents ne favorisent en rien une élimination optimale (Poseidon, 2006). A la suite

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d’épisodes pluvieux, Tauxe-Wuersh et al. ont observé une diminution importante de l’élimination de l’ibuprofène et du kétoprofène dans les stations d’épuration suisses avec des débits parfois trois fois plus élevés qu’en période sèche (Tauxe-Wuersch et al., 2005).

Dans un climat où les hivers sont froids et pluvieux, la combinaison des facteurs de température et/ou de précipitation induit une perte d’efficacité durant cette période (Castiglioni et al., 2006a; Sui et al., 2011; Tauxe-Wuersch et al., 2005; Vieno et al., 2005). Toutefois, l’augmentation des précipitations ne pose pas toujours ce problème (Sui et al., 2011), en effet il existe deux types de réseaux d’assainissement, les systèmes unitaires et séparatifs. Les premiers sont plus rudimentaires et accueillent aussi bien les eaux usées que les eaux pluviales ce qui présente l’avantage d’être simple et économique. Par contre, ce type de réseau est sensible aux conditions climatiques. Ainsi des pluies intenses peuvent entraîner une perte d’efficacité voire un débordement au niveau des stations d’épuration et par voie de fait, un risque environnemental. Les réservoirs d’orages peuvent apporter une réponse partielle à ce problème. Le deuxième type de réseau, dit séparatif, fait le distinguo entre les eaux et leur associe deux voies d’évacuation, l’une destinée à être traitée, l’autre à rejoindre le milieu naturel. Cela permet de s’affranchir du problème de l’excédant hydrique en cas de pluie, mais cette solution est également plus coûteuse et sujet à des erreurs de branchement qui, comme le souligne un rapport de l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et techniques, a pu atteindre 40% dans les nouvelles villes de la région parisienne (Deutsch, 2003). Le choix de l’un ou l’autre des réseaux n’est donc pas évident et répond à des enjeux politiques, techniques et économiques.

De nombreux paramètres influent donc sur l’efficacité des traitements d’épuration. Cela peut conduire à une grande variabilité dans les abattements. C’est pourquoi il est primordial d’étudier le devenir des substances pharmaceutiques au sein de la STEP.

5.2.3. L’approche AMPERES

Le projet AMPERES (Analyse des Micropolluants Prioritaires et Emergents dans les Rejets et les Eaux de Surface) conduit sur la période 2006-2009 avait pour objectifs de mesurer la composition en micropolluants des eaux usées et traitées afin d’évaluer l'efficacité d'élimination de différentes filières d'épuration vis-à-vis de ces contaminants. Parmi les 103 molécules organiques étudiées comptaient 9 composés psychotropes (carbamazépine, diazépam, nordazépam, fluoxétine, doxépine, amitriptyline, alprazolam, bromazépam et imipramine) ainsi que les principaux AINS et le paracétamol.

Soulier et al. rapportent la composition des eaux brutes et traitées ainsi que les rendements d’épuration de ces molécules notamment pour les procédés avec traitement secondaire sur boue activée en conditions aérobie, filière la plus courante en France (Soulier et al., 2011). Ainsi, le diazépam, le nordazépam, la fluoxétine, le paracétamol, le naproxène, le diclofénac, l’ibuprofène et le kétoprofène ont été quantifiés dans plus de 90% des échantillons d’eau brutes, la carbamazépine et le bromazépam dans plus de 80% des cas. L’imipramine et la doxépine ont quant à elles été analysées dans respectivement un peu plus de 60 et 40% des cas tandis que la fréquence de quantification de l’aprazolam n’a pas dépassé 10%. Dans les eaux traitées secondaires, tous ces composés sont quantifiés dans plus de 80% des échantillons sauf la doxépine, l’imipramine et l’alprazolam qui sont eux quantifiés dans moins de 60% des cas (Soulier et al., 2011). Les analyses à la sortie du traitement

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secondaire révèlent que la plupart les substances étudiées sont présentes à des concentrations inférieures au µg.L-1. En revanche, la carbamazépine, le paracétamol, le naproxène, le diclofénac, l’ibuprofène et le kétoprofène sont quantifiés dans des gammes de concentrations pouvant aller jusqu’à quelques µg.L-1

(Soulier et al., 2011). Au regard des niveaux de concentrations en entrée de STEP, ces résultats indiquent que les traitements secondaires autorisent une bonne élimination pour la majorité des substances pharmaceutiques même si celle-ci est incomplète notamment pour le diclofénac et la carbamazépine (Soulier et al., 2011). Dans une volonté de caractériser au mieux le devenir de ces composés au travers de ce type de traitement, deux rendements d’élimination ont été calculés (Tahar et al., 2012). Le premier décrit l’abattement dans la phase dissoute tandis que le second rend compte de la dégradation réelle et de la part de migration dans les boues. Toutefois les difficultés analytiques liées d’une part aux niveaux de présence de ces molécules et d’autre part à la complexité de la matrice boue rendent le calcul du rendement global délicat. En effet les limites de quantification obtenues étaient parfois inappropriées à la mesure de traces (Tahar et al., 2012). C’est la raison pour laquelle seuls les rendements de la filière eau (phase dissoute ou totale) ont été considérés. Toutefois, en considérant les rendements pour l’ensemble des molécules pharmaceutiques, les collaborateurs du projet AMPERES sont forcés de constater que les STEP ne sont pas, dans l’état actuel des choses, conçues pour l’élimination des micropolluants organiques dans les systèmes aquatiques, les procédés d’élimination plus innovants (osmose inverse, filtration sur charbon actif) restant moins répandus dans l’hexagone (Tahar et al., 2012). C’est la raison pour laquelle, il est intéressant d’évaluer l’efficacité des traitements conventionnels vis-à-vis des molécules étudiées.

Aussi, à partir des données du projet AMPERES, Tahar et al. proposent une méthodologie pour prédire les rendements d’élimination de micropolluants pour les traitements secondaires sur boues activées. Celle-ci prend en compte des principaux mécanismes mis en jeu lors de ces procédés : l’adsorption et la biodégradation (voir ANNEXE 1.2). Les phénomènes d’évaporation sont ici négligés étant donnée la nature des molécules étudiées (Tahar et al., 2012). Cette méthodologie a été élargie à une liste de molécules psychotropes et est présentée en ANNEXE 1.3.

Ainsi certains profils se sont distingués de cette prédiction. En effet pour des molécules comme le Δ9-THC, le coefficient de partition est élevé et les fonctions chimiques sont propices à la biodégradation. Cela semble prédire un abattement important lors du traitement secondaire sur boues activée (ANNEXE 1.3). Le zopiclone présente quant à lui des caractéristiques diamétralement opposées. Pour d’autres molécules, des propensions à être dégradées selon un mécanisme plutôt qu’un autre peuvent être supposées. Toutefois, le cadre de cette approche ne permet pas d’estimer l’importance éventuelle de ces phénomènes.

Les conclusions d’une telle estimation apportent la confirmation de l’intérêt de l’étude de ces composés dont la dégradation dans le processus d’épuration ne peut pas toujours être affirmée mais restent toutefois limitées en terme prédictif. Les rendements d’abattement expérimentaux permettent en revanche de rendre compte du devenir réel d’une substance durant son séjour dans la station d’épuration.