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4. La problématique énergétique des microsystèmes autonomes pour SHM

4.2. Quelles sources d’énergie ?

4.2.1. Sources finies : stockage électrochimique

L’alimentation électrique des capteurs s’est d’abord appuyée sur des accumulateurs électrochimiques (piles Ni-Mh, batteries Li, Li-ion ou Li-Polymère12) car ils sont commercialement disponibles,

performants (la densité d’énergie et de puissances peut atteindre 0,9 MJ.kg-1 (250 Wh.kg-1) et 340 W.kg-1

pour les plus performants). Les solutions de stockage de l’énergie utilisées dans les autres travaux sur des modules de réseaux de capteurs autonomes sont :

- les batteries Li-ion ou Li-Po. De récents efforts de miniaturisation ont permis l’utilisation de ces dispositifs présentant une grande densité d’énergie pour alimenter des nœuds requérant une grande quantité d’énergie. Tous les projets articulés autour des nœuds Waspmote de Libelium [31] utilisent ce type de sources, et leur autonomie annoncée est de 1 an13.

- les piles Ni-Mh, dont le principal avantage est le coût mais qui souffre d’une autodécharge très rapide.

- les piles Métal-air, qui restituent de l’énergie électrique par oxydation du métal par l’atmosphère à laquelle il est exposé. Ce type de pile offre une grande densité d’énergie (362 Wh/kg [32]) mais il souffre d’une autodécharge très rapide. Ce type de batterie n’est pas rechargeable en l’état, mais des modifications le permettent ; la charge de ce type de pile n’a un rendement que de 50 % pour les systèmes Zinc-air.

- les piles alcalines, qui ont une autodécharge limitée (par rapport aux piles Ni-Mh qui les remplacent parfois) mais ce sont des batteries primaires (non rechargeables).

Le Tableau 6 liste quelques un des plus récents réseaux de capteurs autonomes et la source d’énergie qui les alimente.

Réf. Type de mesures Communication Nœud Source d’énergie

[33] Humidité, température, pression,

ensoleillement Zigbee Waspmote Batterie Li-Po [34] - Zigbee, 2,4 GHz RF Waspmote Batterie Li-Po [35] Présence (sonde effet Hall) Zigbee Squidbee Batterie Li-Po [36] Pression, humidité, température GPRS - Ni-Mh

[37] Luminosité, température GPRS TinyNode Supercondensateur, batterie Li-Po, pile Ni-Mh

Tableau 6 - Réseau de capteurs autonomes et leur source d'énergie

Néanmoins, ces méthodes d’alimentation s’avèrent parfois insuffisantes pour certaines applications : le remplacement ou la recharge d’un grand nombre de piles, dans un milieu hostile, sont souvent économiquement injustifiés voire impossibles. La durée de vie de dispositifs ainsi alimentés est directement liée à la quantité de charges initialement stockées dans la pile et donc à sa taille : il existe alors un compromis entre les dimensions du dispositif et sa longévité.

La finitude des réservoirs électrochimiques mène à une double limitation de l’utilisation des nœuds autonomes : soit par épuisement par la consommation du microsystème (trop faible densité d’énergie du réservoir électrochimique), soit par épuisement par autodécharge. Cette seconde limitation rend les progrès éventuels dans la réduction de la consommation électrique des nœuds du réseau inutile puisque même avec une consommation nulle le réservoir serait épuisé en quelques années (au mieux).

4.2.2. La récupération de l’énergie ambiante

La diminution considérable de la consommation électrique des différents éléments d’un nœud (capteur, électronique d’acquisition, de stockage et de transmission des données) qui a d’abord permis l’alimentation de ces capteurs « temporairement » autonomes par des réservoirs électrochimiques finis (batteries, piles, supercondensateurs), a désormais rendu envisageable d’alimenter le système en captant l’énergie disponible de son environnement immédiat.

Le principal avantage de la récupération d’énergie est la continuité de l’alimentation électrique : en théorie, elle dure tant qu’il y a de l’énergie dans l’environnement. La comparaison entre les réservoirs finis d’énergie (stockage électrochimique) et l’énergie disponible dans l’environnement ambiant est faite par Roundy et al. [38]; elle est rappelée dans Fig. 10. Il y apparait que les réservoirs électrochimiques, même s’ils ne sont que très peu ou pas utilisés, perdent l’énergie emmagasinée au départ à cause de phénomène d’autodécharge. Cette autodécharge représente 30 % de la charge totale par mois pour un stockage Ni-Mh contre 2-3 % par mois pour un stockage Lithium [29]. Ces phénomènes sont spécifiques à chaque système de stockage et dans tous les cas ils ne sont pas envisageables pour des systèmes dont on veut éviter la maintenance à long terme.

Fig. 10 - Comparaison de la puissance disponible au cours des années selon la source d'énergie, d’après [38].

La récupération d’énergie pour l’alimentation de capteurs autonomes est un domaine en pleine expansion et largement exploré par les chercheurs : entre 2005 et 2009, 10 articles de synthèse [39-48], analysant 483 dispositifs conçus et fabriqués par les dizaines d’équipes mobilisées sur le sujet, ont été publiés. Les énergies récupérées sont principalement les vibrations (vibrations, chocs, mouvements), le rayonnement solaire et les gradients de température ; la répartition est présentée dans la Fig. 1114.

Fig. 11 – Nature des sources d’énergie pour microsystèmes autonomes dans les 10 articles de synthèse publiés entre 2005 et 2009. La récupération d’énergie à partir des vibrations domine, notamment parce que c’est une source très courante aux abords d’une activité « humaine » (au sens large : trafic routier, machines, mouvements).

Pour estimer la viabilité de cette stratégie, il est intéressant de regarder quelle puissance est disponible et dans quelles conditions. En effet, puisque l’énergie est récupérée dans l’environnement immédiat du capteur, la puissance récupérée est extrêmement dépendante de l’application.

4.2.3. Vibrations

L’énergie vibratoire fait l’objet d’intenses travaux de recherche puisque c’est une forme d’énergie

1 10 100 1 000 0,0 1,0 2,0 3,0 4,0 5,0 Puiss ance [µW] Années Lithium Alkaline Zinc -a ir Rechargeable Lithium NiMh Vibrations Solaire Micro- réacteurs (fuel cells) 8% Photovoltaïque 19% Vibrations / mouvement 60% Gradient de température 10% Autre 3%

varie donc très fortement avec la proximité et nature de la source des vibrations. Celle-ci est estimée à environ 10 à 200 µW.cm-3 [44]. Le Tableau 7 compare des systèmes de SHM alimentés par récupération

d’énergie présentés dans l’article de synthèse de Park et al. [49]. Les conditions énergétiques considérées sont à chaque fois irréalistement favorables, ce qui permet « artificiellement » l’alimentation des nœuds.

Réf. Méthode Dimensions Puissance récupérée Conditions

[50] Electromagnétique Environ400 cm315 2,5 mW Vibrations extrêmement amples (164 m.s102 Hz) -2 @ [51] Piézoélectrique Environ 700 cm3 Alimentation d’un module Telos Mesure de vibrations sur une pompe d’un pétrolier [52] Piézoélectrique - 1 W16 Le module de récupération n’est pas fabriqué, il est seulement discuté au vu de la

consommation du nœud

Tableau 7 – réseaux de capteurs générant leur énergie à partir de vibrations, et appliqués au SHM, d’après [49].

4.2.4. Gradients de température

L’utilisation des gradients de température pour l’alimentation des microsystèmes autonomes a essentiellement été réservée aux applications exploitant l’énergie humaine (wearable autonomous systems). Les travaux de Starner et al. [53] sont encore la référence pour l’estimation de la puissance récupérable sur un être humain (voir Tableau 8), et la plupart des articles étudient les cellules thermoélectriques pour un gradient de 5 K. Il est en effet nécessaire de considérer l’écart de température lors de la mesure du rendement de la cellule puisque ceux-ci sont très fortement liés : une même cellule peut donner 25 mW.K-1.cm-2 pour un écart de 70 K, et seulement 1,7 mW.K-1.cm-2 pour un écart de 5

K), ce qui dénote d’une grande dégradation des performances à bas gradient.

Réf. Puissance utile Conditions

[40] 0.16 µW.K10 mW.K-1-1.cm.cm-2-2 (ΔT = 220 K) (ΔT = 5 K) Soleil direct (sans nuages, en extérieur) à 100 mW/cm². [47] 25 mW.K1,7 mW.K-1-1.cm.cm-2-2 (ΔT = 70 K) (ΔT = 5 K) laboratoire

[43] De 14 µW.Kà 60 µW.K-1.cm-1.cm-2 (ΔT = 5 K) -2 (ΔT = 5 K) laboratoire

Tableau 8 - Bilan de l’énergie utile qui peut être extraite avec des cellules thermoélectriques d’après les articles de synthèse dédiés à l’alimentation des microsystèmes autonomes.

4.2.5. Rayonnement radiofréquence

Les équipes cherchant à alimenter des microsystèmes autonomes se sont intéressées au rayonnement radiofréquence en tant qu’énergie récupérable à cause de la grande densité d’émetteurs présents au sol (GSM, UMTS, FM, Wifi par exemple). Cependant l’énergie récupérable est très faible et nécessite soit un capteur de grande surface, soit que le capteur soit très proche de la source. Yeatman et al. [54] rappelle

15 Estimation à partir des données présentée dans l’article.

qu’un champ électrique de 1 V.m-1 ne permet pas de récupérer plus de 0,26 µW.m-2, alors que le champ

électrique près d’une source ne dépasse pas quelques V.m-1. Un exemple de réalisation avec alimentation

RF d’un nœud SHM a été présenté par Mascarenas et al. [30] : il récupérait 2,5 mW mais avec une distance source/récepteurs (tous deux munis de cornets) de 61 cm. On voit ici que la source d’énergie est irréaliste au vu des puissances estimées par Yeatman et al. [54].

Ces sources RF ne sont pas accessibles à 11 km d’altitude, cependant il existe un rayonnement électromagnétique lié aux commandes électriques (utilisant un signal électrique 400 Hz dans des câbles), qui ne seront pas exploités ici car leur intensité est à la fois globalement trop faible et trop variable selon la position du nœud.

4.2.6. Rayonnement solaire

L’exploitation de source d’énergie a suscité de très nombreux travaux scientifiques, depuis la découverte de l’effet photovoltaïque en 1839 par Antoine Becquerel puis son application à la production électrique en 1954. Aujourd’hui, de nombreuses solutions commerciales existent pour exploiter cette source d’énergie et les meilleurs rendements vont jusqu’à 41,1 % [55]. Les données sur l’énergie disponible sont présentées dans le Tableau 9

.

Réf. Puissance moyenne17 sol Rendement

typique cellule Puissance moyenne utile Conditions

[40] - 20 à 25 % 12 à 18 mW.cm-2 selon capteur Soleil direct (sans nuages, en

extérieur) à 100 mW.cm-2

[41] 57 mW.cm2,3 à 11 mW.cm-2 en été -2 en hiver 15 % 4,6 mW.cm

-2

(minimum 0.34 mW.cm-2 en

hiver)

Régions tempérées, cellule à 15 % de rendement. [42] 23 mW.cm46 mW.cm-2-2 (Hollande) (Tanzanie) 10 % - -

[45] 10 à 20 % 50 mW.cm-2 Soleil direct (sans nuages, en extérieur), avec cellule 16-17

%

[43] 25 mW.cm-2 2 à 15 % 3,7 mW.cm-2 Soleil direct (sans nuages, en

extérieur)

Tableau 9 - Bilan de l’énergie solaire disponible et de l’énergie utile qui peut en être extraite d’après les articles de synthèse dédiés à l’alimentation des microsystèmes autonomes.

La puissance moyenne (sur une année, 24/24 h) reçue par la Terre est estimée à environ 25 mW.cm-2,

ce qui – en considérant des rendements de cellule photovoltaïque de 15 % – permet de fournir 3,7 mW.cm-2 au capteur. Cependant, ces estimations considèrent un ensoleillement direct toute l’année, toute

la journée, ce qui fausse l’estimation de la puissance moyenne en situation réelle. En corrigeant les données d’éclairement de ce biais, Gilbert et al. [41] ont mis en évidence qu’en hiver (8 h d’ensoleillement par jour, le plus souvent occulté par des nuages) la puissance moyenne sur 24 h descend à 0,34 mW.cm-2.