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CHAPITRE 2- MÉTHODOLOGIE

2.1 Source des données

Le présent projet utilise les rapports d’évènements remplis par les policiers lorsqu’ils répondent à un appel de service pour violence conjugale. Il s’agit donc de données officielles de la criminalité. Celles-ci représentent l’ensemble des crimes commis sur un territoire donné qui ont été rapportés de façon officielle aux autorités policières. Ainsi, ces données représentent un portrait partiel de la réalité, car elles comportent un chiffre noir, soit les crimes qui ne sont pas connus des autorités policières. Si l’on se fie à Statistiques Canada, seulement 19 % des victimes ont signalé leur agression, ce qui représente environ une victime sur cinq (Brennan et Dauvergne, 2012).

Les dossiers analysés représentent les crimes rapportés aux policiers sur le territoire de la ville de Montréal. Il s’agit d’un échantillon des violences conjugales enregistrées dans le registre du Service de police de la ville de Montréal (SPVM) et qui se sont déroulées en 2014. De cette façon, il est possible d’avoir un portrait actuel du phénomène puisqu’on accède aux évènements qui se sont déroulés il y a deux ans. On n’a pas pu accéder aux informations de 2015 en raison des informations sensibles qui ont été traitées et analysées dans le présent projet et qui pouvaient comporter des dossiers toujours en cours ou en traitement au niveau policier/juridique. De plus, les dossiers de 2015 n’avaient pas encore été totalement répertoriés et enregistrés dans le système exploité pour construire le présent échantillon.

Concrètement, le crime de violence conjugale n’existe pas dans le Code criminel canadien. C’est la relation entre les protagonistes qui permet de déterminer la nature des violences commises. C’est en fait considéré comme un voie de fait et par la suite, il est possible de déterminer si c’est une violence conjugale. Pour le SPVM, la violence conjugale se traduit par des actions qui contraignent la personne à agir contre sa volonté en employant la force, l’intimidation ou la peur dans le but de la contrôler ou la punir (SPVM, 2016). La violence peut se traduire sous différentes formes (c.-à-d. physique, sexuelle, économique, psychologique ou verbale) et affecter tant la victime, que les enfants ou les membres de la famille/amis.

En tout, 367 dossiers de l’année 2014 ont été sélectionnés pour faire partie de l’échantillon. En raison du grand nombre de cas de violences conjugales (un peu plus de 5000 évènements ont été répertoriés seulement à Montréal en 2014), un échantillon a été constitué à partir des différents niveaux de gravité des blessures. Les raisons pour lesquelles l’échantillon analysé est composé de seulement 367 cas au lieu de 5000 sont théoriques et pratiques (question de faisabilité). L’échantillon a été ainsi constitué puisqu’il visait de prime abord à identifier les tracks (soit des scripts spécifiques à des sous-catégories du crime) relatifs aux voies de fait impliquant différents niveaux de blessures. Distinguer les actes en fonction des niveaux de blessures permet d’isoler les facteurs des différentes étapes qui peuvent être responsables de l’escalade de la violence (Cornish, 1994). Au moment de déposer leur rapport, les policiers doivent indiquer la gravité des blessures subies par la victime. Trois niveaux sont possibles et les 367 dossiers choisis se répartissent dans les catégories suivantes : 1) 67 dossiers avec des blessures graves/mortelles, 2) 150 dossiers avec des blessures légères/mineures et 3) 150 dossiers avec aucune blessure. Tous les dossiers comportant des blessures mineures/légères ainsi qu’aucune blessure, ont été sélectionnés de façon aléatoire. La totalité des cas avec blessures graves ont été analysés puisque leur nombre était minime et trop peu si on en délaissait. Concrètement, les évènements qui sont sélectionnés et analysés dans le présent projet sont les évènements criminels classifiés comme des « voies de fait » puisqu’on s’intéresse principalement aux évènements qui impliquent

l’utilisation de la force. Ainsi, les autres cas de violence conjugale, tels que le harcèlement et les menaces ont été exclus de l’échantillonnage. Il est important de noter que les données codifiées sont celles comprises dans les dossiers de 2014. Il est possible que certaines informations soient manquantes puisque l’évènement de violence conjugale a eu lieu plusieurs années avant l’élaboration du dossier policier. Cette situation se présente souvent lorsque la victime attend plusieurs années avant de déclarer officiellement aux autorités policières ce qu’elle a vécu. L’année de la déposition est donc en 2014 mais la date de l’évènement de violence est antérieure à celle où la victime se présente au poste de police.

Les données officielles représentent une source d’information intéressante afin de constituer des scripts et proposer des mesures de prévention situationnelle (Chiu et coll., 2011). De plus, le fait que les informations aient déjà été collectées et résumées (documents officiels du SPVM) donne un net avantage à ceux qui désirent les utiliser. Comme le reconnaissent Chiu et coll. (2011), l’utilisation de données officielles permet d’éviter les biais liés aux méthodes plus conventionnelles comme les entrevues et sondages de délinquance auto-rapportés (Berg 2007; Porter 2008). Les données officielles sont moins sujettes aux problèmes de subjectivité et de remémoration. Les policiers agissent à titre de tierce partie externe au conflit (Cusson, 2002) et colligent les dépositions des parties impliquées dans l’altercation. Les enquêtes permettent également de reconstituer le fil des évènements et éventuellement à porter des accusations.

Dans le présent projet, afin de mieux déterminer les informations pertinentes et présentes dans les documents policiers, une grille de codification a été élaborée (voir Annexe I). Huit étapes ont été identifiées : 1) Contexte initial, 2) Déplacement vers le lieu du crime, 3) Acquisition de l’arme, 4) Attaque de l’agresseur, 5) Arrêt des hostilités ou riposte, 6) Nouvelle riposte de l’agresseur, 7) Fuite et 8) Prise en charge de la victime. Ces étapes ne sont pas toujours nécessaires à la réalisation du script et certaines étapes impliquent des interactions entre l’agresseur et la victime. Ces aspects seront analysés et présentés dans la section des résultats. Ces interactions entre l’agresseur et la victime ont fait l’objet d’une attention particulière lors de la codification des données et renvoient à

ce que Leclerc (2014) appelle les scripts interpersonnels. Les informations ont par la suite été codifiées pour chaque étape du script. Pour chaque étape, une analyse des thèmes retrouvés dans les rapports policiers a permis de relever des informations relatives aux parties présentes (actions posées et leurs rôles dans le script), aux facilitateurs, aux substances psychotropes et aux endroits. Chacun de ces thèmes est décrit dans la prochaine sous-section.