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Sons utilitaires

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 87-193)

1 État des lieux

1.2 Sons utilitaires

L’objectif des chapitres suivants est d’inventorier les signaux sonores volontaires de commu-nication ayant une fonction d’appel, d’annonce ou d’alarme. Ces signaux sont essentiels au bon fonctionnement des collectivités et sont, parmi les autres catégories de sons, les plus habituels sans doute de leur quotidien. Certains d’entre eux vont aussi posséder la qualité de définir des territoires, comme les sons dont j’ai parlé dans les chapitres précédents, mais ce ne sera pas là leur fonction première. Parmi les signaux sonores de communication, j’ai dis-tingué :

A - Les signaux émis par et pour l’homme. La présence d’instruments de musique dans ce premier ensemble implique une sorte de professionnalisation de l’émetteur ou tout au moins une spécialisation. Les instruments dont la puissance est la plus importante se trouvent au bourg à la disposition des institutions, l’église et la mairie. À côté de tous ces signaux institutionnels bien caractérisés, les plus quotidiens, utilisés par tout le monde, sont en grande majorité vocaux.

B - Les signaux émis par l’homme à l’adresse des animaux domestiques et sauvages.

C - Les signaux naturels interprétés par l’homme émis par les animaux domestiques ou sauvages.

A – Communications entre les hommes Cloches

Depuis très longtemps et partout sur le territoire, la cloche de l’église - la clloche [tjOS] - est considérée comme le signal sonore par excellence et ce, depuis très longtemps (Marcel-Dubois, 1980 ; 24). Dans certains textes médiévaux, la cloche est désignée ainsi par le mot

« signum », le signal (Gonon, 2010, 21 ; Marcel-Dubois, 1980, 24). Mes informateurs ont quant à eux nommé la sonnerie des cloches « le son », comme s’ils indiquaient, par cette appellation simple et forte, une sonorité unique, originale et idéale. La cloche est au surplus un son repère, reconnu comme tel par la communauté. Elle concerne en effet directement l’ensemble des paroissiens, c’est-à-dire à cette époque la quasi-totalité de la population ru-rale locale107.

Pourtant, toutes puissantes qu’elles soient, les cloches ne s’entendent pas sur le territoire entier de la paroisse et, dans des conditions ordinaires, ne sont bien perçues que dans un rayon de deux à trois kilomètres autour de l’église. Le son, porté au gré du vent et des condi-tions atmosphériques, n’est pas d’intensité régulière. Sa diffusion est enfin tributaire de la position du clocher dans le paysage ambiant.

« Dans cette situation-type, à savoir un appareil campanaire installé dans une tour de 7 mètres environ et positionné sur un promontoire dominant un paysage de plaine, une sonne-rie de une à deux cloches, même modeste en intensité, peut aisément s'entendre sur un rayon de 2,5 à 3 kilomètres. Cette performance de propagation du son peut nettement être améliorée par des effets météorologiques, comme l'influence de certains vents ou les condi-tions hygrométriques. » (Regnault, 2010 ; 106).

Très vite pourtant, on a cherché à remédier un peu partout à cette « inadéquation entre la sonnerie et l’étendue du territoire » dont parle Alain Corbin (Corbin, 1994 ; 167). Jusqu’au 19e siècle, les cloches des églises locales n’étaient pas bien grosses et logeaient dans des clochers aux dimensions très ordinaires. Il faudra attendre les dernières décennies du siècle pour qu’on se préoccupe de ce problème. Ainsi, en 1872, la « grande cloche » de Camoël étant cassée, elle est refondue afin d’en fabriquer une autre qui soit « plus forte ».

« Les habitants se plaignent avec raison que celle qui est actuellement dans la tour est trop petite et n’est point entendue d’assez loin /…/. Il est nécessaire d’avoir une cloche plus forte

107 Le taux d’adultes allant à la messe dans les années cinquante dans le canton de La Roche-Bernard est encore supérieur à 80% (Lambert, 1985, 8).

que celle dont on se sert habituellement pour les offices divins et dont le son ne porte pas assez loin pour être entendu des habitants des villages éloignés »108.

La « grande cloche » de 1789 qui pesait environ 146 kilogrammes (299 livres) est donc rem-placée par une nouvelle de 401 kilogrammes en 1872 (Germond, 2000 ; 28). À la suite de Camoël et partout dans la région en quelques années, le poids des cloches paroissiales est augmenté de deux à quatre fois et leur puissance s’en trouve donc améliorée. Parmi les plus grosses, celle de Saint-Dolay installée en 1926 atteint les 945 kilogrammes (Calofer, s. d. ; 12) ; le bourdon d’Piaule, mis officiellement en branle en 1919, bat tous les records avec ses 1700 kilogrammes (Danigo, 1998 ; 86). Ses fréquences graves augmentent considérablement la taille du territoire dans lequel il est perçu. Mais ces deux cloches, aussi grosses qu’elles soient sur le plan local, ne sont pas grand-chose comparées à celles des grandes villes. Deux des plus lourdes cloches de Bretagne se trouvent dans l’église Sainte-Croix à Nantes et dans la cathédrale de Rennes et pèsent respectivement 8069 et 7938 kilogrammes (Lomenech, 2000 ; 42).

Le nombre des cloches des églises paroissiales a généralement augmenté au 19e siècle. À La Roche-Bernard par exemple, on est passé d’une seule cloche avant la Révolution à deux en 1814, puis à trois à la fin du siècle (Le Breton, 1919 ; 170 et Le Breton, 1921 ; 395 et 425).

Beaucoup d’églises semblent passer de deux à trois cloches, sauf Saint-Dolay qui passe à quatre ; Marzan serait la seule des environs à avoir gardé ses deux cloches109. Les nouvelles sonneries installées dans les clochers locaux forment un accord conforme à l’usage général en France.

« La sonnerie de deux cloches pré-accordées entre elles par le fondeur généralement à la tierce, celle de trois cloches donnant des notes successives à intervalle d’un ton, ou bien, pour les sonneries harmoniques, à intervalle de tierce, restent des sonneries courantes. Lorsque le nombre de cloches est plus important et que le format et l’accord des cloches sont nettement différenciés, on parle de carillon. » (Marcel-Dubois, 1980, 50-51).

À la fin du 19e siècle, l’environnement sonore local est donc grandement affecté musicale-ment car, outre leur intensité, les notes produites par les nouvelles cloches sont différentes de celles des anciennes.

108 Registre des délibérations du conseil municipal de Camoël, délibération du 11 août 1872. A.D.M. 3Es 30/1.

109 L’évolution du nombre des cloches dans chaque paroisse au cours des 18e et 19e siècles est cependant diffi-cile à saisir tant les informations sont éparses, rares parfois et diffidiffi-ciles à interpréter. Les chiffres exposés plus haut ont été déduits de la lecture des historiens locaux (Danigo, 1988. Germont, 2000. Tendron, 2002. Calofer, n. d.).

Ce changement est issu d’une vague de construction d’églises, aux clochers plus hauts et plus solides, déferlant dans la région de 1877 à 1906. Le mouvement est d’ailleurs national dans la seconde moitié du 19e siècle et est d’une ampleur rarement égalée dans les siècles précédents y compris en Bretagne (Chaline et Charon, 1987 ; 35).

« En Ille-et-Vilaine, 169 paroisses sur 367 (46%) voient alors leur église entièrement recons-truite. Un tel pourcentage est de loin supérieur à la moyenne nationale qu’on évalue généra-lement autour de 25%. En Loire-Atlantique, on dénombre 168 chantiers pour la seconde moi-tié du siècle, dont 79 pour le seul épiscopat de Mgr Jacquemont (1846-1869). Les Côtes-d’Armor comptent 198 églises bâties au XIXe siècle, le Morbihan 185. » (Bonnet, 2005 ; 79).

Le constat est alors à peu près partout le même : les églises, de construction ancienne, sont jugées trop anciennes pour être réparées110. Sur les 9 paroisses concernées par l’étude, 7 construisent des églises nouvelles et seules, Marzan et Arzal gardent leurs anciens édifices.

Le clocher de l’église paroissiale nouvelle, de taille bien supérieure à l’ancien, devient alors l’objet de toutes les fiertés111. Mais sa construction a été souvent bien postérieure à celle de l’église. Paradoxalement, les chantiers qui s’éternisent souvent pour des questions tech-niques et surtout financières, ont mis un frein momentané à la diffusion du son des cloches paroissiales112. Descendues au sol près de l’église en construction, elles sont alors le plus souvent installées sur un portique jusqu’à ce que les travaux se terminent. Si les cloches de Férel n’ont passé qu’une année sur la place de l’église (Gravier, 1895 ; 96), celles de Nivillac et Saint-Dolay ne sonnent que 20 et 30 ans plus tard dans leur nouveau clocher113.

110 À Camoël, le conseil municipal en 1859 constate ainsi que « l’église de la commune est dans le plus triste état de délabrement par suite de vétusté de d’ancienneté ». Registre de délibération du conseil municipal de Camoël, 6 novembre 1859. A.D.M. 3Es 30/1. De même, à La Roche-Bernard en 1852 « Les crevasses augmen-tent dans l’église et (…) elles constituent un danger pour la sécurité publique »(Le Breton, 1921 ; 414).

111 L’attachement à son clocher, à son village natal, est présent un peu partout en Bretagne et en France. Un chant à danser le rond, retrouvé à Nivillac raconte l’histoire d’un prisonnier dont la femme, pour le revoir, se-rait prête à donner Paris, Saint-Denis, la tour de Notre-Dame et… le clocher d’son pays. Le clocher de son pays est donc une chose si considérable qu’il est possible de le comparer, dans une chanson tout du moins, à la tour de Notre-Dame voire à la ville de Paris toute entière ! « J’ai planté (t’)un ormeau », chant collecté à Cassan, Nivillac le 10 octobre 1976. Ce chant possède plusieurs variantes locales – J’ai planté un rosier, etc. – aux finales légèrement différentes quant aux dons que la femme fait pour récupérer son mari.

Catalogue Coirault : 1502 - Le prisonnier des Hollandais.

Catalogue Laforte : I, I-2 - Par derrière chez ma tante.

112 Des projets de clochers ont été ainsi abandonnés ou reconsidérés faute de financement. C’est le cas de Nivillac et d’Arzal qui attendit de 1905 à 1941 pour avoir un nouveau clocher (Tendron, 2002 ; 11 et Brageul, 1977).

113 Nivillac resta sans clocher de 1902 à 1929 (Tendron, 2002 ; 11). En 1906, les trois cloches se trouvent dans un appentis en bois touchant l’église. Inventaire des biens de la fabrique de l’église paroissiale de Nivillac (1906). A.D.M. V 466. Le clocher de Saint-Dolay s’effondre en 1895. Deux cloches demeurent jusqu’en juin 1922

Le portique des deux cloches installé au bourg de Saint-Dolay, à côté du puits devant l’église actuelle et à l’angle des routes allant vers Missillac et La Roche-Bernard. Carte Postale. Collection : Musée de la Vilaine, La Roche-Bernard.

Le but de tous ces aménagements d’églises est de toute évidence de resserrer la commu-nauté des paroissiens au son de cloches puissantes. Le territoire défini ainsi devient cohé-rent. La resacralisation du territoire rural français constaté par Alain Corbin au 19e siècle, passe en effet par un usage important des cloches, favorisé à la fois par le renouvellement du parc campanaire et la construction d’églises neuves aux clochers imposants (Corbin, 1994 ; 82). Comme pour bien assurer la cohésion de ce territoire, le coq de la tour du clocher fait un tour symbolique de la paroisse avant d’être installé, comme ici à Saint-Dolay en jan-vier 1925 où il est fixé « après avoir été promené par les maçons dans le bourg et les villages de la paroisse qu’il visitera désormais de son regard vigilant »114.

La cohérence des communautés s’entretient donc par la fierté de posséder des cloches puis-santes installés dans un haut clocher et qui répandent leurs signaux réguliers sur tout le ter-ritoire.

sur portique, mises à l’abri derrière l’église et finalement 4 cloches nouvellement fondues à Villedieu arrivent en gare de Redon en janvier 1926 et sont montées dans le clocher. Cahier de paroisse de Saint-Dolay consulté au presbytère de La Roche-Bernard avec l’aimable autorisation du père Simon, curé de La Roche-Bernard.

114 Cahier de paroisse de Saint-Dolay, janvier 1925. Archives du presbytère de La Roche-Bernard.

Pour cela, les sonneries retentissent tous les jours pour l’office matinal quotidien de 6 heures 30. Puis s’ajoutent les trois angélus quotidiens à 6 heures, 12 heures – Cette sonnerie porte le nom de « son de midi » à Arzal - et 19 heures. Lorsque l’église possède une horloge, l’angélus sonne après les tintements des heures. C’est un marqueur de temps très important à la campagne.

« Le tintement de l’angélus donne généralement le signal du commencement et de la fin de la journée agricole. » (Choleau, 1907 ; 81).

Cette sonnerie particulière commence par une série obligée de trois fois trois coups donnés sur la petite cloche, suivis par une volée régulière sur la même cloche. Ces 9 tintements permettent de l’identifier facilement.

« Nos parents nous disaient. Quand l’angélus sonne, vous ramenez les vaches à midi. »

« Tout le monde n’avait pas de montre, déjà. Alors, déjà à midi pour l’angélus, bon, ben… il était midi, il est temps de partir du champ. »

(Décembre 2015 – André Jubert, agriculteur, Kerpaix, Péaule, né en 1945).

Une concurrence très localisée à l’angélus a pu exister localement, dans quelques grandes maisons qui utilisent les cloches pour appeler leur personnel. Elles en font profiter les rive-rains.

« La cloche de Brambert [Brambert est une grande maison proche du bourg de Pénestin].Les propriétaires s’en servaient pour appeler leurs domestiques à midi et puis le soir. On disait :

« v’là Brambert qui sonne ! Il est temps d’manger ! »

(Mars 2015 – Marcelle Malivet, Le Bourg, Pénestin, née en 1929).

Les cloches des écoles ont d’ailleurs joué le même rôle ainsi que les bruits réguliers du pas-sage des trains.

« Quand on entendait l’train, on savait qu’i’ fallait s’en v’ni. On se basait (sur ça) pour rentrer nos vaches. »

(Sans date – Marie Huguet, agricultrice, Bringuin, Nivillac, née en 1911. Cette informatrice habite à l’Est à une dizaine de kilomètres de là, dans un village des bords de Vilaine, et ne pouvait donc pas entendre l’angélus).

À tout cela, il faut ajouter les appels à la grand-messe dominicale de 10 heures 30, celui des vêpres à 15 heures, puis, plus ponctuellement, les sonneries des autres offices du rite chré-tien. À la fin du 19e siècle par exemple, deux baptêmes et un enterrement sont célébrés en moyenne chaque semaine dans les grosses communes de 3000 habitants comme Saint-Dolay et Nivillac. Dans les communes plus petites de 2000 habitants environ comme Marzan ou Férel, un baptême par semaine et un enterrement. La ville de La Roche-Bernard avec ses 1300 habitants n’a en moyenne qu’une sonnerie de baptême tous les 9 jours et un enterre-ment toutes les deux semaines environ115. Ce sont donc au total 4 ou 5 sonneries de cloches au minimum qui sont entendues quotidiennement et jusqu’à 7 le dimanche ; tout cela sans compter les rappels nombreux des différents rites et offices. Par exemple, les mariages ont deux sonneries en début et fin d’office, celle de l’enterrement proprement dite est précédée de nombreux glas. Le premier est sonné aussitôt le prêtre prévenu du décès et les autres après chaque angélus, jusqu’au jour de l’enterrement Pour les services anniversaires, le glas est sonné avant l’angélus du soir (Avril 2016 – René Le Ray, fils de sonneur, Le Bourg, Mar-zan, né en 1934).

Sonneries supplémentaires

L’utilisation de sonneries supplémentaires particulières à certaines paroisses et frairies ajou-tent encore à leur fréquence116. À Marzan par exemple, l’office dominical de 10 heures 30 est annoncé plusieurs fois par une série de sonneries préparatoires. À 9 heures, retentit alors

« le son d’neuf heures /…/ avec la petite cloche pour signaler que la grand-messe appro-chait » (Avril 2016 – René Le Ray, fils de sonneur, le Bourg, Marzan, né en 1934). Cette son-nerie, qui existe aussi à Arzal, ne m’a pas été signalée à La Roche-Bernard et dans les autres paroisses mitaodes. Cette particularité est due sans doute à ce que, dans le diocèse de Vannes, une relative liberté est laissée à chaque paroisse dans ce domaine. « Il n’existe pas dans mon département de règlement sur la sonnerie des cloches », écrit en effet le préfet en 1862117.

115 Moyennes calculées sur la période 1880/1890 à partir des tables décennales de l’état civil. Archives du Mor-bihan. [En ligne]. Conseil Général du MorMor-bihan. [Page consultée le 3 mai 2016]. Disponibilité et accès http://www.archives.morbihan.fr.

116 La frairie est très présente et bien représentée dans toute la région de La Roche-Bernard. « En Bretagne celtique, une institution originale connue surtout à la fin du Moyen Âge commence à se distinguer : la frairie. Il s’agit d’une association à caractère d’abord religieux mais qui dépasse ce cadre pour atteindre une convivialité étendue. Centrée sur un hameau et dotée d’une chapelle, elle s’étend sur une fraction de paroisse et quand elle apparaît en pleine lumière, elle se manifeste comme le lieu d’une solidarité marquée. » (Pichot, 2002 ; 340).

117 Églises - cloches (1800-1866). A.D.M.V 522.

Ces spécificités peuvent être dues, en ce qui concerne les chapelles de frairie éloignées du bourg, à un maintien plus long de pratiques sonnées plus anciennes. Cela est particulière-ment sensible côté berton où la densité d’édifice est plus importante que dans le Mitaod118. Ces communautés possèdent souvent un fort sentiment d’appartenance et de ce fait une autonomie relative. À Marzan, elles sont regroupées d’ailleurs de façon révélatrice dans une expression les désignant : « le fond d’la paroisse » (Septembre 2015 – René Leray, fils de sonneur, le Bourg, Marzan, né en 1934).

Pendant le temps des Rogations, en avril et en mai, les chapelles de frairie importantes, but des processions, peuvent aussi accueillir un office annoncé par des sonneries de cloches comme c’est le cas à Saint-Cry, Sainte-Anne en Saint-Dolay, Miquel et Trémer en Marzan.

« Mon père sonnait les cloches de la chapelle (de Miquel) quand il entendait les chants sur la route, après Bois Marzan [les paroissiens venaient à pied de Marzan le second jour, soit 8 kilomètres aller-retour]. »

(Avril 2015 – M.B., agricultrice, Miquel, Marzan, née en 1946).

À Marzan, la chapelle de Miquel connaît jusque dans les années 1950, les longues sonneries de la Toussaint.

« À la chapelle de Miqhè [Miquel à Marzan], on sonnait les cloches le soir du 1er novembre.

Y'avait plusieurs sonneurs du village [et de quelques villages aux alentours] qui se relayaient ; ça sonnait pendant longtemps, longtemps... »

(Avril 2015 – M.B., agricultrice, Miquel, Marzan, née en 1946).

Les sonneries de Toussaint ont perduré ailleurs dans le Berton. Les cloches de la chapelle Saint-Michel de Questembert retentissaient aussi plusieurs heures à La Toussaint et ce au moins jusqu’en 1939 (Septembre 2014 - Anne Dréan, coiffeuse, Questembert, née en 1927).

Partout ailleurs dans la région, elles ne sont pas plus longues qu’un glas ordinaire. Il faut aller chercher assez loin dans le temps pour en retrouver la trace. Henri Le Breton les signale dans les églises paroissiales de Marzan, Nivillac et La Roche-Bernard au 18e siècle mais sans dire, hélas, quand elles se sont arrêtées. Il donne à ces glas particuliers de la nuit du 1er au 2 no-vembre le nom (traditionnel ?) de « pleurs », expression par les cloches, écrit-il, de la voix des âmes des trépassés (Le Breton, 1919 ; 200).

118 La densité de ces chapelles frairiales, et donc la fréquence et la diversité de leurs sonneries, est importante à Marzan et Péaule. Au début du 20e siècle, ces deux paroisses possèdent en effet huit chapelles en excercice, alors que les sept paroisses du Mitaod n’en ont que 5. Je n’ai pas trouvé de raisons qui pourraient expliquer cela. Dans le Mitaod en effet, beaucoup d’édifices ont disparu assez vite aux 18e et 19e siècles.

Le signal des cloches rassemble et assure la cohésion de la communauté, rythme le temps rural et, dans ces conditions, chaque manquement au code, chaque cassure de la normalité, sont ressentis comme des offenses. La réaction des auditeurs peut être à cette occasion as-sez violente.

« Les trois coups *de l’angélus+, ça comptait beaucoup parce que ça permettait de savoir que c’était bien l’angélus. Une fois, j’ai été… enfin… embêté par le secrétaire de mairie de l’époque [mon informateur, le fils du sonneur de cloches, était en charge ce jour-là de faire sonner l’angélus. Toujours vexé soixante-dix ans après les faits, il a refusé catégoriquement de me dire pourquoi !]. J’ai oublié de sonner les trois coups. Je ne me suis pas rendu compte tout de suite. Je suis sorti de l’église : tout le bourg était à la fenêtre à regarder. « Mais Eu-gène ! Qu’est-ce que t’as fait là ! T’as oublié de sonner les trois coups. Faut qu’tu recom-mences ! » Et j’ai recommencé parce que personne n’aurait compris. »

(Janvier 2015 – Eugène Lemonnier, fils de sonneur, le Bourg, Arzal, né en 1931).

Dans ce deuxième témoignage, on s’en prend une nouvelle fois au sonneur mais de manière moins policée.

« Le Vendredi saint, il n’y avait donc pas d’angélus [les cloches sont muettes à la fin de la

« Le Vendredi saint, il n’y avait donc pas d’angélus [les cloches sont muettes à la fin de la

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