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1.4 Évolution théorique des propriétés du PQG

2.1.4 Les sondes dures

Une façon de sonder les degrés de liberté partoniques du milieu créé dans les collisions A+A est d’utiliser les partons de haute impulsion transverse produits par diffusions dures.

2.1.4.1 Diffusions dures et pQCD

Une des conséquences pratiques parmi les plus importantes de la liberté asymptotique énoncée dans le chapitre 1 est certainement le succès de la QCD perturbative (pQCD) pour décrire des processus variés impliquant des interactions dures entre partons à très courte distance. Dans ce cas, la constante de couplage de l’interaction forte étant “faible”, il est pos-sible de faire un développement perturbatif de sections efficaces d’interactions physiques quand le transfert d’impulsion mis en jeu est grand. En raison du confinement de couleur du vide “plein”, les particules observées de l’état initial et de l’état final sont des hadrons régentés par des interactions fortes à longue distance dont les intensités ne sont pas cal-culables par une approche perturbative. Cependant, il a été prouvé qu’au premier ordre en 1/Q2, la section efficace peut être factorisée en termes rendant compte de l’interaction à courte portée et calculables par la QCD perturbative et en d’autres termes traduisant l’interaction sur des plus longues distances−ces dernières n’étant pas calculables par la pQCD [DDT 80, Muel 81, CSS 85].

Les termes à longue portée font intervenir des fonctions d’onde hadroniques, des dis-tributions de partons et l’hadronisation. Même s’ils ne peuvent pas être calculés de façon perturbative, les éléments de matrice qui les définissent sont universels et indépendants de processus spécifiques. Si un terme à longue portée est mesuré lors d’un processus quel-conque, il peut être utilisé pour décrire un autre processus. Connaissant expérimentale-ment, par exemple, la valeur de la fonction de structure d’un parton à Q2 donné, il est possible de déterminer la valeur de cette dernière sur un autre domaine de Q2à partir des

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equations d’évolution Dokshitzer-Gribov-Lipatov-Altarelli-Parisi [DGLAP 7277]. Ces équa-tions permettent également de déterminer l’évolution de la constante de couplage QCDαs en fonction de l’impulsion échangée Q2.

Le modèle des partons en QCD perturbative est fondé sur un schéma analogue de fac-torisation de processus durs. Dans ce modèle, la section efficace d’un processus dur type décrivant, par exemple, la diffusion dure p+p, peut s’exprimer comme la convolution de distributions initiales de partons, des sections efficaces perturbatives de diffusions dures de partons faisant intervenir la constante de couplage fort de la QCD et d’une fonction de fragmentation de partons non perturbative. Comme les processus durs interviennent sur une très courte période au début de la collision, ils vont permettre de sonder la matière créée juste après la collision. Le modèle des partons de pQCD sert donc à étudier les sondes dures du plasma, comme les photons directs, la production de saveurs lourdes ou encore la physique de la propagation des jets dans la matière dense. Dans ce paragraphe, nous discutons uniquement de la physique des jets. Le paragraphe sur les signatures du futur revient brièvement sur les photons directs et sur les saveurs lourdes.

2.1.4.2 Perte d’énergie des partons et suppression des jets

Dans les domaines de hautes énergies ou de grandes impulsions transverses, les diffu-sions dures de partons ayant de très faibles sections efficaces, il est possible de considérer un noyau comme une superposition incohérente de partons. Par conséquent, une collision A+A pourrait être modélisée comme une superposition de collisions élémentaires indépen-dantes (N+N) (collisions binaires) (cf. chapitre 3) et pourrait être définie comme <Nbin>

collisions inélastiques N+N.

Pour observer ce comportement, lefacteur de modification nucléairedéfini comme le rapport du spectre A+A central au spectre obtenu lors d’une collision p+p (multiplié par le nombre de collisions binaires moyen) à la même énergie défini selon l’équation 2.1 a été introduit [Adco 01a]. TAA = (< Nbin > /σN+Ninel ) déterminé par le modèle de Glau-ber (avec une section efficace inélastique σN+Ninel = 42 mb) traduit la géométrie de la colli-sion, d2σN+N / dpTdη est la section efficace différentielle de production de hadrons dans les collisions p+p [Klay 04, Adam 03c]. En l’absence d’effets nucléaires qui seront discu-tés par la suite, le rapport devrait tendre vers 1 dans le domaine des hautes impulsions transverses où la QCD perturbative et les processus durs élémentaires devraient domi-ner [Adco 01b, Adle 01a].

RAA(pT) = d2NA+A/dpT

TAA d2σN+N/dpTdη (2.1)

On utilise parfois un substitut de ce rapport, assimilant une collision p+p à une col-lision A+A périphérique. C’est le rapport RCP, nommé également facteur de modification nucléaire, défini par la formule 2.2. Ce rapport est fort intéressant dans la mesure où il permet de définir une référence autre que celle des collisions p+p.

RCP(pT) = d2NCentral / <NCentralbin >

d2NPériphérique / <NPériphérique

bin > (2.2)

RAA ou RCP égal à 1 à hautpT serait le cas idéal où les produits des réactions Au+Au n’auraient pas subi de modifications dues à des effets nucléaires des noyaux respectifs

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[GeV/c]

Figure 2.6 –Facteurs de modification nucléaire RAA pour les hadrons chargés et les π0 lors des collisions Au+Au et d+Au àsNN= 200 GeV par rapport aux collisions p+p mesurés par BRAHMS (en haut à gauche), PHENIX (en haut à droite), PHOBOS (en bas à gauche) (point pour d+Au et ligne pour Au+Au en collisions centrales) et STAR (en bas à droite). Figures extraites de [StaWP 05]

mis en jeu ou dues à l’éventuelle formation d’une matière dense et chaude : le PQG. Il a été prédit, en effet, que la formation de ce dernier en laboratoire devrait avoir une consé-quence importante sur les hadrons produits. Une suppression de la formation de ces der-niers aux hautes impulsions transverses est attendue dans les collisions Au+Au où un plasma est susceptible d’avoir été créé. Les premières idées, nées bien avant la construc-tion du RHIC [Bjor 82] ayant conduit par la suite à cette prédicconstruc-tion, sont attribuées à Bjorken. Elles ont été abondamment reprises et améliorées depuis [GyPl 90, WaGy 92, WGP 95, BDPS 95, BDMPS 97, BDMS 98, Bass 99]. Elles préconisent que la propa-gation de partons de haute énergie dans un milieu très dense de quarks et de gluons doit s’accompagner d’une perte d’énergie de ces derniers par radiation de gluons. Cette réduction de l’énergie de chaque parton entraîne une réduction de l’impul-sion moyenne des hadrons issus de la fragmentation des partons. Ce phénomène devrait se traduire par la suppression des taux de production des hadrons de hauts pT dans les collisions Au+Au par rapport aux taux des hadrons de hautspT dans les collisions élémen-taires p+p.

Cette suppression attendue a été mesurée par les quatre expériences au RHIC en 2002.

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Les résultats de BRAHMS, PHENIX, PHOBOS et STAR sont représentés sur la figure 2.6 et comptent parmi les résultats les plus marquants de la physique des hautes énergies en faveur de la formation d’une matière dense de partons au RHIC. Que ce soit RAAdesπ0ou des particules chargées, on observe clairement dans le cas des collisions Au+Au une dimi-nution du rapport au delà de pT ∼2.5 GeV/c. Dans le cas de collisions d+Au, une suppres-sion beaucoup moins marquée est observée et à partir d’unpT plus élevé que 2.5 GeV/c. Ces collisions sont utilisées comme contrôle. Comme en Au+Au, le produit de ces collisions dé-pend des effets nucléaires de l’état initial [Antr 79, Aube 83, Grib 83, Muel 86]. Par contre, à la différence de Au+Au, comme le plasma n’y est pas attendu, aucune suppression des jets à hautpT (due à la perte d’énergie des partons dans l’état final) ne devrait être observée.

C’est effectivement ce que semblent montrer les expériences du RHIC. Les collisions d+Au permettent de quantifier les effets nucléaires tandis que les collisions Au+Au subissent en plus une suppression à haut pT (effets de l’état final). De l’ampleur de la suppression de RAA, il est possible de faire une estimation de la perte d’énergie des partons dans le milieu [PheWP 04].

2.1.4.3 Corrélations azimutales

(radians) φ

-1 0 1 2 3 4

)φ dN/d(TRIGGER1/N

0 0.1 0.2

d+Au FTPC-Au 0-20%

p+p min. bias Au+Au Central )φ∆ dN/d(Trigger1/N

Figure 2.7 – Corrélations azimutales entre hadrons à haut pT dans les collisions p+p, d+Au et Au+Au àsNN = 200 GeV mesurées par STAR [Adam 03b]

Les effets de la perte d’énergie de partons de hautspT dans un milieu dense peuvent aussi être mis en évidence en étudiant la corrélation des hadrons de hautpT. La figure 2.7 montre la distribution azimutale des hadrons de pT > 2 GeV/c par rapport à un hadron déclencheur depT >4 GeV/c. Une paire de hadrons générée par un jet seul devrait entraî-ner un pic de corrélation à ∆Φ ∼0 comme cela est observé dans les collisions p+p, d+Au et Au+Au par la collaboration STAR. En revanche, une paire de hadrons corrélés issue de l’émission de deux jets à 180 (opposés) devrait entraîner un pic de corrélation à∆Φ∼π.

Ce pic est observé dans le cas des collisions p+p et d+Au. Par contre, la corrélation de deux hadrons opposés est absente des collisions Au+Au centrales alors qu’un pic subsiste dans le cas des collisions périphériques [Adam 03b].

Cette observation est due aux effets de l’état final, les partons interagissant avec le milieu dense. Dans cet environnement, leurs produits de fragmentation (les hadrons) pro-viendraient essentiellement des partons diffusant “vers l’extérieur”, vers la surface de la

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zone de collision. Les partons diffusant vers l’intérieur de la matière dense, en revanche, la traversent sur une grande distance et y perdent énormément d’énergie, conduisant à une suppression de la production de hadrons de hauts pT. Cela se traduit par l’absence de la corrélation des hadrons de hautpT autour de∆Φ∼π.