• Aucun résultat trouvé

Partie III — Résultats et discussions physiques

7.2 Thermodynamique chimique :

7.2.3 Une augmentation pour les systèmes plus grands ou une suppression

À ce stade, mis à part certains modèles hadroniques qui semblent capables d’expliquer les taux desΞet leur évolution avec la centralité de la collision, l’argument de l’augmen-tation d’étrangeté et en particulier des taux de production avec la centralité de la collision semble convaincant comme conséquence de la formation d’un plasma en laboratoire. Et cela d’autant plus que nous avons observé une augmentation de la production des parti-cules d’autant plus importante que ces dernières sont étranges.

L’étape suivante pour étudier ces taux de production est de comparer ces derniers avec des systèmes plus petits pour lesquels les conditions de formation du plasma ne sont pas remplies. Nous avons déjà entrepris une comparaison avec le système d+Au. Les collisions Au+Au et d+Au sont comparées dans cette partie aux collisions élémentaires p+p.

7.2.3.1 Prise en compte des effets de l’espace des phases

La plupart des modèles statistiques utilisent un ensemble grand-canonique pour dé-crire le système, approximation valable pour des systèmes suffisamment larges. Dans cette approche, les nombres quantiques ne sont pas tous rigoureusement conservés. Ils ont juste besoin de l’être en moyenne. Très schématiquement, on peut dire que les particules ont suffisamment de place pour être formées et c’est aussi valable pour l’étrangeté. Quand la limite grand canonique est atteinte, le système peut se “relâcher” et cela conduit à un effet intéressant sur l’étrangeté qui peut être abondamment produite. Si on passe à présent à la description de systèmes plus petits, mieux décrits par un ensemble canonique, les nombres quantiques de l’étrangeté et baryonique doivent être explicitement conservés. La création d’étrangeté réclame à la fois de l’énergie mais également de l’espace des phases. Cela signi-fie que plus l’espace des phases est petit et plus on observe une suppression de la production d’étrangeté. C’est ce qui est appelé lasuppression canonique de l’étrangeté. Quand le volume du système devient suffisamment large, la suppression de l’espace des phases di-minue peu à peu et le nombre de particules étranges créées par unité de volume augmente jusqu’à devenir constant.

Le modèle de suppression canonique proposé par K. Redlich et A. Tounsi [HRT 00, Redl 0103]

décrit les effets de cette dernière en introduisant un facteur de suppression Fs(T,V), qui permet de mesurer une déviation de la densité de particules de la limite asymptotique grand canonique (nis)GCvers une densité canonique (nis)Cpar la relation 7.7.

(nis)C= (nis)GCFs(T,V) (7.7) Pour une grande valeur de V ou de T, Fs(T,V) tend vers 1 et la limite grand canonique est atteinte.

Dans ce modèle, le volume est proportionnel au nombre de participants. Sur la figure 7.16 (a), le facteur de suppression Fs(T,V) est représenté en fonction du volume du système dans le cas des baryons doublement étranges. Les quatre courbes représentées montrent les effets de la suppres-sion pour quatre énergies :sN N = 8.73GeV (ligne pointillée et tiretée),12.3GeV (tirets longs), 17.3GeV (tirés courts) et130GeV (ligne pointillée et tiretée) pour reproduire et prédire respecti-vement les données de l’AGS, du SPS et du RHIC. Cette figure montre non seulement les effets

tel-00011024, version 1 - 17 Nov 2005

de la suppression canonique avec la taille du système mis en jeu, mais également avec l’énergie.

Plus le volume est petit et plus la suppression devrait être importante. En revanche, une aug-mentation d’énergie du système devrait s’accompagner d’une diminution de la suppression. De plus, dans le cadre de ce modèle, pour une énergie donnée, le facteur de suppression canonique diminue à mesure que le contenu en quarks étranges du baryon augmente [Redl 0103].

Figure 7.16 –(a) Facteur de suppression canonique en fonction du nombre de participants dans le cas desΞpour les énergiessN N= 8.73GeV (ligne pointillée et tiretée),12.3GeV (tirets longs), 17.3GeV (tirés courts) et130 GeV (ligne faite de points). (b) Taux de production desΛ,Ξ et pondérés par Npart pour les collisions A+A divisés par les mêmes taux de production dans les collisions p+p pour une énergie dans le centre de masse de 8.73 GeV. (c) Influence de l’énergie de la collision sur le facteur d’augmentation de l’étrangeté.

a) b) c)

Expérimentalement, il est possible de voir les effets de cette suppression sur les taux de production en étudiant le facteur d’augmentation de l’étrangeté (Eis)i défini par l’équa-tion 7.8 comme le rapport de la densité de particules étranges (nis)AA obtenue lors des collisions Noyau+Noyau (A+A) à celle des particules étranges obtenue lors de collisions proton+proton (p+p) ou proton+Noyau (p+A) (nis)pp/dA.

Eis= (nis)AA

(nis)pp/dA = Fs(T,V)

Fs(T,Vpp) = Fs(T,Npart)

Fs(T,2) (7.8)

La figure 7.16 (b), montre la hiérarchie de l’augmentation d’étrangeté àsN N = 8.73GeV en fonction du contenu en quarks étranges des baryons. En accord avec ce qui a été dit auparavant, l’augmentation par rapport aux collisions p+p est d’autant plus importante que la taille (Npart) du système augmente. Elle est d’autant plus marquée que la particule est étrange. La figure 7.16 (c), montre cette fois, la dépendance de cette augmentation avec l’énergie de la collision, diminuant à mesure que l’énergie dans le centre de masse augmente, dû au fait, comme nous l’avons vu que la suppression canonique en p+p diminue (donc que l’espace des phases accessible augmente) avec l’énergie qui augmente (figure 7.16 (a)). Dans le cadre de ce modèle, ce n’est pas tant une

tel-00011024, version 1 - 17 Nov 2005

augmentation d’étrangeté en A+A que l’on cherche à mettre en évidence mais davantage une suppression en p+p.

7.2.3.2 Comparaison des taux de production intégrés en p+p, d+Au et Au+Au Une des premières observations expérimentales de la suppression canonique a été faite par l’expérience KaoS1 au SIS2 par la mesure des kaons [Wagn 98] pour des collisions Au+Au à√sN N = 1 GeV tendance très bien reproduite en fonction de Npart par le modèle de suppression canonique de K. Redlich et A. Tounsi [HRT 00, Redl 0103]. En augmentant l’énergie du système, la suppression des kaons diminue en accord avec le modèle.

Suite à cette observation, les premières données du SPS sur les Λ ont contribué très nettement à confirmer la validité alors apparente de ce modèle. À l’énergie nominale du SPS, en effet, les taux de production desΛpondérés au nombre de participants [Brun 04]

dans les collisions Pb+Pb ont montré une saturation sur les différents domaines de centra-lités étudiés comme le préconisait le modèle de suppression canonique. La figure 7.17 (a) et (b) montre ce comportement pour lesΛetΛ.¯

Si l’on en croît les prédictions de ce modèle, un comportement analogue avec la cen-tralité desΞet desΩdevrait également être observé dans ces conditions expérimentales.

Comme on peut le voir sur cette même figure, les baryons multiétranges semblent dévier de cette saturation, excepté peut-être pour les collisions les plus centrales. En revanche, la hiérarchie en fonction du contenu en quarks étranges prédite par le modèle est respectée.

Jusque là, il semble donc que les données suivent à peu près correctement les prédictions du modèle suggérant que les données du SPS à√sN N = 17.3 GeV sont descriptibles dans une approximation grand canonique.

Plus récemment, la collaboration NA57 a mesuré le facteur d’augmentation d’étran-geté des hypérons à une énergie moindre (√sN N = 8.8 GeV) [Brun 04]. C’est ce qui est représenté sur la figure 7.17 en (c) et (d) pour les particules et antiparticules. Le facteur d’augmentation d’étrangeté est exactement du même ordre de grandeur que celui mesuré à√sN N = 17.3GeV en désaccord avec les prédictions du modèle qui, comme on le voit sur la figure 7.16 (c), prévoit un facteur plus élevé pour les collisions les moins énergétiques.

Outre cette différence, les rapports d’augmentation d’étrangeté croissent avec la centralité de la collision suggérant ainsi que l’approximation grand-canonique n’est pas atteinte à ces énergies. L’augmentation que l’on observe entre les données périphériques et centrales peut être due à la fois à l’effet d’une suppression canonique par rapport aux collisions péri-phériques en plus de la suppression par rapport à p+p et, également, à des réinteractions de particules plus abondantes dans les collisions centrales par rapport aux périphériques.

Quelle que soit l’interprétation de l’augmentation des taux avec la centralité, on observe un désaccord entre les données et le modèle sur l’amplitude de l’augmentation.

Le désaccord peut provenir des incertitudes du modèle:

(1)La grandeur de l’augmentation peut être très sensible à la température atteinte par la source lors des collisions de plus basses énergies. La température choisie pour

1Kaon Spectrometer

2Schwer Ionen Synchrotron

tel-00011024, version 1 - 17 Nov 2005

1 10

1 10 102 103

pT > 0, |y-ycm| < 0.5

< Nwound >

Particle / event / wound. nucl. relative to pBe

Λ Ξ

-pBe pPb PbPb

1 10

1 10 102 103

pT > 0, |y-ycm| < 0.5

< Nwound >

Particle / event / wound. nucl. relative to pBe

Λ

Ξ+

-+Ω+

pBe pPb PbPb

1 10

1 10 102 103

pT > 0, |y-ycm| < 0.5

< Nwound >

Particle / event / wound. nucl. relative to pBe

pBe PbPb

Λ Ξ

-1 10

1 10 102 103

pT > 0, |y-ycm| < 0.5

< Nwound >

Particle / event / wound. nucl. relative to pBe

pBe PbPb

+Ξ

Λ

a)√sN N = 17.3GeV b)√sN N = 17.3GeV

Figure 7.17 – Facteur d’augmentation de l’étrangeté pour les collisions Pb+Pb par rapport aux collisions p+Be et p+Pb en fonction du nombre de nucléons qui participent à la collision au SPS mesuré par l’expérience NA57 au SPS à son énergie nominale desN N = 17.3GeV ((a) et (b)), puis àsN N = 8.8GeV ((c) et (d)). À gauche, les particules, à droite, les antiparticules [Brun 04].

c)√sN N = 8.8GeV d)√sN N = 8.8GeV

tel-00011024, version 1 - 17 Nov 2005

p+p a par rapport

part

(dN/dy)/N

part

) Nombre de participants (N

1 10 102

1 10

Ξ-- (Au+Au)

Ξ (d+Au) Λ

a)

(Au+Au)

p+p d+Au Au+Au

1 10 102

Ξ

++(Au+Au) b)

Ξ

(d+Au)

Λ

(Au+Au)

p+p d+Au Au+Au

=200 GeV sNN

a Collisions p+p, d+Au et Au+Au

p+p a par rapport

part

(dN/dy)/N

part

) Nombre de participants (N

0 100 200 300 400

1 10

Ξ-- (Au+Au)

Ξ (d+Au) Λ (Au+Au)

p+p d+Au Au+Au

a)

0 100 200 300 400

Ξ

++(Au+Au)

Ξ

(d+Au)

Λ

(Au+Au)

b)

p+p d+Au Au+Au

=200 GeV sNN

a Collisions p+p, d+Au et Au+Au

Figure 7.18 –Facteur d’augmentation de l’étrangeté mesuré par la collaboration STAR pour des collisions Au+Au (ronds foncés) et d+Au (ronds clairs) àsNN= 200 GeV par rapport aux collisions p+p [WHA 04] en fonction du nombre de participants en (a) pour les baryons et en (b) pour les antibaryons. Figure du haut : représentation logarithmique, figure du bas : représentation linéaire.

tel-00011024, version 1 - 17 Nov 2005