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Le dispositif de création de la cellule élémentaire de mousse choisi est utilisable avec toutes les solutions de tensioactif. Pour réaliser mes expériences j’ai utilisé trois sortes de tensioactifs en solution : une solution commerciale réputée pour la stabilité des films qu’elle crée, une solu- tion contrôlée permettant d’obtenir des interfaces de grande mobilité et une solution contrôlée permettant l’observation d’interfaces de faible mobilité.

2.3.1

Solutions utilisées

2.3.1.1 Composition

Les trois types de solutions sont :

• Une solution de liquide vaisselle commercial. La composition du liquide vaisselle est inconnue mais il est réputé pour offrir une bonne stabilité des films de savon et des mousses [94–96]. Les molécules de tensioactifs contenues dans ce liquide vaisselle sont mobiles aux interfaces [94]. La solution est produite par le mélange d’eau déionisée et de liquide vaisselle de la marque Dreft© (par Proctor and Gamble) à une concentration de 5%m. On nommera cette solution la solution A.

• Des solutions de TTAB et de glycérine en différentes concentrations. La base de ces solutions est un mélange d’eau déionisée et de TTAB (TetradecylTrimethylAmmonium Bromide) à 3g/l (Soit trois fois la valeur de la CMC [91,97]). Les molécules de ce tensioactif sont mobiles aux interfaces et possèdent une tête anionique [46]. On dérivera de cette solution cinq nouvelles solutions de viscosités différentes par l’ajout de glycérine. En ajoutant de la glycérine, la viscosité des solutions est augmentée sans changer de manière significative la viscosité surfacique, la tension de surface et la masse volumique. On produit des solutions d’eau déionisée, de TTAB à 6g/l et de 45%m (pourcentage en masse), 60%m,

75%m, 80%m et 85%m de glycérine. La concentration en TTAB des solutions viscosifiées

est augmentée pour une meilleure stabilité des films. Ces solutions seront donc utilisées pour tester les effets de la viscosité. On nommera l’ensemble de ces solutions les solutions B (dans l’ordre croissant en concentration de glycérine : B1, B2, B3, B4, B5 et B6). • Des solutions de SLES, CAPB et d’acides LAc ou MAc. Ces dernières possèdent une

grande viscosité interfaciale . Elles possèdent une masse volumique et une viscosité proche de celle des solutions A et B. Le changement d’acide permet de changer la viscosité de surface sans changement significatif de la masse volumique, de la tension de surface et de la viscosité. Ces solutions seront donc utilisées pour étudier les effets de la viscosité de surface. Elles sont réalisées selon le protocole élaboré par Golemanov [98] par du mélange d’eau déionisée, de 6.6%m de SLES, de 3.4%m de CAPB et de 0.05%m d’acide LAc ou

MAc . On nommera l’ensemble de ces solutions les solutions C (respectivement C1 et C2). Toutes ces solutions forment des films stables sur plusieurs dizaines de secondes dans nos conditions d’utilisations car les concentrations utilisées sont nettement supérieures aux CMC des tensioactifs.

2.3.1.2 Propriétés physico-chimiques des solutions

Les propriétés physico-chimiques des solutions A, B et C et de leurs interfaces liquide-gaz sont mesurées (détails des mesures dans la section 2.3.2). Le tableau 2.1 résume les résultats obtenus. Les mesures sont réalisées à une température de la pièce de 20oC et dans les conditions

2.3. Solutions utilisées et caractérisations

Nom solution glycerol (%m) ρ (kg.m−3) η (mPa.s) γ (mN.m−1) η∗ (mPa.s.m) symbole

A Dreft 5%m 0 980 1.08 26 0.124 B1 TTAB 3g/l 0 1030 1.0 38 0.080 B2 TTAB 6g/l 45 1100 3.4 34 0.084 B3 TTAB 6g/l 60 1140 9.2 34 0.115 B4 TTAB 6g/l 75 1150 10.4 33 0.118 B5 TTAB 6g/l 80 1160 12.4 33 0.161 B6 TTAB 6g/l 85 1190 27.8 32 0.172 C1 SLES+betaine+LAc 0 980 0.9 20 1.115 C2 SLES+betaine+MAc 0 1000 1.10 28 1.37

Table 2.1 – Récapitulatif des solutions et de leurs propriétés physico-chimiques ainsi que les symboles qui les

représenteront durant les expériences.

J’ai à ma disposition un ensemble de solutions permettant de faire varier les différents paramètres physico-chimiques comme suit :

• La masse volumique ρ de 980kg/m−3 à 1190kg/m−3 (facteur 1.2).

• La viscosité η de 0.9mPa.s à 27.8mPa.s (facteur 31).

• La tension de surface γ de 20mN.m−1 à 38mN.m−1 (facteur 1.9).

• La viscosité de surface η∗ de 0.080mPa.m.s à 1.37mPa.m.s (facteur 17).

Il est difficile de changer significativement la masse volumique et la tension de surface de nos solutions de tensioactifs sans modifier les conditions de travail (température et pression ambiante). Il est facile de modifier fortement la viscosité et la viscosité de surface sans variation des autres paramètres en modifiant la chimie des solutions.

2.3.2

Caractérisation des solutions

Je mesure la masse volumique, la viscosité, la tension de surface et la viscosité de surface des solutions A, B et C à chaque réalisation d’une solution. Voici les méthodes utilisées.

2.3.2.1 Mesure de la masse volumique

Soit ρ la masse volumique d’un fluide définie comme la masse par unité de volume de ce fluide. Pour la déterminer, on pèse avec une balance de précision un volume connu (V=10 ml) de solution. La précision de cette mesure est de ± 50kg.m−3.

2.3.2.2 Mesure de la viscosité dynamique

Soit η la viscosité dynamique du fluide. Pour la mesurer nous utilisons un viscosimètre de Ubbelhode [99]. Ce viscosimètre est basé sur la vitesse d’écoulement d’un fluide dans un tube de rayon submillimétrique. Une calibration permet de mesurer la viscosité d’un fluide par la simple mesure de son temps de parcours d’une distance H dans le tube (figure2.6a). Cette mesure se fait avec une précision de ±2%.

2.3.2.3 Mesure de la tension de surface

La tension de surface liquide-gaz des solutions, γ, est mesurée par une méthode de la goutte pendante. La forme d’une goutte pendante est définie par un équilibre entre la force de tension de surface et la gravité. Cette forme peut donc être reliée au nombre de Bond Bo = ρgRγ2,

Figure 2.6 – a) Dessin de Ubbelhode [99], la mesure de la viscosité se fait en mesurant le temps que met le liquide à s’écouler dans le tube sur une distance H. b) Photographie d’une goutte pendante servant à la mesure de la tension de surface. La forme de la goutte étant définie par le nombre de Bond, un ajustement numérique de la forme de la goutte permet d’en déduire la tension de surface [100].

à la valeur de la tension de surface en décrivant la forme de la goutte. Pour définir cette forme, un script Mathematica écrit et donné par A. Antkowiak de l’université de Pierre et Marie Curie réalise une méthode d’ajustement de la forme de la goutte en fonction de la taille du capillaire et du nombre de Bond (figure 2.6b). Cette méthode offre une précision de ± 1mN.m−1. La mesure est réalisée à partir de trois photographies de goutte pendante créée avec trois capillaires différents. Chaque goutte est analysée par le programme d’ajustement de forme. C’est une méthode économique, rapide, facile à mettre en place et de précision satisfaisante.

2.3.2.4 Mesure de la viscosité de surface

Les mesures de viscosités interfaciales peuvent être réalisées par des viscosimètres de surface [101]. Ces outils permettent de mesurer les valeurs de ηs et ηd sur des temps longs (de l’ordre

de la seconde) par rapport aux échelles de temps sondées dans les expériences. Une méthode est élaborée par A.L. Biance et al. via l’étude de la dynamique des T1s [97] (Les T1s sont des réorganisations topologiques de bulles. Durant un T1 deux bulles initialement en contact se séparent et leurs voisines, qui ne sont initialement pas en contact, se mettent en contact). Durant un T1 un film se crée et l’étude de la dynamique d’ouverture du film permet de remonter à la mesure d’une viscosité de surface, η= ηd+ ηs. La méthode élaborée permet d’explorer des

temps de l’ordre de la milliseconde qui sont également les temps caractéristiques observés lors de phénomènes à dynamiques rapides dans les mousses. Toutefois, cette méthode ne permet de mesurer que ηsans dissociation de ηs et ηd. En général ηs < ηd donc η' ηd.

Durant un T1, un film se créé et se dilate de façon unidirectionnelle suivant sa longueur L(t) (à largeur constante), sous l’effet d’une force motrice capillaire. Celle-ci a pour conséquence le non respect des lois de Plateau tant que le film n’a pas atteint sa taille finale (figure 2.7). Cette

2.3. Solutions utilisées et caractérisations

force s’exprime, par unité de longueur, comme :

= 2γ(2 cos(θ) − 1),

où cos(θ) =

3+L(t)(1−√3)

3+(√3+L(t)(1−√3)2 avec le rapport de surface créée L(t) =

L(t)

Lmax (figure 2.7). La

création du film est ralentie par la viscosité de surface, les effets de viscosité volumique sont négligeables du fait de la finesse des films [97]. Cette force s’exprime par unité de longueur comme : = 2η∗ 1 L(t) ∂L(t) ∂t .

En négligeant l’inertie du liquide, à accélération nulle, on peut écrire que fγ = fη∗, donc il

vient :

η∗ = L(t)

v γ(2 cos(θ) − 1)

avec v = dLdt(t). La valeur de la viscosité de surface peut être déterminée via une mesure de la vitesse d’étirement de l’interface et du rapport de surface créée.

Le dispositif expérimental élaboré par A.L. Biance est reproduit (figure 2.7). Il permet de former quatre bulles en contact qui sont ensuite cisaillées en déplaçant les deux bulles du bas pour créer un T1 (figure 2.8). On mesure la longueur L(t) d’un des bords de Plateau en croissance au cours du temps. Cette longueur représente la longueur du film durant sa création. La mesure de L(t) est ensuite adimensionnée par la longueur maximale atteinte par le bord de Plateau pour obtenir le rapport de surface créée L(t) = LL(t)

max. La valeur de L(t) est reportée

sur la figure 2.9 et on observe une évolution linéaire en temps de 0.04s à 0.06s, sur laquelle la vitesse de croissance v est constante et est mesurée. La mesure de L(t) est effectuée en milieu d’intervalle. Ces deux mesures permettent de mesurer η∗. On estimera l’erreur de mesure à ±5%.

Figure 2.7 – Schéma de la croissance d’un bord de Plateau vers son état d’équilibre. On note L(t) la longueur

∆t = 50ms 3,5 mm

Figure 2.8 – Séquence d’images de création d’un film lors d’un T1. quatre bulles sont en contact puis cisaillées.

[97]. Le pas de temps est de 50 ms. On observe la création et la croissance d’un bord de Plateau.

0 0.02 0.04 0.06 0.08 0.1 0.9 1 0.8 0.7 0.6 0.5 0.4 0.3 0.2 0.1

v

Figure 2.9 – Évolution temporelle de la longueur du bord de Plateau créé. On observe une croissance linéaire