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Pour ce vol, la solution de tensioactifs sélectionnée est un mélange de SDS et de DOH à des concentrations respectives de 8 et 0,25 g.L-1. Encore une fois, ces proportions sont adoptées de manière à obtenir des interfaces rigides pour les mousses (Pitois et al.[1]). C’est en effet le seul cas où l’équation d’imbibition donne des prédictions quantitatives.

IV.D. A300-0G : campagne 35 de l’ESA

En préambule, je précise ici que je vais traiter les résultats techniques et scientifiques simultanément, dans l’ordre chronologique des campagnes. Cette démarche est évidente pour les résultats techniques, puisque chaque campagne permet de valider les concepts et les outils, les améliorer et tirer des conséquences pour la suivante. En ce qui concerne les expériences scientifiques, chaque campagne apporte des résultats différents, directement liés aux paramètres considérés et à la conception des appareillages de mesure. Cette conception revenant à EADS-ST, sauf pour la campagne 46 du CNES, elle est étroitement liée à celle des expériences techniques. Les deux aspects feront tout de même chacun l’objet de sous-parties.

La campagne 35 de l’ESA fut ma première participation à des vols paraboliques. Elle a eu lieu en octobre 2003. Le bâti ayant servi à la campagne 34 est repris et doté de nouvelles expériences, les montages électriques et hydrauliques de base restant les mêmes (figure 4.3).

IV.D.1. Tests techniques et leurs résultats

IV.D.1.a. Le mélangeur turbulent

Il s’agit de la troisième méthode de production de mousses, introduite en IV.B.4.a. Je vais maintenant entrer dans les détails de fonctionnement. Le principe est de faire rencontrer les deux phases dans une pièce spéciale percée de cylindres (figure 4.6). Dans la version testée, le liquide s’écoule sous une pression de 3 bar et le gaz sous 2,5 bar.

Mousse Solution

Gaz (Grille) Trou

Figure 4.6 : dessin de la pièce centrale appelée mélangeur turbulent (extraite d’un rapport de EADS-ST, 2004)

La solution de tensioactif arrive par un trou percé sur une paroi joignant deux cylindres creux. Ce trou est un anneau de diamètre 100 μm. Le gaz arrive perpendiculairement à la direction

d’écoulement de la solution. Une grille peut être placée avant la sortie de la pièce. La mousse ainsi produite est amenée par un tuyau dans une cellule parallélépipédique remplie par le haut (figure 4.7), ou récupérée dans des sacs afin de mesurer sa fraction volumique de liquide.

Le nettoyage de la cellule se fait par injection de gaz. Les paramètres variés sont : - la longueur du tuyau (diamètre fixé à 5 mm) entre le mélangeur turbulent et la cellule ; - les débits de gaz et de solution ;

- la taille élémentaire de la grille métallique utilisée.

Les résultats montrent que la qualité de la mousse est bonne et inchangée pour les longueurs de tuyau de 1 et 0,5 m. Par contre, pour un tuyau de 5 cm la mousse produite est peu homogène. La variation des débits a permis de balayer une gamme de fraction volumique de liquide comprise entre 0,1 et 0,3. Des mousses sèches ne sont donc pas productibles, certainement à cause de la faible pression exercée sur le gaz. Tout ceci est réalisé avec une grille en sortie. Si aucune grille n’est présente, la mousse produite est inhomogène. À l’inverse, notre équipe a observé des dépôts (poussières, cristaux de tensioactif…) obstruant les grilles les plus fines, et ce après seulement quelques fabrications. Nous avons constaté qu’il est optimal de choisir une taille de grille de 75 μm. D’autre part, l’injection de gaz

nettoie efficacement. Le résultat important est que rien ne diffère des observations faites sur Terre avec cette méthode.

IV.D.1.b. Circuit de production en boucle fermée

L’idée consiste à recycler la mousse déjà utilisée en la faisant circuler dans des tubes autour de la cellule expérimentale. On va déplacer la mousse en créant une différence de pression à l’aide d’une pompe. Cette mousse est, soit produite initialement par le mélangeur turbulent, soit générée par circulation dans la boucle fermée (figure 4.8). Cette méthode présente le grand avantage de réduire les quantités de matières premières puisqu’elle permet leur recyclage.

Mélangeur turbulent

Pompe Cellule

Les résultats ne sont pas faciles à exploiter car l’appréciation est uniquement qualitative sur cette première tentative. La fraction volumique de liquide semble contrôlable, mais là encore pour de grandes valeurs, typiquement supérieures à 0,2. Une technique consistant à ajouter du gaz ne marche pas car elle casse la mousse préexistante et ne chasse pas la solution à remplacer, mais l’ancien gaz. Les meilleures conditions sont obtenues lorsqu’on utilise de la mousse initialement produite par le mélangeur turbulent. On peut, soit augmenter la quantité de gaz en faisant circuler cette mousse dans les tuyaux contenant déjà du gaz, soit augmenter la quantité de liquide par ajout dans les tuyaux. La vitesse de la pompe a également été testée et très vite fixée à son maximum, les autres réglages ne donnant peu ou pas de mousse. Des espoirs sont permis puisqu’au long des 20 s de micropesanteur, la qualité de la mousse produite par cette méthode ne cesse de s’améliorer. La méthode sera donc conservée pour MAXUS 6 où le temps de micropesanteur permettra de juger de son efficacité.

IV.D.1.c. Les cellules de rhéologie

Une cellule de rhéologie de géométrie cône-plan a été préparée, de manière à tester ses aspects les plus critiques : remplissage et nettoyage ; mesure de conductivité électrique le long d’un rayon ; et surtout le duo problématique palier anti-frottement / étanchéité au niveau de l’axe de rotation ou de la périphérie du cône (figure 4.1). Le système incorporé à la géométrie pour ce dernier problème est un joint gonflable. Un autre joint, dit à labyrinthe, consiste à utiliser une géométrie constituée d’un axe plongeant dans un cylindre évidé, les deux possédant des reliefs mâles / femelles s’imbriquant sans se toucher.

Pour cette cellule, le remplissage et le nettoyage ont été des succès. La mousse, provenant de la fabrication par mélangeur turbulent, remplit uniformément la cellule. Des deux types de nettoyage, l’un par injection de gaz et l’autre par centrifugation, seul le second s’est montrée efficace. Les mesures de conductivité sont cohérentes avec les changements de conditions, comme le niveau de pesanteur, la fraction volumique de liquide de la mousse utilisée, ou encore la vitesse de centrifugation. Par contre, le joint gonflable, quelle que soit la pression appliquée, s’est montré incapable d’empêcher les fuites. De même, les deux joints testés sur la cellule cylindrique se sont révélés inopérants.

Une équipe d’EADS Bordeaux a embarqué, le 3ème jour, une géométrie originale composée de deux cônes accolés par leurs bases circulaires, de façon à réduire le contact avec la surface supérieure du contenant (figure 4.9).

Entrée de la mousse

Sortie de la mousse

Figure 4.9 : schéma de principe de la cellule double cône conçue par EADS Bordeaux

Les tests sur cette cellule furent uniquement focalisés sur la validation en micropesanteur des performances de remplissage et de nettoyage préalablement évaluées sur Terre.

Le remplissage est homogène dans le volume au dessus du premier cône, de la même manière que pour la cellule précédente. Mais, l’entrée et la sortie étant situées aux extrémités de la cellule selon l’axe des cônes, la mousse doit contourner le premier cône puis longer le second avant de sortir. Cette situation créée des hétérogénéités de pression et de remplissage. Par observation, nous nous sommes effectivement aperçus que la mousse dans la partie basse progresse de plus en plus difficilement au cours du temps. D’autre part, le nettoyage par injection de gaz s’est montré inefficace car, même s’il chasse une bonne partie de la mousse, il créé aussi de grandes bulles, très difficiles à éliminer aux pressions appliquées.

IV.D.4. Imbibition unidimensionnelle libre d’une mousse

Dans une dernière cellule, de forme parallélépipédique, une mousse est produite par bullage (figure 4.7). La technique consiste à faire passer un gaz à travers un verre poreux immergé dans la solution de tensioactif. Pour un débit de gaz optimal, le rayon des bulles sera fixé par la taille des pores, égal à 1,5 mm pour ces vols. La mousse est produite en phase de vol stabilisé, drainée en hyperpesanteur, laissée libre en micropesanteur. La cellule étant remplie complètement, les volumes de liquide et de mousse ne changent pas de place. Par contre, par succion capillaire, la mousse est imbibée par le réservoir de liquide.

La dynamique de cette imbibition est suivie par un dispositif utilisant la transmission lumineuse (figure 4.10), dont on peut extraire des informations qualitatives sur la fraction volumique de liquide locale et quantitatives sur l’évolution du front d’imbibition.

L’épaisseur de notre cellule représentant plus d’une dizaine de bulles, on se situe dans le régime de diffusion multiple, pour lequel l’intensité lumineuse transmise It est inversement proportionnelle à ε . Cependant, le facteur de cette relation n’est pas connu (Vera et al.[1]). C’est pourquoi je ne l’exploite que qualitativement. Ainsi, une mousse humide paraîtra plus foncée qu’une mousse sèche, transmettant moins de lumière. Le front d’imbibition est ainsi défini par la frontière entre une zone claire non imbibée et une zone foncée déjà imbibée. Par cette technique, on peut suivre les phases du vol parabolique en traçant dans le temps le ratio

It0/It, It0 étant l’intensité incidente, générée par une source de lumière blanche (figure 4.11). Lumière

blanche

Gaz Caméra CCD

Figure 4.10 : acquisition de l’intensité lumineuse transmise par une mousse (extraite de Bail et al.[1], 2005)

3 cm

Figure 4.11 : à gauche, imbibition de la mousse (F) par le liquide (L) et à droite, ratio des intensités incidente et transmise durant les phases d’un vol parabolique, pour trois positions verticales dans la mousse : en haut (croix), au milieu (rond) et en bas (carré), l’instant pour lequel ce ratio commence à augmenter donnant pour

Les résultats quantitatifs sont obtenus en analysant les vidéos de l’intensité lumineuse transmise par la mousse au cours du temps (figure 4.11). Le front d’imbibition y apparaît en effet clairement. En moyennant les points extraits des vidéos sur une vingtaine de paraboles, on trace les positions du front et de l’interface mousse / liquide en fonction du temps (figure 4.12). Les deux positions obéissent à une loi de puissance dont les facteurs seront explicités par la suite, et dont les exposants sont égaux à 0,48 ± 0,03. Par commodité, j’ai tracé les valeurs absolues des positions mais celles de l’interface mousse / liquide sont négatives.

temps (s) ⎜position ⎜ (cm)

Figure 4.12 : positions du front d’imbibition (rond plein) et de l’interface (rond vide) en fonction du temps

Ces observations sont en accord avec les expériences précédentes de Caps et al.[1] pour l’imbibition libre d’une mousse 2D –une bulle d’épaisseur– Ils trouvent, comme nous, des exposants proches de 0,5 ; conformément aux prédictions de l’équation d’imbibition pour des interfaces rigides –obtenues par l’utilisation du mélange TTAB/DOH– Par contre, ils interprètent la baisse de l’interface mousse / liquide par une invasion de la mousse dans le réservoir. Dans notre cas, il s’agit de la diminution du volume de ce dernier à mesure que la mousse est imbibée. Celle-ci ayant initialement un profil vertical entre la limite sèche loin du réservoir et la limite humide en contact avec celui-ci (cf. II.D.1), elle ne pompe pas immédiatement du liquide du réservoir, d’où le retard observé à l’interface mousse / liquide. Par contre, aux temps les plus longs de micropesanteur, le rapport des facteurs des lois de diffusion doit rendre compte d’une fraction volumique de liquide moyenne dans la mousse, puisque tout ajout de liquide provient alors du réservoir. Ce rapport vaut environ 1/7 ce qui signifie que cette fraction moyenne vaut environ 0,15. Cette valeur est proche de la moyenne pour le profil prévu par Cox et Verbist[2], quasiment linéaire entre les fractions volumiques de liquide de 0,36 et 0.

IV.E. A300-0G : campagne 37 de l’ESA

IV.E.1. Préparation de la campagne 37 de l’ESA

La campagne 35 ayant permis de sélectionner des méthodes de fabrication, de nettoyage, d’observation et de mesure des mousses en micropesanteur, les objectifs de cette nouvelle campagne sont beaucoup moins dispersés. De plus, la proximité du vol MAXUS 6 en fait une véritable phase de validation des méthodes à employer. Les tests à réaliser sont ainsi réduits au strict nécessaire, autour des fonctionnalités de la cellule de rhéologie. Cela permet à l’équipe de se focaliser sur moins de problèmes simultanément, tâche difficile en conditions de vol parabolique.

Une expérience scientifique est d’autre part conçue pour mesurer les effets du débit imposé sur l’imbibition capillaire.

Le bâti conserve sa structure ainsi que ses équipements électriques –sauf la conductimétrie– et hydrauliques. La mousse sera produite par le mélangeur turbulent et par bullage, avec de nouveaux tests de circulation en boucle fermée.

La campagne s’est déroulée au cours du mois de juin 2004.