En raison de l’importance écologique de cette phase de développement, de nom-breux efforts ont été entrepris pour mesurer la dispersion larvaire des organismes marins en termes d’amplitude, de capacités de déplacement ou encore de recru-tement. Une étude poussée des aptitudes de dispersion d’une espèce requiert une intégration spatiale et temporelle, et appréhender les déplacements des larves de leur point d’émission jusqu’à leur lieu de recrutement n’est pas chose aisée. Plu-sieurs méthodes sont néanmoins disponibles pour détecter la présence des larves de Necora dans un prélèvement. L’une d’entre elles implique, par exemple, un 15.3. La solution de la modélisation Figure 15.4 – Comportement, abondance et position dans la colonne d’eau des larves mégalopes en fonction de la marée et de l’exposition. En période de flot, dans les zones exposées, les caractéristiques physiques du large sont prédominantes et les larves sont maintenues à la surface (cas A!). En zone abritée, l’influence de la zone intertidale est à l’origine d’une migration des larves vers le fond de l’eau afin de trouver un substrat adapté (cas B!). Lorsque l’on rentre en période de jusant, les conditions deviennent propices au recrutement des larves qui ont migré vers le fond tandis que celles restées en surface s’éparpillent (cas C!). En zone exposée les larves sont également dispersées par les courants (cas D!). Traduit de (Lee et al. 2004) Toutefois, leur petite taille et leur dissolution dans le plancton océanique rendent leur détection particulièrement difficile nécessitant de longues heures de tri minu-tieux à la loupe binoculaire. La reconnaissance des larves de cette espèce particulière de décapode est par ailleurs basée, selon le stade de développement atteint, sur des caractéristiques morphologiques fines, telles que le compte des soies terminales des exopodites (Wilhelm 1995) (voir le tableau 15.1), qui mesurent à peine quelques micromètres, le mouvement des yeux15, ou la présence de pléopodes16. Pour s’affranchir de ces manipulations laborieuses, certaines méthodes molécu-laires ont été développées pour une détection spécifique des larves, notamment celles 15. Les yeux deviennent mobiles entre le 1eret le 2estade de développement 16. Les pléopodes se développent entre le 3eet le 4estade de développement et sont bien visibles au cours du 5estade Chapitre 15. Dispersion larvaire en milieu marin Stades Zoés Nombre de soies I 4 soies II 6 soies III 8 soies IV 10 soies V 12 soies Tableau 15.1 – Nombre de soies terminales des exopodites des larves zoés deNecora puber en fonction du stade de développement. de Necora puber, qui impliquent le recours à l’hybridation moléculaire par le biais de primers spécialisés (Pan et al. 2008). Ces méthodes, bien qu’efficaces, réclament un coût relativement élevé et la mise au point des amorces spécifiques peut s’avé-rer complexe. La méthode que nous avons alors choisie pour obtenir un aperçu le plus conforme possible, repose sur la modélisation en 2 dimensions de la dispersion du nuage de larve avec les masses d’eau. Les méthodes de simulations numériques associées à un modèle physique de circulation océanique sont actuellement parti-culièrement développées permettant de définir les trajectoires d’un grand nombre de particules planctoniques parmi lesquelles se trouvent les oeufs et les larves d’un grand nombre d’espèces marines. Les simulations réalisées ont ainsi plusieurs objectifs : – Il s’agit dans un premier temps de comprendre l’absence de structure générale mise en évidence avec les marqueurs mitochondriaux en s’intéressant aux ca-pacités de dispersion de l’espèce qui devraient mettre en évidence, au moins partiellement à l’échelle de notre zone, le potentiel de dispersion important prêté à l’espèce. – Il s’agit également d’expliquer la fragmentation génétique récente observée avec les marqueurs microsatellites, qui témoigne peut être d’un potentiel de dispersion plus limité que l’attendu ou encore de la mise en place de barrières océaniques qui empêchent le passage des larves. – Enfin, l’étude de la dispersion larvaire au niveau de la Manche peut nous permettre de comprendre la barrière aux flux de gènes mise en évidence par les deux types de marqueurs. 16 Modélisation bi-dimensionelle avec le logiciel MOTHY 16.1 Présentation de MOTHY MODÈLE ATMOSPHÉRIQUE GLOBAL BATHYMÉTRIE MARÉE MODÈLE HYDRODYNAMIQUE D'OCÉAN À DOMAINE LIMITÉ MODÈLE DE CONTENEUR OU DE NAPPE DE PÉTROLE CARTES DE POSITIONS ET DE TRAJECTOIRES DONNÉES RELATIVES AU POLLUANT Figure 16.1 – Description générale du système de fonctionnement de MOTHY. Source : Daniel (2004). Le modèle de prédiction de dérive océanique MOTHY — Modèle Océanique de Chapitre 16. Modélisation bi-dimensionelle avec le logiciel MOTHY 2002) avec pour objectif général la prédiction de la dérive des nappes de pétrole ou d’objets solides tels que les containers (figure 16.2). Son fonctionnement repose sur la prédiction des trajectoires empruntées par des objets flottants en se basant sur le calcul des profils verticaux de courantologie et sur l’action appliquée par le vent sur la partie émergée de l’objet (voir figure 16.1). Ce modèle a par la suite été adapté par Hélène Peltier au cours de sa thèse pour pouvoir être appliqué à la dérive de carcasses de cétacés et permettre de prévoir les lieux d’échouages ou au contraire remonter jusqu’à leur lieu de décès (Peltier 2011) (figure 16.3). Figure 16.2 – Exemple d’application du logiciel MOTHY à la dérive de containers. Source : Daniel et al. (2002) MOTHY considère un ensemble de particules indépendantes les unes des autres et dont le mouvement est régi par trois grands processus : les courants marins17, la diffusion turbulente18 et la flottabilité19. Chacune des particules va alors observer un mouvement horizontal généré par les courants et la diffusion turbulente et un mouvement vertical sous l’effet de la flottabilité et de la diffusion turbulente qui agit dans toutes les dimensions. Le modèle 2D utilisé pour l’étude du transport de nos larves d’étrilles est forcé par le vent, la pression atmosphérique ainsi que les cycles 17. Les courants marins se définissent comme un déplacement d’eau de mer caractérisé par sa vitesse, sa direction et son débit. 18. Phénomène de transport aléatoire tri-dimensionnel. Dans le document Pêche récréative ou commerciale : quel impact sur les stocks d'étrilles (Necora puber) européens ? : une approche de génétique de la conservation (Page 168-173)