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CHAPITRE I : C ARACTERISATION DU DEVENIR DES HYDROCARBURES POLYAROMATIQUES

IV. Discussions

IV.1. Sol industriel pollué

IV.1.1. Etude de la localisation des HAP et des microorganismes responsables de la biodégradation

Les résultats de l’analyse des HAP ont montré une distribution non homogène entre les agrégats de différentes tailles et au sein de chaque classe d’agrégat. Ce sont les petits agrégats (limons et argiles) qui représentent des teneurs élevées en HAP et en bactéries dégradantes. Ce résultat atteste d’une faible séquestration des HAP dans les agrégats de la taille des sables alors que, les agrégats les plus fins possèdent une microflore plus abondante et qu’ils pourraient être considérés plus favorable pour le métabolisme bactérien. Ceci peut être expliqué par une séquestration plus efficace des bactéries dégradantes et des produits organiques à dégrader dans les agrégats de petites tailles à capacité plus réactives . mais aussi par la capacité de rétention plus limitée des agrégats de la taille des sables. Des travaux ont montré que l’effet de la taille des agrégats sur la dégradation des polluants se manifeste au niveau de la surface spécifique qui reflète la capacité à fixer les bactéries et les contaminants en fonction de sa taille et contribue à l’accessibilité aux polluants et leur dégradation (Stella et al., 1990) de grandes surfaces spécifiques et micro-porosités favoriseraient la rétention. Ceci concerne les HAP localisés à l’extérieur des agrégats comme par exemple sur ceux de la taille des sables. En revanche ceux présents à l’intérieur des agrégats sont protégés physiquement et son faiblement accessibles aux microorganismes et leur enzymes (Steinberg et al., 1987;

Rijnaarts et al. 1990) comme c’est le cas des petits agrégats. Les matières organiques, les constituants inorganiques comme les argiles et les oxyhydroxydes sont probablement impliqués dans la stabilité des HAP au sein des sols en raison de leur forte réactivité physico- chimique (Means et al., 1980 ; Chiou et Shoup, 1985 ; Knaebel et al., 1996).

IV.1.2. Effet du mode d’incubation du sol industriel sur la biodégradation des HAP

L’incubation du sol industriel pollué en conditions de suspension dans l’eau sous agitation entraîne une désagrégation du sol et rend les HAP plus disponibles aux microorganismes. En comparant ce mode d’incubation(batch), qui présente des avantages au niveau température et disponibilité d’O2, par rapport aux incubations en microcosme on constate que, la dissipation des HAP ne concerne que les molécules à 3 cycles aromatiques et le B(a)ANT. Les HAP à 4 et 5 cycles aromatiques ne semblent pas affectés par ce mode d’incubation toutefois, l’augmentation de leur extraction suggère leur libération soit physique soit liée à la biodégradation des matières organiques. La dégradation des molécules de HAP à fort poids moléculaire (4 ou plus de noyaux aromatiques) par les microorganismes autochtones est toujours plus faible que celle des molécules à faible poids moléculaire (Shiaris, 1989; Wild et Jones, 1993). Le suivi de l’extraction des molécules de HAP en fonction du temps d’incubation du sol dans des conditions en batch montre que les molécules les plus récalcitrantes ne sont extraites que lorsque les HAP les plus solubles sont dégradés (Mueller et al., 1989). Ceci montre que les molécules d’HAP les plus solubles passent en solution et sont préférentiellement dégradés par les microorganismes.

L’analyse des HAP après extraction sur les fractions séparés d’agrégats du sol montre que l’extraction est plus efficace que sur le sol total. En effet, l’analyse après extraction sur le sol total, révèle une plus faible teneur en HAP comparativement aux résultats cumulés des extraits sur les différentes classes d’agrégats. Le fractionnement granulométrique du sol accroîtrait la surface d’échange et rendrait plus accessible les HAP à l’extraction (Guggenberger et al., 1996). La différence non significative de la dissipation des HAP entre les deux régimes d’incubation (batch et microcosme) du sol industriel (SP) indique que la protection physique des HAP au sein des agrégats n’est pas le seul facteur dominant contrôlant la disponibilité et la dégradation des HAP. La dissipation rapide des HAP dans le sol artificiellement contaminé (BF) par rapport au sol industriel suggère que le vieillissement contrôle aussi fortement l’accessibilité des HAP aux microorganismes. Un résultat similaire à

été obtenu avec une molécule facilement dégradable par les microorganismes, le PHE, qui a été fortement dégradé après son apport à un sol industriel pollué par rapport au PHE anciennement présent dans le sol (Morgan et al., 1992).

IV.1.3. Essai de définition des relations entre extractabilité et biodégradabilité des HAP

Une caractérisation de la rétention des HAP par le sol industriel pollué (SP) a été abordée en suivant les cinétiques de mise en solution à l’eau des HAP du sol. Comme l’extractabilité des HAP peut dépendre de la localisation des ces polluants au sein de la matrice sol et leur piégeage au sein des MO, les cinétiques de mise en solution des HAP ont été déterminées dans le sol non fractionné et dans deux classes d’agrégats de tailles (2000-50 μm et 2-20 μm) et de teneurs en C organique très différentes (respectivement, 14,5 et 26 %). Les résultats ont montré que les HAP sont "désorbables" à l'eau mais pour des quantités et avec des cinétiques qui dépendent de la nature la molécule et de celle des agrégats. La solubilité est plus importante et plus rapide dans les agrégats de la taille des limons (Figures 4 et 5).

Par ailleurs, les essais de biodégradation en relation avec l’extractabilité (ou teneur des HAP) dans le sol industriel en fonction du mode d’incubation (batch ou microcosme) ont montré des phases d'augmentation des teneurs en anthracène et phénanthrène extractibles dans ce sol SP auxquelles correspondent aussi des accroissements des peuplements microbiens suivis d'une diminution de ces valeurs. Il semblerait donc que les quantités de HAP (phénanthrène, anthracène et fluoranthène) extractibles augmentent dans une première phase liée à la mise en place de conditions de dégradation favorisant leur extractabilité, soit par biodégradation des matières organiques pièges, soit par production de substances tensio-actives. Cette phase initiale favoriserait leur bio-disponibilité et biodégradation qui se traduisent alors par une diminution de leur teneur dans le milieu (quantités extraites plus faibles) après différents temps et selon le mode d'incubation.

Sur un sol industriel pollué, les cinétiques de biodégradation ne peuvent être définis aussi précisément que les cinétiques de désorption-extraction. Des indices de biodégradation, pourraient être établis à partir d'un "invariant" obtenu au cours des extractions. Des relations entre cinétiques d'extraction (ou désorption à l’eau) et biodégradation ne sont pas précisément établies après 4 mois d’incubation du sol en suspension dans l’eau (incubation en batch).

Toutefois la biodégradation déterminée par le suivi des teneurs des HAP suit, au moins en partie, l’ordre de dissolution-extraction à l’eau.

Ce type d'étude devrait être conduit sur un système expérimental mieux contrôlable que le sol industriel pollué dans lequel on observe des ordres de "désorption-extraction" qui, avec l'eau, donne le classement suivant : phénanthrène > fluoranthène > anthracène > chrysène = benzo(k)fluoranthène que l'on retrouve avec les agrégats de la taille des sables et des limons fins. Les autres molécules ne sont pas décelables dans ces extractions à l'eau.

Une étude préliminaire visant à tester le pouvoir absorbant de la matière organique du sol de Bellefontaine (BF), sol assez voisin du sol industriel (SP), a été menée en contaminant le sol BF avec un extrait chloroformique contenant des HAP provenant du sol industriel. La désorption (mise en solution dans l’eau) de ces HAP après 48 h de contamination du sol BF a montré, une forte capacité de rétention de ce sol vis à vis des HAP. En effet, les pourcentages de HAP désorbés par rapport à la quantité initialement introduite étaient relativement faibles : environ 0,06 ; 0,05 ; 0,01 ; 0,36 et 0,002% respectivement, pour le PHE, l’ANT, le FLT, le CHY et le B(k)FLT. L’ordre de "désorption-extraction" trouvé dans le sol industriel (SP) s’est pratiquement manifesté dans le sol contaminé (BF) à l’exception du CHY. Il serait particulièrement intéressant de déterminer plus précisément cette capacité d’adsorption des matières organiques des sols.