II L ECOSYSTEME FORESTIER JURASSIEN
II.3 L'IMPORTANCE DU SOL
II.3.1 Sol et substrat géologique
Rappelons très sommairement que le substrat du Jura sest formé par dépôts successifs dans les mers de lère secondaire qui recouvraient la région de -250 à -65 millions dannées75. Ces couches sédimentaires, comprimées à lère tertiaire, de -35 à -3 millions
75 V. BICHET, M. CAMPY, Montagnes du Jura, géologie et paysages, Besançon, 2e éd., 2009, ch.1, p.16-17.
dannées sous leffet du soulèvement alpin, se sont plissées et rompues le long de failles alors que le Jura devenait une montagne. Lémersion fut aussitôt suivie dune érosion, due aux processus climatiques (eau, glace, vent), qui se poursuit encore aujourdhui. Mais cest surtout à lère quaternaire que le Jura a été façonné et a acquis la physionomie quon lui connaît.
La roche-mère, de nature sédimentaire donc, est formée à 95 % de calcaires et de marnes. (Le reste est constitué de grès, de gypse et de sel). Les calcaires, durs et cassants, sont disposés en bancs de couleur claire (du blanc au roux) ; plus résistants à lérosion, ils se détachent en relief sur les marnes, roches friables, plastiques à lhumidité, plus sensibles à lérosion donc plus en creux et dune couleur plus sombre (du noir au gris clair en passant par le bleu)
Les terrains sédimentaires du Jura résultent de cette histoire mouvementée.
Les reliefs de la haute chaîne sont formés essentiellement de terrains de lère secondaire, dâge jurassique : Jurassique inférieur ou Lias, Jurassique moyen et surtout Jurassique supérieur, aux faciès relativement purs pour la plupart. Le Jurassique supérieur constitue le substrat des hauts plateaux et lessentiel des plis anticlinaux du Haut- Doubs et Haut-Jura où il affleure très visiblement dans les falaises, aux flancs des cirques et des cluses.
Les terrains dâge crétacé (Valanginien, Hauterivien), derniers dépôts marins de lère secondaire, ont disparu sur les anticlinaux sous leffet de lérosion mais ils subsistent dans les synclinaux dont la forme en gouttière les a protégés de lérosion et où ils apparaissent en affleurements allongés dans laxe des plis (sud-ouest/nord-est). Ils présentent des faciès alternant les calcaires roux et les marnes grises, souvent teintées par des oxydes de fer. On rencontre ces terrains à Chaux-Neuve, le pourtour du lac de Saint-Point, les Hôpitaux, les Fourgs, Morteau (et plus au sud, Courvières, Censeau, Saint-Laurent, Morez, Les Rousses).Le Barremien, sous la forme de bancs de calcaires durs, se rencontre à Châtelblanc et Nozeroy.
Les terrains de lère tertiaire sont localisés surtout à la périphérie de la chaîne. Ils occupent le plus souvent des bassins effondrés après lémersion du Jura à la fin de lère secondaire et sont constitués essentiellement de sédiments continentaux (calcaires lacustres, alluvions fluviatiles, croûtes ferrugineuses). Ils recouvrent le Plateau suisse et, sous forme daffleurements, occupent partiellement le fond des vallées synclinales de la Haute-Chaîne jurassienne comme le val des Verrières, le val de Joux, Le Locle et la région de Delémont.
Composés de grès, sables, argiles, calcaires marneux, ils sont caractérisés par leur tendreté et leur caractère détritique qui leur valent le nom de « molasses »76.
Les terrains de lère quaternaire,77 formés alors que le relief du Jura est en place et que lérosion a commencé son uvre, constituent une couche superficielle meuble qui recouvre le substrat. Alors que les reliefs ont été fortement décapés, des débris de roche entraînés par les eaux et les glaciers, se sont accumulés en éboulis au pied des corniches, dans les plaines alluviales, au fond des lacs ou se cantonnent dans des bassins situés au front de lextension de la dernière glaciation (Combe dAin, plaine de lArlier), à la périphérie des zones montagneuses, sous forme de moraines ou de deltas. Les fragments variés arrachés par les glaciers ou les alluvions fluvio-lacustres forment des dépôts parfois très abondants. Cest un mélange dargile, de sable calcaire et de petits blocs plutôt arrondis dont la fertilité dépend de la proportion déléments grossiers. Ces dépôts se rencontrent dans toutes les dépressions daltitude. En outre, emportés par des vents violents à la fin de la dernière glaciation, des matériaux détritiques se sont déposés en une couche de poussière épaisse (limons riches en minéraux) sur tout le haut Jura, fournissant de bons sols forestiers78.
Cest donc la coexistence de ces terrains qui confère au paysage sa grande diversité.
André Robert79 dépeint ainsi les variantes de la roche jurassienne: « tantôt massive et pure, en gros bancs résistants telle la dalle du Jurassique moyen ou le calcaire portlandien du Jurassique supérieur, tantôt plus composite et tendre, avec inclusion de chailles ou de bancs marneux, fracturée par de multiples diaclases ou creusée de « lapiaz » par les eaux dinfiltration.» . Suzanne Daveau80 souligne, pour sa part, la multiplicité de terrains dans les synclinaux du Jura plissé: « le fond des vals est rempli de terrains divers : couches crétacées minces et ondulées qui font alterner argile, calcaire et marnes, molasse tertiaire, marine ou lacustre, en dassez rares affleurements, et enfin terrains quaternaires glaciaires ou fluvio-glaciaires. »
76 V. BICHET, M. CAMPY, Montagnes du Jura, géologie et paysages, op. cit., p.120-123.
77 Ibidem p.127-160
78 S. BRUCKERT, M. GAIFFE, « Les sols de Franche-Comté », CUER, 1985.
79 A. ROBERT, « Paysages comtois, une grande diversité forestière », in Les Hommes et la Forêt en Franche-Comté, Paris : Bonneton, 1990, p. 19-20.
80 S. DAVEAU, Les Régions frontalières de la montagne jurassienne. Etude de géographie humaine, thèse de doctorat, Paris, 1959.
Photo 19: Déviation des Hôpitaux-Métabief (Doubs N.57). Terrains du Jurassique supérieur (faciès Portlandien) constitués de gros bancs de calcaire blancs compact résultant dune succession de phases sédimentaires. Photo B. Renaud
Photo 20: Haute vallée du Doubs : les lacs de Remoray et de Saint-Point. Le fond des synclinaux de la haute chaîne est constitué daffleurements du Crétacé, dernier dépôt des mers de lère secondaire, recouvert de formations glaciaires. Sur les anticlinaux latéraux où la couche crétacée a été fortement
érodée, la forêt prospère sur les calcaires du Jurassique supérieur.
Photo 21: Terrain crétacé des vallées synclinales présentant une alternance de bancs de calcaire roux très fragmenté et de marnes grises (Valanginien supérieur) ; route de la Fuvelle (D.9) entre Labergement -Sainte-Marie et Saint-Antoine (Doubs) Photos B. Renaud
Photo 22: Terrains du Crétacé : calcaires du Barrémien. Les bancs sont minces, biodétritiques. Leur teinte ocre est masquée par une patine grise. D.45 entre Rochejean et Gellin (Doubs) Photo B. Renaud
Photo 23: Crétacé : calcaires de lHauterivien supérieur dont laffleurement est en « couches redressées ».
On reconnaît le faciès « Pierre jaune de Neuchâtel », bancs de calcaire ocre-jaune souvent utilisé en architecture dans le Haut-Doubs (Pontarlier) car facile à tailler et résistant au gel. D.129, Bois des Grangettes(Doubs). Photo B. Renaud
Photo 24:Terrains du Tertiaire ; les dépôts tertiaires (marins ou lacustres) se sont accumulés au fond des vallées synclinales de la Haute-Chaîne. Ces roches tendres et détritiques forment ce quon appelle les
« molasses ».Très sensibles à lérosion et souvent recouverts par les moraines quaternaires, ces terrains apparaissent rarement en affleurement. Val des Verrières (Doubs) Daprès V. Bichet, M. Campy, Montagnes du Jura, 2009.
Photo B. Renaud.
Photo 25: Vallée des deux lacs (lac de Remoray et lac Saint-Point), dans un synclinal crétacé, surcreusé par les glaciers ; à lorigine, les deux lacs nen formaient quun seul ; le delta qui sest formé au débouché du Doubs, entre les deux lacs, aux environs de 17000 ans avant notre ère, de laccumulation de sédiments entraînés par les eaux de fonte du glacier, a fini par les séparer. Photo aérienne J.P. Bévalot
Photo 26:Terrains du Quaternaire : dépôts détritiques morainiques faits de fragments de toutes les tailles (du grain de sable au bloc) arrachés par les glaciers et déposés en vrac. (En bordure du lac de Remoray, Doubs), daprès V. Bichet, M. Campy, Montagnes du Jura, 2009. Photo B. Renaud