• Aucun résultat trouvé

Les effets climatiques

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 94-98)

II L’ ECOSYSTEME FORESTIER JURASSIEN

II.4 LE RÔLE DU CLIMAT

II.4.1 Les effets climatiques

Les végétaux, et l’arbre en particulier sont tributaires de paramètres climatiques spécifiques, pluviométrie annuelle, répartition saisonnière des précipitations et des températures. Ils subissent aussi les conséquences d’accidents météoriques récurrents comme le vent, le gel, ou exceptionnels, comme la sécheresse ou les tempêtes.

Parmi les composantes climatiques, deux variables influent particulièrement sur l’état de la forêt ; ce sont l’apport en eau et la température91.

La chaleur conditionne les fonctions vitales de l’arbre (germination, respiration, photosynthèse). Elle est indispensable à la vie et la reproduction. Mais le besoin de chaleur varie avec les essences d’où les conséquences sur leur répartition et l’étagement de la végétation en fonction du gradient thermique. Si la chaleur en soi n’a pas d’effet néfaste, la sécheresse qui en résulte peut provoquer la mort de l’arbre par dessiccation de l’écorce.

Car l’eau est essentielle pour l’arbre comme pour toute espèce vivante. L’arbre pompe l’eau par ses racines et l’absorbe par ses feuilles ; il la restitue par évapotranspiration (Fig. 14). Il semble intéressant d’en préciser le processus. 1% de l’eau absorbée par les racines est nécessaire à la photosynthèse (photolyse de l’eau). L’arbre libère l’oxygène en excès comme tous les végétaux chlorophylliens (rôle de « poumon »), tandis que le reste de la molécule se combine avec l’acide carbonique pour former des molécules glucidiques. Les

90 J. BURIDANT, « L’impact des variations climatiques sue les forêts de plaine du Nord-Est de la France entre le XVIe et le XIXe siècle », in Actes du Colloque de l’Association Interuniversitaire de L’Est «La forêt dans tous ses états », Dijon (16-17 nov. 2001), J.-P. CHABIN (dir.), p.57.

91 R. MOREAU, R.A. SCHAEFFER, La Forêt comtoise, Centenaire de la Société forestière de Franche-Comté et des Provinces de l’Est, Besançon, 1990, p.229-239.

99% restants qui traversent la plante interviennent comme « solvant » intracellulaire, vecteur de la sève, avant de subir une vaporisation atmosphérique au cours de la transpiration. René Moreau92 précise que « la transpiration, plus intense le jour que la nuit, est une vaporisation partielle de l’eau au niveau des feuilles, due surtout à l’échauffement des tissus sous l’action des radiations solaires ». Un double phénomène se produit : l’évapotranspiration qui correspond à l’eau évaporée physiquement à partir du sol et celle qui est transpirée biologiquement, également libérées dans l’écosystème. L’arbre fonctionne comme une

« pompe évaporatoire ». La quantité d’eau émise par les arbres varie avec les espèces : un bouleau évapore quotidiennement 75 litres d’eau, un hêtre 100 litres, les résineux transpirent moins. Un hectare de forêt européenne entre 20 et 50 mètres cubes par jour.

Fig. 14 L’évapotranspiration, schéma INRA Nancy

L’arbre joue un rôle primordial dans la circulation de l’eau. L’arbre est une “ machine à évaporer “.

Grâce à la photosynthèse, il fabrique des sucres, matières premières du bois, en utilisant l’eau du sol, le dioxyde de carbone de l’air et l’énergie solaire. Il rejette dans l’atmosphère de l’oxygène et de l’eau.

Un arbre de 12m de haut en période de végétation puise quotidiennement 225 litres d’une solution nutritive composée d’eau et de sels minéraux. Parvenus aux feuilles, cette solution et le dioxyde de carbone permettent la fabrication de 5 kg de sucre tout en libérant 1,7 m3 d’oxygène pur. 90% de l’eau absorbée par les racines d’un arbre sont rejetés sous forme de vapeur d’eau par la transpiration.

Pour fabriquer 1 gramme de matière sèche, un peuplier puise 1 litre d’eau dans le sol alors qu’un résineux se contente de 0,5 à 0,3 litres.

(Hautes chaînes Jura Réserves Naturelles)

L’arbre modifie ainsi le climat en augmentant l’humidité, régularise le régime hydrologique tout en évitant par son ombre le dessèchement du sol.

92 R. MOREAU, op. cit. p.231-235.

La pluie, qui lave les feuilles en entraînant vers le sol les particules de poussière, est le facteur essentiel de l’approvisionnement en eau de l’arbre. Un quart environ de l’eau qui tombe sur une forêt est immédiatement évaporé sur la surface des feuilles tandis que le reste coule le long du tronc et arrive au sol. La transpiration est réduite par l’humidité atmosphérique : si l’atmosphère est humide, l’arbre exige moins d’eau de pluie : les brouillards, la rosée jouent un rôle non négligeable pour les forêts. Ainsi humidité atmosphérique et surtout pluviosité sont bénéfiques à la forêt : plus le climat est humide, plus les forêts sont denses et fournies. Or, comme les montagnes sont particulièrement arrosées en Europe occidentale, elles sont le domaine privilégié de la forêt.

Les besoins en eau varient selon les essences : le frêne est très exigeant, hêtre et sapin le sont moins ; de plus, comme le précisait Philibert Guinier93, « le besoin en eau contribue à expliquer la répartition des essences. » Il ajoutait « d’une façon générale, ce sont les circonstances relatives à l’alimentation en eau qui commandent l’aspect d’ensemble des arbres et des forêts d’une région. Si, parmi les conditions d’existence, la chaleur détermine surtout la répartition des essences, c’est l’eau qui leur impose leur physionomie. »

L’humidité est toujours supérieure en forêt où l’action desséchante des vents est limitée ; selon un gradient d’humidité, son taux décroît de la cime au sol où elle est souvent presqu’à saturation. Chaque essence possède son optimum hygrométrique.

Le manque d’eau ne provoque pas à lui seul la destruction d’essences naturellement adaptées aux conditions locales mais la sécheresse fragilise l’arbre qui est ensuite une proie facile pour les parasites, les champignons et les insectes… » On connaît assez le problème actuel des attaques de bostryches liées aux sécheresses de 1976 et 1983.

Photo 30:Traces du bostryche typographe sous l’écorce d’un épicéa (Ips typographus)

93 PH. GUINIER, « Les Associations végétales et les Types de Forêts du Jura français », in Compte Rendu du Congrès des Sociétés Savantes et Annales de l’Ecole Nationale des Eaux et Forêts, 4,2, Nancy, 1932, p.263-281.

«L’Evolution nécessaire des forêts feuillues du Jura », in Bull. Com. des Forêts, 16, 1955, p. 1772-1781.

La pluviosité, et surtout sa répartition annuelle, revêtent donc une importance déterminante pour la forêt.

L’action de la neige est plus complexe 94: les arbres, en particulier les résineux, l’interceptent par leurs branches qui se déchargent ensuite mécaniquement. Sous l’effet de fortes chutes, les effets mécaniques peuvent être violents : troncs renversés (chablis), jeunes arbres pliés, branches et cimes cassées. Sur la haute chaîne, les épicéas présentent un écotype adapté et résistant grâce à des branches fines et flexibles, rabattues le long du tronc, ce sont les épicéas columnaires. La neige exerce un effet protecteur en empêchant le gel du sol, mais en même temps une action retardatrice sur la végétation en maintenant une basse température ; la saison de végétation ne commence qu’à partir de sa fonte.

Photo 31: Epicéa columnaire (Jura). Photo ONF.

Le vent a d’abord une action indirecte sur la forêt en modifiant la température et l’humidité (vents d’est ou du nord -bise- froids et secs ; vents d’ouest humides). Mais il exerce aussi une action directe en accélérant la transpiration au contact des feuilles ; cet effet desséchant qui limite la végétation forestière est sensible sur les crêtes de la haute chaîne (les petits hêtres buissonnants, qui perdent leurs feuilles en hiver contrairement aux résineux, réduisent leur surface d’évaporation sous les vents hivernaux et peuvent résister).

Le vent a aussi une action mécanique puissante : branches, cimes et arbres cassés (chablis), troncs inclinés (arbres en fanion des crêtes de la haute chaîne), arbres déracinés,

94 R. MOREAU, op. cit. p.235.

déformation du bois (roulure). Tempête et ouragans peuvent abattre la forêt, provoquant une

« renversée ». Inversement, la forêt a une action protectrice sur l’espace découvert en constituant une barrière contre le vent (la forêt freine le vent sur vingt fois sa hauteur)95 ; le freinage du vent diminue l’évapotranspiration des plantes cultivées.

Il ne faudrait pas oublier parmi les effets climatiques, de s’interroger sur l’action de la foudre et du feu. La foudre qui n’épargne que les arbres à écorce lisse, peut faire éclater de manière spectaculaire les troncs des résineux.

Si les feux de friche sont possibles par temps de sécheresse, les incendies de forêt sont rarissimes dans les forêts humides du Haut-Doubs mais les jeunes plantations, submergées par les hautes herbes sèches sont plus vulnérables.

Si l’altitude, le relief et le sol sont des critères géophysiques quasiment immuables à l’échelle historique, il n’en va pas de même du climat qui a connu, depuis l’apparition de l’homme et à la période historique, des fluctuations dont la forêt a subi les effets.

Pour tenter de comprendre les conditions climatiques qui ont conditionné la forêt médiévale, il faut déjà dégager des éléments permanents que la connaissance du climat contemporain permet d’apprécier.

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 94-98)