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II. Discussion

II.1. Les situations rencontrées en accueil périscolaires génèrent des dilemmes

Comme nous venons de l'évoquer, les activités d'interactions humaines sont complexes, et comportent davantage d'incertitudes que des activités portant sur une matière « inerte ». Cette complexité conduit les acteurs, (dans notre travail cela concerne à la fois l'animatrice et l'agent territorial), à viser plusieurs buts simultanément dont les éléments peuvent parfois se trouver en tension : limiter l'agitation du groupe, écouter les enfant individuellement, produire un résultat visible de l'activité, gérer le temps...

Cette gestion de buts multiples peut renvoyer à la notion de dilemme, développée par P. Wanlin (2010) concernant l'activité enseignante. La gestion de dilemme étant « la recherche d'équilibres délicats entre des situations ou des objectifs de nature conflictuelle et évolutive » (Wanlin, 2010). Pour les enseignants, il s'agit (en simplifiant) de viser à la fois la réalisation du programme prescrit, le rythme de progression des élève, l'hétérogénéité du groupe, l'individuel et le collectif. Sans vouloir rapprocher l'activité d'animation de l'activité enseignante, nous pouvons néanmoins faire l'hypothèse que les acteurs intervenant dans le cadre du temps périscolaire sont également confrontés à des situations de tension, même si les éléments de dilemme diffèrent. Leur activité porte en effet à la fois sur le groupe et l'enfant, sur la production et le rythme de chacun, sur les règles et l'organisation à respecter et sur la réponse aux demandes individuelles...

Dans sa démonstration, Wanlin explique que pour résoudre ces situations de dilemme, les enseignants sont obligés de prendre des « décisions basées sur des valeurs, croyances, et pratiques opposées ». Dans notre recherche, nous avons mis en avant les différents schèmes mobilisés par chacun des acteurs, ainsi que les différences significatives d'organisation de l'action entre les deux professionnels.

Nous pouvons nous appuyer sur cette notion de dilemme pour expliquer ces écarts. Face à des situations complexes, où les buts sont multiples et parfois en tension, l'animatrice et l'agent se référeraient à des valeurs, des croyances (ce que nous avons traité sous la forme des invariants opératoires) et mettraient en œuvre des pratiques (ce que nous pouvons rapprocher des règles d'action) qui leur sont propres et leur permettent de mettre en place des stratégies de résolution de problème. Ce qui pourrait expliquer la différence de schèmes mobilisés, ces derniers étant alors propres à chaque individu. Ajoutons que, dans cette hypothèse, il ne s'agirait pas de différences liées aux fonctions exercées ni aux qualifications, mais de différences produites par les caractéristiques de l'activité en elle-même et les dilemmes qu'elle génère. L'animatrice, par exemple, privilégie la demande de chaque enfant à la conduite de son activité, tandis que l'agent vise l'aboutissement de

son « programme », privilégiant la gestion des enfants participant au reste du groupe. Si la gestion de dilemme que rencontrent les acteurs en périscolaire, renvoi, comme pour les enseignement, à des convictions personnelles (Wanlin) alors l'action serait avant tout guidée par des éléments relatifs aux attentes individuelles, aux objectifs de l'activité et à leur hiérarchisation (résultat, enfant, organisation, sécurité, parents...).

En outre, nous avons remarqué une différence significative quant à la finalité des schèmes mobilisés par chacun des acteurs : schèmes principalement orientés vers l'enfant pour l'animatrice alors que les schèmes mobilisés par l'agent sont davantage « multi-adressés ». Poursuivant dans cette logique, nous pouvons émettre l'hypothèse, complémentaire à la première, que l'agent territorial est soumis à davantage de dilemmes que l'animatrice. Puisqu'au delà des tensions internes à l'activité (dont nous venons de parler), l'agent intègrent deux autres éléments de tension: les attentes des parents et la préservation de ses conditions de travail. Il nous semble intéressant de relier cette observation aux différences existant entre les cadres d'activité de ces deux professionnels. Lors de l'analyse des entretiens exploratoires, nous avons en effet relevé que le contenu et l'organisation de l'activité quotidienne des acteurs ne se rejoint que sur ce temps spécifique de «la pause méridienne ». Si le reste de l'activité de l'animateur concerne toujours les enfants, il n'en va pas de même pour l'agent dont l'autre tâche est l'entretien des locaux, et ce, avant et après le temps de prise en charge des enfants. Nous pouvons donc imaginer, que durant le temps d'activité libre que nous avons analysé, les préoccupations de l'animateur sont orientées vers l'enfant car il représente l'objet principal de son activité, quand les préoccupations de l'agent sont, elles, tournées à la fois sur l'enfant et sur les autres tâches à accomplir dans la journée (ce qui peut expliquer, qu'elle cherche à « s'économiser » durant ce temps d'activité). Une autre explication peut tenir au fait de la différence de place occupée par les deux acteurs au niveau local. Nous l'avons dit, parmi les acteurs que nous avons rencontrés, les agents territoriaux se distinguent des animateurs par leur ancienneté, leur appartenance à la commune et leur projet professionnel stable. Ce qui pourrait expliquer l'importance accordée à l'agent aux attentes des parents, qu'elle est amenée à côtoyer sur un plus long terme et dans d'autres lieux.

Les différences observées dans les schèmes mobilisés par l'animatrice et l'agent pourraient donc tenir à la fois de la complexité inhérente à la situation (temps d'activité libre) et à la différence dans la complexité des préoccupations de chacun des acteurs, qui, générant un nombre plus ou moins importants de dilemmes, vient mobiliser chez l'acteur des stratégies de résolution de problème qui lui sont propres.

formuler une deuxième hypothèse, tenant au manque de connaissance de la part des acteurs des attentes et prescriptions de l'activité.