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A. Partie bibliographique

A.3 L’assainissement en Haïti

A.3.2 La situation

En Haïti, il a été estimé à environ 69% la proportion de la population n’ayant pas accès à des systèmes d’assainissement corrects, c’est-à-dire des toilettes qui respectent les principes minimaux d’hygiène, à savoir un système de ventilation et une dalle étanche (IHE et ICF, 2018). La défécation à l’air libre, mauvaise pratique nuisant à la santé et à l’environnement (DINEPA, 2013a), est pratiquée par 36% des habitants vivant dans les milieux ruraux et 10% en milieux urbains (IHE et ICF, 2018). Les autres ont accès à des toilettes améliorées ou non. Suite à la déclaration des OMD (ONU, 2000), plusieurs projets de latrines ont été mis en place à travers le pays. N’ayant pas pris en compte certains paramètres géophysiques des sols, ces latrines représentent le plus souvent des sources de contamination fécales des eaux et plus particulièrement des réserves souterraines (EMMANUEL et al., 2009 ; JEAN et al., 2017). Pour des raisons principalement culturelles, les toilettes sont pour la grande majorité construites à l’extérieur et parfois à quelques mètres des maisons. Cette situation est observée dans 70% des cas dont 79% dans les régions urbaines et 59% en zones rurales.

Haïti a été classée pour 2011 au trente-deuxième rang des pays les moins fournis en matière d’assainissement pour les années 1990, 2000 et 2011. Pour ces périodes, les taux de défécation en plein air ont été estimés respectivement de 13, 11 et 8 % en milieu urbain, et 64, 55 et 41 dans les zones rurales (WHO and UNICEF, 2013).

Les données de l’enquête EMUS VI pour la période 2016-2017 montrent que, comparativement à la période précédente, le taux de défécation en plein air a augmenté de 2 points en milieu urbain tout en perdant 5 en milieu rural (IHE et ICF, 2018).

Cette enquête a permis de constater que « le pourcentage de ménages disposant de toilettes

améliorées non partagées a augmenté de 14 points de pourcentage, passant de 17 % en 2005-06 à 31 % en 2016-2017. Par contre, si de 2006 à 2012, le pourcentage de ménages utilisant des toilettes non améliorées a diminué, passant de 35 % à 25 %, il est resté inchangé de 2012 à 2016-2017 (25 %) ».

La Figure 5 ci-après présente les types d’installations utilisées par les ménages et par milieu de résidence

Figure 5 : Types d’installations sanitaires utilisées par les ménages par résidence (IHE et ICF, 2018)

En Haïti, il n’existe pour le moment aucun système d’égouts permettant de gérer correctement les eaux usées en zones urbaines. Par conséquent, les habitants de quelque milieu que ce soit, évacuent leurs eaux usées directement dans les caniveaux (EMMANUEL et LINDSKOG, 2000). En l’absence d’assainissement collectif, les maisons sont pour la plupart dotées de toilette raccordée à une fosse septique servant de lieu de stockage temporaire pour les excréments, situation d’assainissement autonome particulièrement observée dans les quartiers urbains de moyen et de haut standing (ESREY et al., 1998 ; GABERT, 2018). Les données issues d’une étude menée par le Laboratoire de la Qualité de l’Eau et de l’Environnement de l’Université Quisqueya en Haïti dans 7 départements sur 10 ont montré que la « toilette avec chasse d’eau », appelée en Haïti « toilette hygiénique », « confort

moderne », ou simplement « WC », est de loin le type préféré (GILLES et al., 2015). Toutefois,

les latrines représentent le mode d’interface d’assainissement le plus présent dans les bidonvilles et les zones rurales.

De toutes les enquêtes concernant l’assainissement en Haïti, les zones rurales ont toujours mis clairement en évidence un fort taux de carence en matière d’assainissement. Cet état de fait a permis aux ONGs intervenant dans des projets WASH l’obtention de fonds pour aider à construire des latrines. Les projets mis en œuvre par les ONG présentent 2 grandes lacunes : (1) les bénéficiaires ne sont pas suffisamment formés, sensibilisés à l’utilisation des équipements qui sont dans la plupart des cas imposés ; (2) les toilettes construites ne permettent pas de protéger les réserves d’eau et l’environnement, malgré les prescriptions de la DINEPA. « Toute toilette, qu’elle soit étanche ou non, ne doit pas être mise en place en

amont et à moins de trente mètres d’un puits, d’un captage ou d’un point d’eau utilisé par les riverains (DUVALIER, 1962 ; DINEPA, 2013a).

Dans sa nouvelle politique d’assainissement, la DINEPA proscrit la subvention de la construction d’ouvrage ou la donation des toilettes aux ménages afin que les habitants ne soient pas déresponsabilisés. Contrairement aux approches antérieures, les institutions (ONG, Église, ...) intervenant dans le domaine de l’assainissement devraient se conformer aux exigences de la DINEPA, la seule autorité compétente en la matière (DINEPA, 2009). Selon les informations fournies par la DINEPA, moins de 1% des eaux usées produites sur le territoire serait traité. Les deux premières stations de traitement des excrétas en Haïti ont

été mises en service dans les années 2011 et 2012. Deux nouvelles stations sont en cours de construction aux Cayes et à Saint Marc.

La DINEPA promeut la mise en place de systèmes de réseaux et de traitement semi-collectifs (mini-réseaux et fosses collectives) sous le label « Assainissement Individuel Regroupé AIR » (DINEPA, 2013b). L’ONG Solidarité Internationale a été autorisée à expérimenter 11 dispositifs de ce type dans le quartier de Christ Roi à Port au Prince (900 bénéficiaires) et 3 à St Marc (80 ménages). Le retour d’expérience après les trois premières années (2014-2017) met en évidence des difficultés liées au foncier, à l’écoulement gravitaire, au manque d’espace, à la gestion financière et au manque d’implication des usagers. Il s’ensuit des dysfonctionnements d’ordre technique et organisationnel qui doivent être réglés avant d’envisager de déployer ce type de solution. L’ONG insiste sur l’importance de la formation, d’un accompagnement sur plusieurs années et d’une approche communautaire. Elle a également été confrontée à un manque de confiance de la part des acteurs, sans doute lié à la défiance courante envers des projets d’ONG.

A Grande Plaine, localité de la sixième section communale de Gros-Morne (Haïti, Département de l’Artibonite), la situation en matière d’assainissement est très critique. Les habitants ne disposent pratiquement pas de toilettes, si ce n’est parfois un simple trou à ciel ouvert pour déféquer. Outre le fait que ces pratiques sont considérées comme étant des sources d’infection, de nombreux sites de défécation en plein air sont observés dans la communauté. Vivant dans des situations économiques précaires, les habitants n’ont pas la capacité financière de se doter de toilettes individuelles ou collectives, d’autant que les modèles de latrines généralement proposés exigent de lourds travaux de génie civil et sont économiquement inaccessibles à un fort pourcentage de la population qui vit en-dessous du seuil de pauvreté (JEAN et al., 2018a et 2018b).