• Aucun résultat trouvé

A. Partie bibliographique

A.1 Généralités sur l’assainissement

A.1.2 Les enjeux de l’assainissement

Le regroupement des populations dans les villes a fait naître la nécessité d’organiser certains services indispensables dans le contexte de vie collective. Cette dernière doit se dérouler dans des espaces sains, réduisant l’exposition des habitants aux nuisances associées à la gestion des excrétas. C’est ainsi que pour répondre à ce besoin de vie collective saine, les autorités interviennent avec des mesures visant l’assainissement des villes en proposant des systèmes et/ou des technologies qui prennent en compte les différents enjeux. Les principaux enjeux de l’assainissement sont de réduire les nuisances sanitaires et environnementales. Ainsi, pour être efficace, un système d’assainissement doit répondre à des enjeux sanitaires et environnementaux, mais aussi économiques et socioculturels, que nous avons tenté de résumé ici à partir de nos lectures.

A.1.2.1 Enjeux socioculturels

La question de l’assainissement n’est pas perçue de la même manière par tous. D’un pays à un autre, on peut observer d’énormes variations dans la façon de voir ou de comprendre l’assainissement. Ces variations peuvent être dues au niveau d’éducation des habitants, aux valeurs socioculturelles et économiques. Le problème de gestion des excrétas et des eaux usées n’a pas la même importance partout. Si pour certaines cultures les matières fécales représentent des sources de transmission de maladies, pour d’autres ce sont les mauvais esprits qui en sont responsables.

Certaines populations sont plutôt fécophiles, c’est-à-dire sans barrières socioculturelles liées à la manipulation et à l’utilisation des excrétas, alors que d’autres sont considérées

fécophobes (ESREY et al., 1998 ; WINBLAD et SIMPSON-HEBERT, 2004, BURKHARDT, 2006). Les déterminants fondamentaux de cette différence d’attitude ne sont pas vraiment identifiés, comme cela est le cas pour de nombreuses différences culturelles liées à des géographies éloignées et des civilisations n’ayant pas évolué de la même manière.

Dans les pays fécophiles, comme la Chine ou le Japon, il n’est pas gênant de vivre proche des sites de défécation en plein air. Les termes se rapportant aux excréments humains et animaux trouvent leur place facilement dans les discours, contrairement aux sociétés fécophobes où ces termes sont considérés comme des tabous. Dans les pays fécophobes, comme la plupart des pays européens, la présence des excrétas humains ou simplement des odeurs rappelant les matières fécales est répugnante et peut même provoquer des réactions de protestation au sein de la population. Dans certains pays d’Afrique, l’odeur des gens et des lieux est souvent utilisée comme indicateur de pureté. En dépit du difficile travail effectué, les personnes qui travaillent dans les déchets ou pratiquent le métier de vidangeur sont perçues comme « sales » par les communautés. En Haïti, les vidangeurs traditionnels, informels, appelés « bayakous » sont considérés comme étant une catégorie de personnes non fréquentables, sales, impures, à tenir à l’écart de la société (DINEPA, 2013a).

Chaque société a sa propre représentation de l’assainissement et/ou des technologies proposées. La non prise en compte des valeurs socioculturelles et des éléments de blocages peut provoquer le rejet. Dans les pays en développement, pour être pérenne, la mise en place d’un système d’assainissement exige la participation active et l’implication de tous les secteurs, notamment les habitants, principaux bénéficiaires des services.

Il semble que cette participation peut être freinée par des barrières socioculturelles. Il devient alors indispensable que décideurs et les professionnels de l’assainissement en tiennent compte dans toute démarche visant à gérer durablement les problèmes d’assainissement.

A.1.2.2 Enjeux économiques

L’organisation des systèmes d’assainissement d’un pays demande des investissements économiques généralement importants, tant au niveau de la mobilisation des ressources humaines, que de la mise en place des infrastructures et des équipements. Parallèlement, une carence en assainissement peut avoir de graves conséquences sur l’économie des pays.

Contraints de répondre a minima aux exigences de certains services de base, les dirigeants de nombreux pays en développement ne sont pas en mesure d’investir dans l’assainissement, souvent considéré comme un problème non prioritaire.

Des études menées dans de nombreux pays d’Amérique Latine, d’Afrique Subsaharienne, d’Asie et d’Océanie ont permis de chiffrer les coûts estimatifs liés à un manque d’assainissement pour un pays. Une étude menée par Hutton à la demande de l’Organisation Mondiale de la santé (OMS) a montré que l’absence de systèmes d’eau potable et d’assainissement de qualité a occasionné des pertes importantes estimées à 260 milliards de dollars par an dans le monde. La part de l’assainissement serait autour de 80%. Selon l’étude, cette perte impacte très fortement les PIB des pays, à la hauteur de 1,5 % du PIB mondial, de 2,9 % du PIB pour les pays d’Asie du Sud et 4,3 % du PIB pour les pays d’Afrique subsaharienne (HUTTON, 2012).

Dans une autre étude menée dans 18 pays africains par le Programme d’eau et d’assainissement de la Banque Mondiale à la même année, on a montré que le manque d’assainissement adéquat occasionnerait des pertes estimées à 5,5 milliards de dollars à l’ensemble des pays concernés. L’impact sur le PIB a été estimé entre 1 et 2,5% selon les pays (WSP, 2012). Partant de ces constats, il semble évident que les autorités de ces pays gagneraient à investir dans l’organisation des services d’assainissement pour éviter de perdre de l’argent. Car ces mêmes études ont considéré comme étant rentables des investissements en assainissement, arguant qu’un investissement de 1€ rapporte entre 2,8 et 5,5 € respectivement en d’Afrique subsaharienne et en Asie. Le problème est que, plus un pays est pauvre, moins il a la possibilité d’investir dans la mise en place des services d’assainissement et l’entretien des infrastructures, qui ne figurent pas souvent dans la longue liste des priorités. De plus, dans les pays en développement, la majorité des populations n’est pas capable d’assumer régulièrement le coût des services.

A.1.2.3 Enjeux environnementaux

La protection de l’environnement dans son ensemble représente un enjeu important dans la définition des politiques d’assainissement. La préservation des ressources en eau se place au centre de cet enjeu. Les démarches d’assainissement doivent aider à éviter la pollution organique des cours d’eau, sièges de micro-écosystèmes animaux et végétaux.

Dans les cours d’eau où se développent des êtres vivants (animaux et végétaux), l’évacuation des eaux usées et des excréments humains ne leur est pas profitable. Or, le programme de l’environnement des Nations Unies estime à 90% les eaux usées non traitées des pays en développement, c’est-à-dire des eaux usées rejetées directement dans les cours d’eau, polluant par conséquent les ressources en eau. Plus de 200 millions de tonnes d’excréments humains seraient ainsi annuellement déversés dans les cours d’eau (GABERT, 2018).

La biodégradation de ces masses importantes de matière organique par les micro-organismes s’accompagne d’une forte consommation d’oxygène qui diminue la concentration en oxygène dissout dans les eaux, avec comme conséquence l’asphyxie du milieu et la mort des espèces. L’impact est d’autant plus fort que les nutriments amenés par les excréments (C, N, P) servent à favoriser le développement rapide des algues, phytoplanctons et autres végétaux, créant un déséquilibre dans le milieu suite à une surconsommation d’oxygène.

L’oxygène est très important pour l’oxydation de l’ammoniac et des nitrites, deux molécules écotoxiques pour les animaux, produites à partir de la décomposition des matières organiques riches en azote en les transformant en nitrates.

Tout l’enjeu aujourd’hui, dans des contextes de grande pollution, tourne autour du recyclage des molécules carbonées, azotées et phosphatées, afin de prévenir le déséquilibre des écosystèmes aquatiques et de préserver les ressources en eau.

A.1.2.4 Enjeux sanitaires

Beaucoup d’infections, notamment les maladies féco-orales, sont liées à la mauvaise gestion des eaux usées et des excréments humains. Ces derniers sont potentiellement riches en micro-organismes pathogènes susceptibles de provoquer des maladies. Quand les excréments humains ne sont pas traités ou hygiénisés correctement, les micro-organismes pathogènes peuvent polluer et contaminer l’environnement, mobilisant de nombreuses voies de contamination (l’eau, les aliments, l’air) pour produire des maladies, voire des épidémies (ESREY et al., 1998 ; ALEGBELEYE et al., 2018). La transmission des maladies féco-orales peut être accélérée par des insectes vecteurs véhiculant les agents pathogènes prélevés sur des rejets traînant dans la nature. Ceci est non seulement une menace pour la santé des populations des pays où l’assainissement est défaillant, mais aussi pour le monde

entier. En effet, la circulation des agents pathogènes d’un coin à l’autre de la planète peut se faire sans difficultés compte tenu de la masse des déplacements humains et des échanges commerciaux entre les pays (pour preuve, le choléra apporté par les agents népalais des Nations Unies en Haïti). Pour prévenir la transmission des maladies à transmission hydrique susceptibles de générer jusqu’à des pandémies, les pays, voire les instances internationales concernées par la question, ont tout intérêt à considérer comme extrêmement important et même urgent de trouver des solutions au problème d’assainissement, en cherchant à maitriser les différentes sources et voies de contamination.